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Beit Ommar - 4 septembre 2006
Par Arno et Mireille
Samedi 3 septembre 2006, en fin d’après midi, nous étions, nous ISMers francais à Hébron quand nous avons appris que des internationaux étaient demandés à Beit Ummar, village entre Hébron et Betlhéem.
On nous explique qu’une famille de villageois a besoin de 3 personnes le lendemain matin car certaines parcelles de leur terre se trouvant très près de la colonie Kamei Tsur et que les membres de cette famille craignent de ne pouvoir y accéder, d’être violemment pris à partie et frappés par les colons, comme c’est arrivé récemment..
Photo : Les Palestiniens résistants vendangent leur vigne à deux pas de la colonie Kamei Tsur
La présence d’internationaux est souvent dissuasive. Nous interposer en cas de problème avec l’armée ou les colons peut être utile. Un ISMer italien et nous deux décidons d’y aller.
Nous quittons Hébron vers 20h en taxi et arrivons 15 minutes après à Beit Ummar, ou M., le coordonnateur ISM du village, nous reçoit chez lui.
Nous admirons sa maison et il nous raconte qu’il a été arrêté par l’armée israelienne lorsqu’il était plus jeune et qu’il est resté 7 ans en prison, dans la très dure prison d’Ashkelon et dans un camp du Naqab.
Pendant son séjour en prison, ses amis lui ont construit cette belle maison. "Maintenant, ils ne sont plus ici, c’est eux qui sont en prison", ajoute-t-il tristement.
Il nous explique qu’il y a une vingtaine d’années, il y avait 4 prisons en Israël. Il y en a maintenant plus de 120...
Nous discutons longuement en buvant du thé.
C’est hélas toujours la même histoire d’une occupation féroce, de terres volées, d’incursions de l’occupant la nuit dans les villages avec tirs dans les fenêtres pour réveiller et effrayer les habitants, emprisonner des hommes ou des enfants sous n’importe quel faux prétexte. (voir la vidéo de l'attaque israélienne du 13 juillet dernier)
M. n’est pas très optimiste pour l’avenir.
Le lendemain à 7 heures, 5 hommes de la famille X. viennent nous chercher.
Debout sur la remorque tirée par un antique tracteur, nous progressons lentement à flanc de coteaux le long des chemins escarpés, partout autour de nous de magnifiques vergers et des vignes superbes, dont les lourdes grappes semblent mûres.
Nous voyons au loin, sur la colline, les maisons aux toits de tuile rose, caractéristiques des colonies illégales qu’Israël a construit sur tout le territoire palestinien.
Deux bulldozers sont en action qui tracent une route qui couronne la colline où se dressent les habitations des colons.
On remarque comme partout les signes de la paranoia israelienne : checkpoint à l’entrée de la colonie, grillage et barbelés, jeep et hummer, soldats et milice de colons...
La route que les bulldozers créent, creusant et aplanissant la terre, est comme une saignée supplémentaire sur les terres du vieil homme qui se tient droit, fièrement, debout, doyen de la famille dont nous accompagnons certains membres dans ce projet de cueillette, sur la remorque du tracteur.
Nous comprenons que non seulement cette colonie illégale du point de vue du droit israélien et international lui a pris ses terres il y a 20 ans de cela, mais que cette nouvelle route, véritable chemin de ronde à flanc de colline, vient parachever cette honteuse spoliation.
Quelques pieds de vignes subsistent entre la route nouvellement tracée et les premières habitations.
C’est là que nos amis fermiers vont tenter de récupérer, en remplissant un maximum de cagettes en carton, les fruits miraculés de la folie de ces hommes indignes.
Il s’agit de ne pas trainer, nous devinons que notre présence (car nous sommes tellement exposés à quelques dizaines de mètres du chekpoint et des premières habitations) sera vite repérée.
D ailleurs, une jeep arrive et passe, ralentissant sérieusement, à quelques mètres au dessus de nous.
Nous, internationaux, essayons d’être clairement visibles afin qu ils réalisent qu’aujourd hui, harceler les villageois ne sera pas aussi commode. Cela semble marcher ce matin-là, ce n’est que lorsque nous empilons les cagettes sur la remorque que trois véhicules appartenant à la milice du village se garent en surplomb.
Un jeune homme armé en descend tandis que les autres le couvrent. Nous marchons vers lui pour lui montrer notre détermination. Il nous demande si nous parlons hébreu.... nous lui indiquons nos nationalités afin qu il ne nous confonde pas avec des activistes pacifistes israéliens.
L’un des jeunes de la famille parlant sa langue, ils se mettent à discuter alors que nous restons tout proches. Le doyen est appelé, il montre ses papiers d’identité afin de rappeler que cette terre lui appartient.
Le jeune colon ne manque pas d’aplomb et lui signifie qu’il doit téléphoner a la DCO (District Coordination Office) pour demander la permission de venir sur ses terres ! (bien sûr, il est peu probable que la DCO donne son accord et nous apprendrons plus tard, lors du déjeuner qui nous réunira après cette "vendange à la Palestinienne", que les fermiers refusent de se soumettre et de suivre ce conseil. L’accepter serait admettre que ces terres ne sont plus les leurs).
Le vieil homme, dans un geste d’une grande dignité, tend au jeune colon armé une grappe de raisin. La symbolique de ce geste ne m’échappe pas. Il signifie : "Ce que tu prends par la force, j’étais prêt à le partager". Le colon refuse la grappe... et s’en va .
Nous quittons les lieux et reprenons la route, perchés sur le peu de place qu il reste sur la remorque.
Un véhicule de l’armée du type hummer ne tarde pas à nous coller au train. Il nous suivra jusqu’à l’entrée du village, manière bien peu subtile d’avoir le dernier mot.
