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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Morceaux choisis du journal de Laura.

Par

Ce sont les meilleurs qui meurent dans ce conflit. Ceux qui ont été au delà de leur peur, par nécessité, pour aller porter de la nourriture et du réconfort au personnes enfermées dans les zones occupées, trouver leurs familles, ou défendre leur terre. qu'est qui reste ?

23 sept 2003

La dernière fois que j'ai vu Om Omar, elle semblait avoir vieilli. La lumière normalement présent, illuminant presque imperceptiblement son visage - preuve évidente de sa proximité avec la divinité - s'était quelque peu estompée, faisant , pour la première fois, de ses rides et de ses genoux fatigués des indicateurs de son âge. Je ne l'avais pas vu depuis plusieurs semaines. Je la cherchait car je voulais la prendre en photo. Sans avoir besoin de la chercher, elle vint d'elle même (en cinq minutes, quelqu'un que vous cherchez sera prévenu par les voisins), escaladant lentement le sol irrégulier entre de grands tas- ce qui restent des maisons démolies. J'ai observé comment, cette rue s'est transformée lentement, d'un quartier animé, en un paysage désertique, fait de montagnes de blocs de béton et de sable.

J'ai marché au devant d'elle pour épargner ses genoux, et elle m'a embrassé avec la même joie qu'elle le faisait quand j'avais l'habitude d'aller pour rester avec elle dans sa maison, lorsqu'elle avait encore une maison. Et c'est ainsi, chaque minute que je passe avec Om Omar, je vis pour moitié dans le temps présent, tandis que le reste de ma personne dérive avec elle vers ses salutations au coucher du soleil, près de l'oranger dans la cour devant sa maison. Dans ces moments là, l'arbre est présent, portant suffisamment de fruits pour le soleil levant, et non pas dévasté par les étages écrasés de sa maison.

Je sais qu'elle a le cœur complètement brisé à cause de sa maison, sentiment que seule sa génération peut vraiment comprendre - elle n'a pas seulement perdu des biens, mais les résultats tangibles de l'histoire de sa famille - les années à élever des enfants et s'occuper de la famille, sont coupés à ras du sol en l'espace de quelques heures de haine " nettoyé" selon la traduction en langage local. Les vestiges sont répandus en ville par les pelleteuses des bulldozers de l'armée, charge à la municipalité de s'en occuper - de sorte qu'il ne reste rien si ce n'est un grand vide sec là ou, les femmes avaient l'habitude de la fenêtre de crier vers leurs enfants…

Sararis (nom de jeune fille d'Om Omar) a le cœur brisé, mais pas de la même façon que Nahed ( sa belle fille dont la famille avait vécu avec elle dans la vieille maison ). Nahed a le cœur brisé, mais sa peine est plus pragmatique, diluée - poussé derrière les priorités quotidiennes que sont celles d'élever les enfants, et le choc de 13 années de pauvreté, après s'être mariée au sein de l'une des plus riches familles de Rafah. Il en est ainsi avec sa génération - la perte est pragmatique, portant sur la pauvreté, sur les longues années à venir sans quelque part ou aller, la souffrance grimpe jusque dans le futur. Pour la génération de Sararis, la souffrance causée par la perte de leur maison, projette les personnes dans le passé, les laissant exister quelque part entre deux, regardant toujours d'un oeil vers l' arrière, jamais complètement présente là ou elles sont. Leur histoire a été démolie devant leurs yeux.

Om Omar me prend par la main, et me conduit en marchant jusqu'à la salle de mariage abandonnée ou elle reste pendant les heures les plus chaudes de l'été, dans l'oasis offert par son ombre. Elle allume le réchaud à gaz et fait chauffer l'eau pour le thé à la menthe. Il n'y a pas de lumière dans le bâtiment. La pièce est vaste sombre et vide. Un petit lit et un matelas, quelques boites de conserves sur un rebord - les biens d'Om Omar - un réchaud à gaz, et peut être 2 douzaines de charrettes pour transporter les bagages, que le mari de Nahed, Fuad, avait l'habitude de louer quand Maabar était ouvert, avant l'intifada.

