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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

"Jenin" était le mot qui courait sur toutes les lèvres

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Alors des cris se sont élevées des rues, automatiquement nous nous sommes mis à courir jusqu'en bas de la route , contournant des gens qui avaient dépassé leur peur, des charrettes lourdement chargées, tirées par des ânes.

Et nous avons couru jusqu'à ce que nous trouvions un coin de rue ou tourner, et là, nous avons dépasser des familles et des enfants dans des ruelles étroites suffisamment éloignées de la rue principale pour ne pas être au courant du pire, suffisamment loin pour que nous soyons les premiers à répandre la nouvelle que l'armée était revenue. Les vieillards ont écarquillé les yeux, les mères tiré leurs enfants à l'intérieur, jetant des regards inquiets en direction de là ou nous venions. Nous avons trouvé la route de la mer et un taxi et nous nous sommes dirigé vers le Block J. Nous avons essuyé un tir de mitrailleuse en rentrant dans le camp de Yibneh. C'était le crépuscule. Le soleil en se couchant derrière le mur en bordure de la ville fit un trou brûlant dans le ciel.

Quand nous sommes arrivés au camp de Yibneh, l'exode avait déjà commencé, rendez vous d'une nouvelle génération avec l'exil, image moderne de réfugiés descendant de réfugiés: des charrettes chargées de meubles empilés tirées par des ânes, des hommes décrochant de leurs gonds les portes de leurs maisons, des enfant qui tenaient les clés de leurs maisons accrochées à des chaînes vertes fluorescentes.

L'armée était partie pendant la nuit, laissant derrière elle une ville complètement dévastée, des pans de maisons s'enchevêtrant comme des corps tordus jusqu'au ciel. Des arbres et des rues, des lignes électriques, des conduites d'eau, cassés, tordus, entremêlés, déracinés. Un cimetière de choses qui reflétaient la vie. Les morts eux avaient été emmenés sur des civières, pour la plupart après être restés pendant des heures étendus dans la rue, à cause des tanks et du couvre feu et parce que les gens effrayés étaient restés derrière les portes fermées, alors que les ambulances négociaient leur passage auprès de l'armée. C'était un jour typique d'automne, avec des nuages fins parsemant le ciel d'un bleu de piscine.

L'armée était partie pendant la nuit, dans un fracas de tonnerre, grondant dans sa descente jusqu'à la frontière, effrayant toute la ville. Elle était partie non pas par les rues traversées en venant, mais en se frayant un passage à travers les maisons qui étaient encore debout à Yibneh, démolissant tout sur son passage et écrasant ce qui restait . Dix personnes ont été tuées, et plus de quatre vingt blessées; cent maisons ont été démolies, et quinze cent personnes sont devenues sans abris, selon une estimation de l'ONU. Et en fait, l'armée n'est pas complètement partie, stationnée provisoirement le long de la frontière, et Moshe Ya alon ( chef d'état major de l'armée israélienne ndt )a appelé des réservistes pour de nouveaux déploiements de troupes; le mot qui circule en ville c'est que l'armée était partie pour laisser le temps aux familles effrayées de quitter le camp, abris vide, qu'il ne resterait plus à l'armée qu'à démolir.

Cette nuit, je suis restée avec Noura et la famille à la porte de Salah el- Deen.Le matin, nous avons jeté un coup d'oeil furtif par dessus le balcon. Un tank était toujours positionné près de la tour du block O. Il n'a pas arrêté de tirer aussi, et ce, pendant toute la journée, par rafales.

La plupart des morts étaient des adolescents qui, plus curieux qu'effrayés, étaient sortis dehors pour voir ce qui se passait dans leurs rues, au lieu de rester dans leurs maisons. Ils ont été conduits sur des brancards jusqu'à la morgue de l'hôpital, en attendant que leurs familles viennent les identifier, certains à peine reconnaissables, conservés dans des linceuls en attendant que l'armée parte et que leurs familles puissent les enterrer. Lorsque des funérailles ont eu lieu, ce n'était pas dans le camp que l'armée menaçait de réenvahir, mais loin, en centre ville, à Hay Il Ijnena. Mais pas suffisamment loin : un hélicoptère Apache a largué un missile dans un champ désert à proximité de l'enterrement, le deuxième jour de l'invasion, enterrement de ??? qui habitait à Hay Il-Ijnena, le quartier
le plus chic de la ville, connu pour être loin de la frontière, et qui est mort touché par d'énormes balles tirées d'un Apache à travers le toit de sa maison.

Quand l'armée est rentrée, nous étions sur le toit, entrain de raconter des histoires et des rêves à la ronde. Les Apaches sont arrivés en précurseurs de la fin du monde, larguant des balles de la taille d'un poing - boom boom boom, des explosions à quelques minutes d'intervalles des tanks et des avions. Nous avons passé la nuit la peur au ventre à boire du café, chaque balle entendue nous semblait comme tirée à travers nos fenêtres. Nous sommes dans le centre ville. Tous les tirs viennent
de la frontière, et même si cela n'atteint pas nos murs,cela tire dans notre direction,cela fait un bruit terrible,abrutissant, crépitement de pluie.