Durant ce retour, nous pourrons admirer leur méthode car le seul moment ou ils ont cessé de jouer la voiture-balai sera pour aller importuner un berger qui, apprendrons-nous par la suite, refuse de céder à leur intimidation et continue de faire paitre son troupeau là ou il l’a toujours fait, route pour les colons ou pas
Nous n’en avions pas fini avec cette vendange atypique car un copieux d"jeuner nous attendait et, accueillis avec une gentillesse extrème, nous avons fait honneur à ce repas compose de produits "maison".
La table était couverte de plats dans un condensé de tout ce qui fait la base de l’alimentation des Palestiniens.
Un des fils du vieil homme, enseignant en physique et astronomie et homme de foi, nous expliqua de manière très précise la situation locale, notamment quand furent créées les colonies environnantes (une en 1949, l’autre dans les années 80 – avant Oslo donc – et elles n’ont cessé de s’étendre après Oslo...), la vision incorrecte que l’on pouvait parfois avoir de l’Islam en Europe et au Etats-Unis, nous rappelant qu’un musulman devait, pour être en accord avec le Coran, reconnaitre tous les prophètes présents dans l’Ancien et le Nouveau Testament, ce qui de fait implique une reconnaissance et un respect absolu envers les cultes chrétien et juif. Nous eûmes du mal à quitter cette famille O combien chaleureuse mais nous sommes rentrés à Hébron où le reste de l’équipe de Tel Rumeida pouvait avoir besoin de nous.
Après avoir pris un peu de repos, nous avons essayé en vain de nous connecter à Internet.
Comme tous les après-midi depuis 4 jours que nous sommes ici, aucune connexion l’après-midi.
Celle-ci est rétablie miraculeusement vers 18h ! Pourtant, cet après-midi, depuis la terrasse où nous fumions une cigarette, nous avons parfaitement entendu le bruit caractérisque du "wizz" de Messenger, à l’étage en dessous. La connexion n’est donc pas coupée pour tout le monde !!!
En fin de journée, arrivant au checkpoint qui contrôle le quartier Tel Rumeida, en bas de notre rue, nous découvrons une dizaine de Palestiniens, attendant debout, sur le trottoir.
De l’autre côté de la rue, Plusieurs membres de la police des frontières, les soldats habituels et un policier sont postés, les armes à la main. L’un d’entre eux copie les numéros des papiers d’identité pris aux Palestiniens, pendant qu’un autre téléphone.
Nous nous approchons des soldats et leur demandons pourquoi ils retiennent ces hommes et leurs papiers d’identité. Ils nous répondent, sur un ton assez agressif, que nous pouvons aller voir ailleurs, et que tout va bien.
Nous traversons la rue et demandons aux Palestiniens depuis combien de temps ils sont là. Dix minutes. Nous leur demandons également s’ils veulent que nous restions, et ils le souhaitent.
Nous nous mettons donc à côté d’eux, et nous sortons nos téléphones portables des sacs, de manière bien évidente.
Nous savons que ce genre de contrôle est fréquent, mais en principe, les soldats ne peuvent pas garder les Palestiniens plus d’une vingtaine de minutes.
En effet, un quart d’heure plus tard, le soldat fait signe au groupe d’hommes de traverser la rue et il leur remet leurs papiers d’identité. Nous décidons de rester.
Dans la demi-heure qui a suivi, tous les hommes jeunes entrant ou sortant du quartier ont été stoppés pour contrôle.
L’un d’entre eux est un ami du coordonnateur local d’ISM, il est venu un soir boire un thé avec nous.
Après avoir donné sa carte d’identité au soldat, il vient vers nous et je lui demande ce qu’il pense de cette action police des frontières/armée. Il me dit que très certainement, Israël veut faire un recensement de la population palestinienne de Tel Rumeida.
Ils veulent savoir exactement qui habite ici, quel numéro d’identité, quelle adresse, quel numéro de téléphone.
Il nous indique qu’une opération de ce type a déjà eu lieu, il y a 2 ans.
Dans les mois qui ont suivi, personne d’autres que les résidents n’étaient autorisés à passer.
Lorsque des membres des familles ou des amis des habitants voulaient leur rendre visite, ils devaient d’abord donner le nom et l’adresse de la personne qu’ils allaient voir.
Les soldats, au check-point, téléphonaient pour vérifier et seulement après, les visiteurs étaient autorisés à passer. Le système est hélas toujours en place.
En fait, tout dépend de l’humeur du soldat qui est en faction. Si celui sur lequel vous tombez a bien dormi ou a eu de bonnes nouvelles de chez lui, il y a toutes les chances que vous puissiez passer et aller rendre visite à vos amis.
Par contre, si vous avez le malheur d’arriver le jour ou le soldat de garde s’est levé du mauvais pied, vous pouvez directement passer par la vieille ville toute proche, contourner les énormes blocs de pierre installés par l’armée "la plus morale du monde" pour empêcher les voitures palestiniennes de passer, et essayer, par les ruelles, de rejoindre ceux à qui vous voulez rendre visite.
Vers 19h30, à la nuit tombée, les occupants zélés ont levé le camp et nous sommes allés dans la vieille ville acheter des gateaux et nous promener, pour nous detendre.
Le lendemain, première surprise du matin : pas d’eau. Les Israëliens s’emparent de 80% de l’eau et le reste pour les Palestiniens ! De fait, l’eau manque parfois pendant plusieurs jours dans les Territoires occupés.
C’est à chaque minute de leur vie quotidienne que les Palestiniens souffrent de l’occupation barbare israelienne. Leur extraordinaire volonté de tenir coûte que coûte et de résister jour après jour n’en est que plus remarquable.
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