Maintenant, Om Omar s'asseoit ici aux heures les plus chaudes de midi , et dort dans la maison de Fawzi de l'autre côté de la rue, la nuit. La salle de mariage est voisine d'un hangar de stockage partiellement démoli appartenant à Fuad et ou la famille entrepose ses affaires pendant la journée, à côté de la maison en construction et partiellement démolie de proches d'Om Omar, qui vivent en Egypte. Qui est à côté de la pile de gravats, ce qui reste de la grande maison d'Om Omar, tout ceci se trouvant à 10 mètres- peut être- du mur, un espace démoli suffisamment large pour que deux tanks puissent y passer dit Nahed qui a vu cela arriver. L'endroit ou Om Omar dort est aussi sur la frontière, soumis aux caprices des militaires. Pas de répit pour les âmes fatiguées. Dans une incursion, 5 jours auparavant, des soldats ont effectué un raid dans la maison, forcé tout le monde à se regrouper dans une pièce, pendant qu'ils détruisaient les penderies et perçaient des trous dans le sol, sans trouver les tunnels qu'ils recherchaient. Des soldats ont également menés un raid dans la maison voisine, demandant sous la menace d'un fusil à Naela,16 ans, qu'elle leur dise ou se trouvaient les tunnels, menaçant de détruire la maison si elle ne leur disait pas. sa mère leur a dit qu'ils pouvaient démolir la maison, block par block, " mais vous ne trouverez rien ici" . Puis les soldats ont percé des trous dans leur sol, et ont fait encore plus de trous dans l'architecture des maisons nouvellement abandonnées du voisinage, et creusé un fossé de 6 mètres de profondeur dans leur cour arrière, démolissant en même temps 3 des arbres fruitiers de la famille, sans rien trouvé et partir à 5 heures du matin. "Je me demande s'ils se sont senti une peu penauds" s'interrogeait l'un de mes collègues, alors que nous grimpions à travers de nouveaux trous dans les murs des maisons, le lendemain de l'invasion.

Om Omar nous nourrit de thé et de concombres dans l'ombre de la salle de mariage. "couli" mangez, elle insiste, même sachant que nous avons tous deux de pauvres estomacs. Je remarque combien elle est palestinienne, comment toujours sont hospitalité a largement dépassé celles des autres familles que j'ai connues ici, et comment, elle se mets à pleurer, lorsque certains de mes mots ravivent devant son visage radieux certains souvenirs.

Et c'est tout simplement cela, en fin de compte, des concombres, des pommes et du thé à la menthe, dans la pénombre de cette pièce abandonnée. Mastiquant des légumes frais, et des souvenirs pendant ces heures de l'après midi. Embrassades pour se dire au revoir, masalaam. Marcher, dehors dans la lumière, laissant tout exactement comme c'est.



24 septembre 2003

Ici, les sirènes des ambulances beuglent la plupart des nuits, et souvent aussi le matin. Un bruit qui, aux Etats Unis rappellent des images de personnes âgées et de problèmes d'embouteillages à midi, vient ici en plein milieu d'une tourmente sur la frontière et ses sirènes d'urgence. Elles signifient qu'une attaque de la frontière a pénétré une maison de plus, fait une nouvelle famille de victimes, entaillé un quelconque sens de sécurité qu'ils auraient pu avoir avant.

La nuit dernière il ne s'est pas arrêté de pleuvoir. Des arrosages de balles étaient ponctuées d'énormes explosions. nous ne savions pas ou elles se produisaient ni de quelle nature elles étaient - tirs de mortiers palestiniens, obus de tanks, explosions de maisons. Nous sommes restés assis une grande partie de la nuit sans savoir quoi ressentir.

