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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

“Ils ont cru que j’étais mort”

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« Ils ont cru que j’étais mort. J’étais couvert de sang. Ils m’ont mis à la morgue. J’y suis resté pendant environ 10 minutes. Un voisin est venir me dire au-revoir et il a vu que je respirais. Il m’a pris le pouls et a découvert que j’étais vivant. J’ai été transporté dans la salle d’opération et on a retiré les éclats d’obus que j’avais au ventre et au côté. »

“Ils ont cru que j’étais mort”


Maher Habashi (photo de gauche) dormait chez lui dans le quartier Shaff, à l’extérieur de Gaza ville, lorsqu’un obus de tank a frappé sa maison. Il était 1h15 du matin, le 15 janvier. "J’étais avec mon oncle et un ami. Nous avons couru dehors après le bombardement.”

Deux missiles de drones ont suivi quelques minutes après, touchant les trois hommes. Le premier missile a frappé d’autres personnes qui étaient dehors et blessé Habashi au torse et à la jambe. Le second est tombé lorsqu’ils continuaient de fuir, et il a atteint l’oncle et l’ami d’Habashi, qui ont été tués.

« J’ai perdu connaissance », dit le jeune homme de 24 ans. Une ambulance de l’hôpital Wafa voisin a localisé Habashi et l’a transféré à l’hôpital Shifa, à Gaza ville, où il a été opéré au ventre.
« Après l’opération, je devais aller aux soins intensifs, mais le service était plein, alors on m’a laissé dans le service de chirurgie. J’ai repris conscience cinq jours après. »

Il a subi une autre opération deux jours après, à la jambe droite, d’où des éclats d’obus ont été retirés, comme à son ventre. Une tige en métal et 70 points, plus 3 ou 4 mois à rester alité, sont les raisons pour lesquelles il languit ici et espère qu’il pourra remarcher un jour.

Habashi devra subir une autre opération bientôt, pour son dos criblé d’éclats d’obus.

Pour lui et ses frères, les questions financières sont les plus urgentes. Avec la mort de son père, et seul Maher Habashi ayant un emploi – comme tailleur à Jabaliya – ses frères aînés se demandent comment payer les factures, sans parler des médicaments nécessaires au traitement de Maher.

Quotidiennement, il doit prendre 2 comprimés de Gaptin (400mg, paquet de 20), ce qui veut dire que tous les 10 jours, il doit en acheter une nouvelle boite, à 130 shekels (25€). Si tant est qu’ils en trouvent dans Gaza assiégée. Il a également besoin d’une crème cicatrisante, qu’il met tous les deux jours, et qui coûte 60 shekels (11€) le tube. Par mois, il doit dépenser environ 1300 shekels (245€) rien que pour les médicaments, hors les dépenses quotidiennes de sa famille.

Il y a trois mois, Habashi avait des raisons de se réjouir, il venait juste de se marier. Aujourd’hui, il a perdu ses revenus, un salaire de 35 shekels (6€60) par jour, avec en moyenne 10 à 12 jours de travail par mois, qui aidait sa famille à survivre pendant ces périodes qui étranglent les Gazaouis.

Yahya Abu Saif (photo de droite), 20 ans, a une façon de parler douce qui ne trahit aucune de ses émotions, qui auraient tous les droits d’être la dévastation et le désespoir : un missile tiré par un avion israélien qui a frappé l’extérieur de la mosquée qu’il venait de quitter le 3 janvier a arraché les deux tiers de sa jambe droite et logé un éclat d’obus dans le crane, paralysant la moitié gauche de son corps. Mais plus que cette perte physique, le missile a volé son rêve de devenir instituteur.

« C‘était environ 5h de l’après-midi, et je priais à la mosquée Ibrahim al-Makadma, à Beit Lahia. J’étais sorti de la mosquée et j’étais à la porte extérieure lorsque la mosquée a été attaquée par un missile tiré par un F-16. Je me souviens des corps partout autour de moi puis je me suis évanoui. J’ai appris plus tard qu’il y avait eu 15 morts. »

Il a été transporté à l’hôpital Kamal Adwan, puis immédiatement transféré aux soins intensifs de l’hôpital Shifa.

« Il est resté 15 jours en soins intensifs, où il a eu plusieurs opérations, » confirme Mohammed, le frère aîné de Yahya. La première opération a consisté à soulager la pression cérébrale due à l’hématome, une accumulation de sang entre le cerveau et la boîte crânienne. Ensuite, il a fallu retirer les éclats d’obus de son cerveau.

Pendant qu’il était inconscient, dans le service des soins intensifs, Yahya a été maintenu en vie par un ventilateur mécanique, matériel vital qui, comme la plupart des équipements clés de l’hôpital, était rare mais énormément demandé pendant les attaques sur Gaza.

Dès le premier jour, les hôpitaux de Gaza ont été débordés par les morts ou les mourants, ces derniers nécessitant les lits et les équipements du service de soins intensifs, ce qui veut dire que les patients de ce service faisaient la queue dans les salles d’attente jusqu’à ce qu’un lit se libère.

Les explosions qui ont frappé l’extérieur de la mosquée, où des dizaines de fidèles étaient en train de prier, ont arraché la jambe de Yahya au dessus du genou. Une autre opération a consisté à lisser le moignon pour le cas où il pourrait avoir une jambe artificielle. Mais comme le siège sur Gaza empêche même les jambes artificielles d’entrer, Yahya devra attendre pour en avoir une et voir si sa paralysie peut être surmontée.

Depuis son lit à l’Hôpital Wafa, sa tête blessée posée sur un oreiller taché de sang, Yahya raconte son histoire. Il a 9 frères et 5 sœurs. Son père, comme beaucoup, est au chômage. Mais 3 de ses frères travaillent comme policiers, et ont miraculeusement échappé aux attaques israéliennes contre les postes de police partout dans la Bande.

Comme 4 de ses frères et sœurs, il étudiait à l’Université Ouverte Al-Quds et jusqu’à ce qu’il soit touché par le missile israélien, il réussissait dans ses études et rêvait d’enseigner. Même si cela paraît incroyable, il continue à espérer atteindre ce but.

Il prend les mêmes médicaments que son camarade de chambre Maher Habashi, du Gaptin, mais contrairement à Habashi, Yahya n’a pas les graves soucis financiers d’une famille sans travail. Pourtant, ils vivent tous les deux à Gaza assiégée, tous les deux confrontés à l’obstacle commun de trouver des médicaments à l’intérieur de leur Gaza aux frontières fermées, leur camp de concentration.

Source : In Gaza

Traduction : MR pour ISM

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