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Tulkarem - 16 octobre 2003
Par Roy R.
Je suis tombé sur une déclaration d'un ancien procureur général d'Israël disant : "Nous avons choisi avec enthousiasme de devenir une société coloniale, ignorant les traités internationaux, expropriant des terres, transférant des colons d'Israël vers les territoires occupés, nous engageant dans le vol et trouvant des justifications pour toutes ces activités".
Bonjour tout le monde. C'est probablement mon dernier long rapport avant mon voyage de retour. C'est la vie.
Nous sommes partis de Ramin mardi, pour aller une dernière fois à Tulkarem. Tulkarem est une ville palestinienne mais à cause de l'occupation illégale de la Palestine, il n'y est pas possible d'y mener ses propres affaires. Nous avions eu vent d'une possible incursion de l'armée israélienne, aussi nous sommes allés en ville pour essayer d'éviter des abus de droits de l'homme à l'encontre des palestiniens. En fait ce sont les droits de notre groupe d'observateurs internationaux qui ont été abusés.
Nous étions à l'extérieur de l'immeuble ou nous étions logés, achetant des bananes avant de faire le tour de la ville à pieds pour observer. Une Jeep fermée, armée, est passé au bout de la rue, s'est arrêtée, a fait marche arrière et nous à foncer dessus, ses phares braqués dans nos yeux. Une autre Jeep est arrivée rapidement par derrière nous, nous coinçant ainsi entre les deux. Les soldats nous ont dit que nous ne devrions pas être là , et nous ont ordonné de monter à l'arrière de la jeep.
Nous avons expliqué que les soldats, rencontrés auparavant au barrage, nous avaient laissé entrer dans la région et donc la ville, ne disant rien sur l'illégalité de se trouver ici. Nous leur avons également expliqué que nous ne faisions qu'acheter de la nourriture, et que nous retournerions à l'intérieur de notre appartement s'ils déclaraient un couvre-feu.
Ils nous ont de nouveau ordonné de monter à l'arrière de la Jeep et nous ont menacé d'employer la force si nous leur désobéissions. Nous avons essayé de les raisonner, mais quatre hommes costauds et armés ont sauté en dehors du véhicule ont saisi deux d'entre nous et les ont traînés jusqu'à l'une des jeeps. J'ai protesté et j'ai aussi été emmené de force dans la jeep.
Nous avons été conduit jusqu'à un baraquement israélien et placé sous surveillance d'un garde armé. Nous avons de nouveau protesté que nous n'avions rien fait de mal et nous avons demandé à être relâchés. Cela nous a été refusé et l'officier en charge dit qu'il avait téléphoné à la police pour qu'ils viennent nous chercher. Après avoir attendu presque deux heures dans le baraquement, on nous a mis dans une jeep de la police, presque identique à celle de l'armée. Deux soldats lourdement armés étaient assis entre nous et la porte.
La Jeep a commencé à rouler, mais peu de temps après elle s'est arrêtée et deux jeunes palestiniens d'environ 18 ou 19 ans ont été poussés à l'intérieur. Ils n'avaient pas l'air plus âgés que Karl, leurs mains attachées et leurs T-shirts sur leur tête pour cacher leur visage, qu'on leur avait dit de baisser vers leurs genoux. Nous avons demander pourquoi c'était nécessaire qu'ils se tiennent ainsi et on nous a dit de la fermer, que ce n'était pas notre affaire.
Apres une demi-heure, la Jeep blindée s'est arrêté et les jeunes en sont descendus. Quarante minutes plus tard, nous sommes arrivés à un baraquement de la police et on nous a ordonné de rentrer à l'intérieur. On nous a pris nos passeports et nous avons été questionnés. Nous avons de nouveau expliqué la même chose mais la police, comme les soldats, n'était pas intéressée par nos déclarations. C'est devenu particulièrement clair que le gouvernement israélien et les militaires ne veulent pas de témoins extérieurs sur ce qui se passe.