Même si nous restons au beau milieu d'une incursion, la plupart du temps nous ne savons pas avant le matin ce qui s'est réellement passé parce que nous nous cachons tous avec les familles dans leurs maisons, et qu'habituellement l'électricité a été coupée, et que personne n'ose sortir dans les rues.

Les matins sont toujours lumineux et étrangement calmes, des oiseaux chantant dans les arbres comme si rien ne s'était passé.

L'un de ces matins - d'après , nous avons appris qu'un garçon de 16 ans avait été tué d'une balle dans la tête, le premier shaheed de Rafah dans cette flambée de violence, 11 autres personnes avaient été blessées, 4 maisons complètement détruites 15 partiellement, tout ceci dans le camp de Yibneh.

J' ai demandé à Mohammed comment ce garçon avait été tué. Il m'a dit que lorsque l'armée envahi un quartier, tous les jeunes hommes de ce quartier s'enfuient de peur d'être arrêtés arbitrairement pendant des raids menés dans les maisons, mais ils regardent de loin, de derrière des immeubles, ils sortent la tête pour voir ce qui se passe. Incapable de contrôler leur curiosité, ils provoquent les suspicions de l'armée qui vise pour tuer. Cette méthode tue effectivement un grand nombre de passants mais échoue dans son ciblage de la résistance armée, qui a été bien entraînée pour éviter cette tactique de l'armée.



16 octobre 2003

Si Dieu, dans sa clémence, voulait bien descendre le temps d'expliquer exactement quels sont les parties de son plan qui inclue le lent étouffement des cœurs de ces jeunes garçons de 17 ans à qui on enlève lentement tout ce qu'ils possèdent, je ne pourrais toujours pas dormir dans la terreur de la nuit. Le ciel est rempli de nuages blanchâtres et le soleil à la mi-matinée est trop brillant pour les yeux, alors qu'Hani quitte le bureau, le regard louchant entre des paupières gonflées et les heures d'insomnie, parce qu'on manque de nourriture, parce qu'il faut téléphoner matin et soir, volant ainsi sa fierté, et le laissant secoué de sanglots s'affaissant sur les voitures garées sur le coté de la rue, ou fixant, le regard vide, dans la nuit. H. est le seul a avoir les yeux verts dans sa famille, forêt profonde ou l'on nage, entourant un halo auburn, comme un soleil couchant, et, au milieu, le noir parfait de sa pupille, qui s'agrandit dans la lumière. Il dit qu'ils lui viennent d' Allah.

C'était une mauvaise journée. H. est allé se coucher après qu'on lui eut dit que Sheikh Taariq avait été blessé, et il s'est levé, après des heures d'insomnie, pour apprendre qu'il était mort. 3 autres personnes ont aussi été tuées cette nuit là, une mère et ses deux enfants, quand un tank a tiré un missile dans leur maison provoquant une explosion qui a secoué la ville entière et nous à laisser muets. H. me regardait. Des boutons bourgeonnaient sur son visage poupon de 17 ans, ses yeux se noyaient et la lumière habituelle qui illuminait son regard, un des privilèges de ceux qui ont mémorisé le Coran, avait disparue depuis des jours." Laura, ana taaban, je suis épuisé".

Sheikh Taariq était l'ami de H. et le quatrième à partir en 3 semaines, le responsable du Hamas dans le sud de Gaza." Le meilleur des hommes non seulement à Rafah mais dans toute la Palestine". Sheikh Taariq, touché d'une balle dans la poitrine tirée au hasard alors qu'il descendait la rue, pendant l'invasion de Brazil. Des voisins qui sont allés l'aider on dit qu'on lui avait tiré dessus alors qu'il s'accroupissait le long d'un mur. Il a été touché par une balle, puis s'est penché sur le mur, et a commencé à agiter les mains, disant al-hamdoullah, priant Dieu alors que le sang s'échappait de son corps. Il est mort en souriant, son visage rempli de joie à tel point que les docteurs ont pensé qu'il était encore vivant quand il est arrivé à l'hôpital. La femme qui a essayé de l'aider a également été blessée et est morte deux jours après, son fils couru lui porter secours a lui aussi été grièvement blessé.