Les gens envahirent l'hôpital et des le matin celui ci était déjà à cours de médicaments. Personne ne pouvait aller jusqu'à l'hôpital européen de Gaza, seul hôpital correct dans la région, des tanks étant parqués devant depuis des jours ne laissant personne approcher. Les morts attendaient dans les réfrigérateurs pour être identifiés. Il n'y avait plus suffisamment de lits. Mon ami Adwan fut le premier à identifier son ami, un ami qu'il avait depuis 12 ans, Mabrouk, dont le nom veut dire félicitations, qui avait reçu trois balles dans la tête et cinq dans le dos, en rentrant à pied chez lui, à 19 ans. A la mosquée, les hommes se rassemblaient pour la prière et pour partager des informations. Mohammed revint avec des nouvelles. Le sheik de la bibliothèque, celui que nous connaissions tous avait été tué alors qu'il marchait dans la rue, une balle dans le coeur. L'un des conducteurs d'ambulances qui avait conduit Rachel Corrie à l'hôpital avait lui aussi été tué en route pour sauver des blessés. C'était l'une des deux ambulances sur lesquelles l'armée à tiré cette nuit là. En bas de la rue de mon amie Feryal au block J, une garçon de huit ans, le fils de son voisin, a été tué sur le pas de sa porte quand un tank fit marche arrière vers sa maison et lui a tiré dessus alors qu'il en sortait en courant. Pendant deux heures l'ambulance s'est vu refuser le passage alors que l'enfant saignait à mort. Feryal est enceinte et doit accoucher ces prochains jours. Quatre tanks étaient parqués à chaque coin de son block.

Je suis allée avec les employés municipaux pour négocier avec l'armée afin qu'ils puissent réparer l'électricité et l'eau dans une rue qui en est privée depuis plusieurs jours. Les vrais héros ici sont les employés municipaux et les conducteurs d'ambulances qui ont passé outre leur peur pour maintenir les services en ville. J'ai parlé d'une distance de 10 yards avec un soldat dans un véhicule de transport de troupe, pour voir si les employés pouvaient réparer le système d'alimentation en eau. Il m'a fait un signe avec le pouce levé. Il semblait essayé de comprendre. Des univers parallèles qui entrent en collision. Je n'arrivais pas à croire que j'étais entrain de parler avec une personne réelle à l'intérieur de cette énorme machine, j'avais terriblement besoin de contact humain, pour mettre un visage sur cette machine militaire. Nous avons crier de chaque coté d'un barrage routier que l'armée avait érigé, séparation que nous ne pouvions franchir ni l'un ni l'autre. Je suis restée trop longtemps, à le regarder bêtement, en espérant que je pourrais lui parler pendant des heures jusqu'à ce qu'il quitte son blindé, me sentant naïve et bête dans le soleil de l'après midi. L'armée a dévasté la totalité de la rue. L'eau remplissait le sable partout ou les conduites d'eau avaient été brisées. Des personnes manquaient de nourriture, n'avaient ni eau ni électricité depuis deux jours. Deux femmes qui voulaient apporter des vêtements à leurs enfants à l'intérieur de la zone militarisée se virent refuser l'entrée. La municipalité, qui voulait apporter de la nourriture de première urgence aux personnes bouclées dans cette zone et réparer l'eau et l'électricité s'est vue refuser l'entrée. La nuit précédente j'avais dormi chez la famille de Naela. L'invasion était vieille d'une journée. " Jenin" était le mot qui courait sur toutes les lèvres," b'eyn Allah" c'est sous le regard de Dieu.

La maison de mon amie Anees a été partiellement démolie. Celle d'Abu Ahmed le vendeur de jus de carob l'a été entièrement. L'armée israélienne a utilisé des gaz inervants pour la première fois à Rafah laissant les personnes secouées, pendant plusieurs jours. Et, la nuit dernière, je me suis enfuie des rues de Yibneh alors que l'armée revenait et me suis frayée un chemin jusqu'à la maison de Feyal au block J; mieux vaut être avec elle sous couvre feu que de m'inquiéter à l'extérieur. L'armée cette fois n'est pas venue de la même façon qu'elle le fait d'habitude, mais a envahi les lieux de manière à terroriser les personnes pour les pousser à fuir, puis tiré pendant toute la nuit. J'ai commencé à confondre tous les bruits forts avec ceux des tirs d'armes, comme j'avais l'habitude de le faire à mon arrivée ici. Nous avons dormi partiellement. Dehors tout autour, tout a été démoli. Le matin était tranquille. Des familles étaient assises sur le pas de porte de leurs voisins fixant les destructions. L'endroit était passé d'un quartier vivant et peuplé à une sorte de galerie bizarre, ou les enfants fouillaient parmi les meilleurs perchoirs de voitures tordues et de maisons en ruine. Encore quelques semaines et l'armée achèverait son travail de " nettoyage" de la zone - enfouissant les restes de la ville jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien qu'une étendue plate sableuse, un parking de l'armée. Même les fantômes quitteront l'endroit, à la recherche de meilleurs horizons.

Alors même que je suis assise avec Feryal dans la clinique remplie de femmes enceintes et d'enfants criant, des tanks tirent sur les camps. Cela ne s'est pas arrêté de la nuit ni de la matinée, et il y a quatre nouveaux blessés. La ville entière est effrayée,a peur de respirer. La tristesse est sèche et indescriptible. Des personnes sont sous les tentes dans la rue, quelques familles offrent une pièce pour héberger les nouveaux sans abris. L'armée ment, comme d'habitude, qui dit que dix maisons seulement ont été détruites, et que les personnes tuées étaient des combattants. Des journalistes essaient d'arriver jusqu'ici mais avec difficulté et à condition qu'ils suivent les instructions de l'armée. La machine à ultra son ressemble au tir d'armes pour mes oreilles effrayées. Feryal regarde droit devant, regard cynique, sarcastique, d'un oeil distant.

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