Nous avons finalement été relâchés sans être accusés de quoi que ce soit, parce qu'ils ne pouvaient nous accuser de rien. Néanmoins, au lieu de s'excuser et nous raccompagner à notre point de départ, ils nous ont emmenés 40 miles plus loin et nous ont largué à un carrefour inconnu. Nous n'avions aucun vêtement avec nous, rien. Ils ont refusé de nous laisser retourner récupérer nos bagages.
Finalement, nous avons trouvé un taxi et notre chemin jusqu'à la ville la plus proche. Le lendemain, je suis de nouveau allé à Jérusalem. Sur le départ, et maintenant sorti des territoires occupés, je ne pouvais m'empêcher de remarquer qu'une personne sur trois dans le bus et les villes que nous avons traversées portait un uniforme d'un type ou d'un autre, comme dans un Etat policier, ou la plupart des citoyens sont des combattants ou des combattants potentiels.
Quel effet cela peut il avoir sur la population d'Israël? Est ce que l'absence d'échange de regards et de sourires entre eux et les étrangers est courant ou juste une exception? Le fait d'être impliqué dans une guerre de type colonial et d'oppression visant à annexer et conquérir les terres d'une population autochtone, et ce depuis plus de 30 ans, doit avoir des conséquences sur la psychologie sociale des israéliens.
Est ce là la raison de tous ces visages graves et revêches, contrastant avec les visages souriants et remplis de bonne humeur des palestiniens? J'ai posé la question à d'autres personnes quand je suis rentré à l'hôtel Faisal, sale et ébouriffé. J'ai été accueilli par des sourires, une boisson, le prêt de quelques vêtements propres, et un lit pour dormir.
En un clin d’œil, je suis tombé dans un sommeil profond. D'autres sont arrivés à l'hôtel avec des histoires identiques. Eux aussi ont été repérés dans la foule, arrêtés et conduits à des kilomètres sans leurs bagages, et largués dans la nature.
Vraiment, l'armée israélienne ne voulait pas que nous soyons témoins de ce qu'ils avaient projeté de faire dans ces villes qu'ils avaient l'intention d'envahir. Je suis tombé sur une déclaration d'un ancien procureur général israélien disant :
« Nous avons choisi avec enthousiasme de devenir une société coloniale, ignorant les traités internationaux, expropriant des terres, transférant des colons d'Israël vers les territoires occupés, nous engageant dans le vol et trouvant des justifications pour toutes ces activités. Désirant passionnément garder les territoires occupés, nous avons développé deux systèmes judiciaires : un progressiste, libéral en Israël; et l'autre, cruel, humiliant dans les territoires occupés.
Dans les faits, nous avons établi un régime d'apartheid dans les territoires occupés immédiatement après leur capture... C'est cette dure réalité qui est à l'origine de la perte de fondement moral de la société israélienne en tant que société juste nous offrant une existence libre, et cela menace la survie d'Israël à long terme. »
(Michael Ben Yair - Haaretz 3 mars 2002).
C'est on ne peut plus clair, sorti de la bouche d'un haut représentant officiel d'Israël, Gage d'authenticité.
Les pratiques coloniales et capitalistes de vol de terres, d'annexion des ressources et la création d'une force de travail docile et résignée que l'on peut exploiter, est à l’œuvre ici. Ce que j'ai vu de mes propres yeux le confirme. Beaucoup d'autres israéliens partagent ce même sentiment, mais comme partout ailleurs, leurs voix sont couvertes par la propagande de l'Etat d'Israël et les intérêts personnels qui sont derrière.
J'ai étudié l'histoire y compris la montée du fascisme en Europe. Cela me choque de voir que parmi des personnes qui ont été eux mêmes autrefois victimes de discrimination raciale, de nettoyage ethnique, et de vol de biens, une partie de leurs descendants aient recours à de telles pratiques.
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