H. et moi-même sommes restés passer quelques nuits dans la maison de sa tante, Om Khalid, qui reste seule assise chez elle éclairée seulement par une petite lampe de faible intensité accrochée au toit de tôle ondulée de sa maison, dans le camp de Yibneh. Une pièce n'a plus de toit, détruit par une mine qui a explosé prés de sa maison, le premier jour de l'invasion par l'armée israélienne, détruisant son réservoir d'eau, et brisant le tôle nouvellement posée, dont les morceaux sont tombés sur la tête de Hoda, obligeant Om Khalid à l'évacuer vers la maison de la famille de H. à Hay Ilijnena, elle restant seule dans sa maison aux trois pièces à moitié couvertes, assise dans le noir éclairée par une faible ampoule, entourée de murs de béton sans décoration. C'est l'image que j'ai d'Om Khalid : une personne couverte de vêtements de femme noirs, comme une toile sombre ou une cape, sa tête émergeant de son voile comme une tortue de sa carapace, ses yeux fatigués, les trop nombreuse souffrances d'une seule vie enterrant les plaisirs de celle ci , et laissant ses vêtements noirs parlés pour elle, à la manière d'un suaire.

Nous avons passé les nuits dans la maison d'Om Khalid, à digérer les jours, lisant des textes religieux, et fixant au loin sans dire un mot, ou sans trouver de langage commun pour exprimer la souffrance terrible de vivre cette invasion, et celle quotidienne en limite de Rafah, pliant notre souffrance dans nos mains comme des comptes rendus scolaires ratés, comme les feuilles mortes d'un arbre. Personne ne sait comment dormir pendant ces nuits. Une nuit, les apaches ont survolé en rase motte la frontière, du coucher du soleil jusqu'à son lever, et nous nous sommes tous entassés dans la seul pièce avec un toit en béton protection mince contre les missiles. Je me suis réveillée, remerciant Dieu pour le matin, le lever du soleil et la lumière, des gens étaient sortis des maisons, surpris et reconnaissants d'avoir survécu une autre nuit dans la désolation de leur appartement. Om Khalid nous prépare une infusion de thé, et nous mangeons des biscuits sucrés du magasin pour le petit déjeuner, autant que ce que peut supporter nos estomacs rendus malades par la tristesse prolongée; car nos sens se rebellent contre le fait de nous nourrir alors que nos amis en bas de la route sont envahis par une armée, qu'il leur est impossible de bouger, qu'ils manquent de nourriture. Ce jour même, l'armée occupe toujours Brazil et Hay Salaam, et les tirs d'armes déchirent la matinée.

Walid, mort à 16 ans, alors qu'il descendait la rue, touché d'une balle en plein cœur, alors qu'il soutenait sa famille depuis 16 ans, son père, malade, ne pouvant pas travailler.

Abu Ferras, mort à 26 ans, laissant derrière lui un enfant et un nourrisson et une veuve éplorée. Laissant derrière lui un héritage de tolérance, de charité et de travail de médiation. Mort, avec 10 chekels en son nom, quand une mine a explosé dans ses bras, alors qu'il la portait sur la frontière pour protéger la ville contre les tanks blindés contre les balles.

Alaa Mansour, 23 ans, le libraire de la ville, grand et mince, des lunettes entre lui et ses livres, un sheikh avec un inlassable talent pour les mots et expressions religieuses.

Ce sont les meilleurs qui meurent dans ce conflit. Ceux qui ont été au delà de leur peur, par nécessité, pour aller porter de la nourriture et du réconfort au personnes enfermées dans les zones occupées, trouver leurs familles, ou défendre leur terre. qu'est qui reste ?

Nous prions pour que cela finisse un jour. Mais qui répondra de ces morts en période de paix? Qui peut dire pourquoi, la fierté des jeunes adolescents, et la force ancienne des responsables de la ville leur est ainsi arrachée.

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