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Jérusalem -

Biddu pleure ses morts

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Mais nous sommes tous les deux d’accord : il est clair que la famille est submergée chagrin, et que leur fils, mari, frère, père soit mort en défendant sa terre est de peu de réconfort, du moins pour l’instant.
Les gens de ces villages ont perdu énormément avec l’Occupation. Leurs terres ont été saisies pour faire de la place aux colonies israéliennes qui envahissent le paysage d’ici.

Biddu pleure ses morts


L'armée israélienne répond violemment à la manifestation pacifique de Biddu/Beit Surik le 26 février 2004 - Photo : ISM

"Maintenant il ne peut plus rien voir" dit une vieille femme en pleurant. Son mari, Mohamed Mostafa Mahmoord Haiden, 75 ans, est assis silencieux sur un matelas à côté d’elle un œil bandé et l’autre vitreux et aveugle. Je me trouve dans leur maison de famille à Biddu, un village proche de Jérusalem.

La pièce est remplie de membres de la famille, d’hommes du village et d’autres volontaires des ISM. Tandis que la femme parle on sent son angoisse et sa colère ; quelques uns dans la pièces semblent impassibles.

Deux jours plus tôt, le 26 février 2004, Mohamed a fait partie d’un groupe d’au moins 65 personnes qui ont été blessées par l’armée israélienne en résistant contre la destruction et l’annexion de leur terre décidée pour faire place au Mur. Ils sont parmi les survivants.

Trois hommes sont morts sous les balles des soldats israéliens et de la police des frontières. Un autre, touché au front par un sniper
israélien ne s’en tirera pas.

Les villageois n’étaient pas armés, certains résistaient par les mots, d’autres avec leurs corps, d’autres avec les pierres de leur terre. En réponse l’armée israélienne a tiré à balles réelles, avec aussi des balles en caoutchouc enrobées de métal, ont envoyé des gaz lacrymogène et ont tabassé les protestataires à coups de bâton.

Aujourd’hui les habitants de ce village et des villages voisins soignent leurs blessés, pleurent leurs morts et vont affronter un nouvel assaut israélien apparemment inévitable contre leur terre et leurs communautés.

La femme de Mohamed nous raconte ce qui est arrivé à son mari. Il avait rejoint des centaines d’autres villageois alors qu’ils essayaient d’arrêter le travail de destruction et d’annexion de leurs terres.
Les bulldozers ont grondé à travers la terre de la famille de Mohamed et ont avancé pour faire place nette pour le Mur. En annonçant : "Je resterai sur ma terre, c’est la terre de mes ancêtres". Mohamed est parti protéger ses champs.

C’est là qu’il a été battu par un policier de la frontière israélien brandissant un bâton. Avec ses mains nues, il a essayé de se protéger mais en réponse le policier des frontières l’a visé au visage avec une balle de métal enrobée de caoutchouc. Il n’y avait que quelques mètres de distance, la balle a atteint son œil droit et l’a détruit.

Mohamed déjà aveugle de l’œil gauche en raison d’un précédent médical est maintenant totalement aveugle. Sa femme nous dit qu’aveuglé il a jeté de la terre sur ses assaillants avant que d’autres gens ne viennent à sa rescousse. Pendant le temps que j’ai passé dans la maison beaucoup de monde a parlé, la femme de Mohamed, son frère et d’autres mais lui-même est resté silencieux, des larmes tombant de son œil sans bandage mais inutile.

J’ai vu la scène de l’attaque de l’armée israélienne à Biddu.
Je suis allé dans le champ entre le village, le site du Mur et la colonie israélienne de Giv’on Ha-Khadasha en surplomb. Le sol est jonché de bombes lacrymogènes. Un collègue a trouvé des étuis de balle confirmant les témoignages oculaires selon lesquels l’armée israélienne, malgré ses démentis, a utilisé des balles réelles contre les protestataires.

Derrière nous la maison d’une famille saisie par l’armée israélienne, et dont le toit est utilisé comme position pour les snipers. C’est dans cette zone que trois hommes sont morts et qu’un autre a été laissé mourant.

En route vers le village proche de Beit Iksa, mes yeux commencent à me brûler pendant que les pneus du taxi soulèvent la poussière des champs et de la route. Des gaz lacrymogènes restés dans le sol s’échappent de nouveau , le sol lui-même est saturé de gaz après trois jours où se sont succédées des vagues de gaz lacrymogène.

C’est ce gaz qui a tué Abdel-Rahman Saledm Abu Edi, 65 ans, jeudi. Il est mort d’une attaque cardiaque après avoir été pris dans une attaque aux gaz lacrymogène ce jour-là.

Dans le village nous sommes allés voir la maison de Zacharia Mahmoud Eid, 27 ans. C’est maintenant une maison de deuil ou « Beit al azaa ». Zacharia est l’un de ceux qui ont été tués à Biddu jeudi. Dehors, les chaises en plastique de la maison familiale sont placées en rang. Nous présentons nos respects à sa famille et buvons le café amère du deuil dans un soleil éclatant.

Nous nous rendons au village de Beit Duqq. Nous nous arrêtons au moment où le cortège funéraire passe transportant un corps enveloppé d’un simple linge.
Un homme me dit que c’est la grand-mère d’une autre victime de jeudi Mohamed Fadel Riyan Yaseen, 26 ans. Elle est morte aujourd’hui.
La perte de Mohamed me dit-il était "beaucoup trop lourde à supporter".

Dans la maison de la famille de Mohamed je vois son frère en larmes, soutenu par un autre homme, inconsolable dans son chagrin.

Des femmes dans le jardin se soutiennent les unes les autres, certaines pleurent d’autres sont livides et en état de choc. Parmi elles, la veuve de Mohamed et la mère de sa fille d’un an.
On distribue des bonbons aux parents en deuil. Un collègue palestinien m’informe que ces bonbons symbolisent la célébration de la mort de Mohameed en martyr de la cause de la liberté.

Mais nous sommes tous les deux d’accord : il est clair que la famille est submergée chagrin, et que leur fils, mari, frère, père soit mort en défendant sa terre est de peu de réconfort, du moins pour l’instant.

Les gens de ces villages ont perdu énormément avec l’Occupation. Leurs terres ont été saisies pour faire de la place aux colonies israéliennes qui envahissent le paysage d’ici.

Maintenant le Mur va confisquer encore plus de terre et les isoler des communautés du reste de la région. L’armée israélienne a pris la vie de quatre hommes ici et détruit la vie d’encore plus de gens par blessures et chagrin. Mais rien ne dit que ces gens vont s’incliner devant la violence qu’on leur inflige au nom de la sécurité d’Israël.

Tous ceux à qui j’ai parlé disent qu’ils sont prêts à retourner sur leurs terres et à affronter les bulldozers et l’armée israélienne. Ces gens ne resteront pas silencieux quand le mur est en train de détruire leurs vies.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS

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