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Israël -

Fortes, indépendantes et derrière les barreaux - deux jeunes palestiniennes ex-prisonnières décrivent les conditions de vie dans les prisons israéliennes

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08.10.2020 - "Une surface grise et éraflée qui vous regarde de haut. C'est la première chose que vous voyez quand vous ouvrez les yeux le matin. C'est le fond du lit du prisonnier juste au-dessus de vous". C'est ainsi que la jeune femme de 28 ans décrit les premiers instants d'une journée à la prison Damon, le centre de détention contesté où l'occupation israélienne enferme les Palestiniennes détenues.

Fortes, indépendantes et derrière les barreaux - deux jeunes palestiniennes ex-prisonnières décrivent les conditions de vie dans les prisons israéliennes

"On ne se réveille pas vraiment. Ce sont plutôt les voix des geôliers, qui crient dans les couloirs tous les jours à 6 heures du matin qui vous réveillent", explique Salam Abu Sharar, "ils parcourent les sections, ouvrent les cellules une par une et nous appellent pour le comptage. Nous devons être debout et prêtes avant qu'ils arrivent jusqu’à nous, sinon nous risquons d'être punies d'isolement".

En 2019, l'occupation israélienne a arrêté 128 Palestiniennes de tous âges. Au cours des huit premiers mois de 2020, l'occupation a déjà arrêté 90 femmes. Depuis 2018, toutes les Palestiniennes emprisonnées par l'occupation sont détenues dans la prison Damon, près de Haïfa. La prison a été au centre d’une controverse pendant des années, en raison de son infrastructure vieille et inadéquate. Les groupes de défense des droits de l'homme affirment que les femmes détenues à l'intérieur de Damon sont confrontées à des conditions de détention inhumaines, à des mauvais traitements et à l’intrusion dans leur intimité. Actuellement, l'occupation détient 41 femmes palestiniennes à Damon.

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L’ex-prisonnière Salam Abu Sharar (28 ans)


"Lorsque nous sommes appelées pour le comptage, les gardiens entrent dans les cellules et les fouillent. Ils fouillent nos vêtements et nos affaires personnelles", raconte Salam Abu Sharar ; "quand ils ont fini, nous devons y retourner et les cellules sont fermées. La cellule est une pièce de 6x3m avec jusqu'à 8 prisonnières vivant à l'intérieur. Il y a juste assez d'espace pour que 2 ou 3 personnes puissent sortir de leur lit en même temps. C'est notre monde, la plupart du temps".

L'écurie qui est devenue une prison

Lors de la dernière grève de masse des prisonniers palestiniens, en 2018, l'amélioration des conditions de vie à Damon a été l'une des premières revendications des grévistes de la faim. Les autorités d'occupation ont pris de nombreux engagements pour mettre fin à la grève mais n'ont honoré aucun d'entre eux. Ehteram Ghazawneh, chef de l'unité de documentation à Addameer, explique que "les conditions de vie à la prison de Damon n'ont pas changé depuis deux ans. Le bâtiment lui-même est un problème. Il est vieux, humide et froid, il manque d'installations d'hygiène, d'espace et d'intimité, qui sont tout simplement inexistantes. Les Palestiniennes y sont transférées après leur interrogatoire, qui suit leur arrestation".

Samah Jradat, étudiante palestinienne de 25 ans, se souvient des premiers jours de sa propre arrestation, en septembre 2019 : "L'armée d'occupation a fait irruption dans notre maison avant l'aube, a réveillé ma famille et m'a emmenée dans une base militaire. J'y ai passé plusieurs heures, ils m’ont déplacée d'une pièce à l'autre avant de m’emmener finalement dans un centre d'interrogation à Jérusalem".

Samah a passé 22 jours dans le centre d'interrogatoire de l'occupation à Jérusalem, puis elle a été transférée à Damon. "J'ai été transférée dans le bosta, le véhicule en acier dans lequel ils déplacent les prisonniers. C'est presque complètement fermé, avec une petite ouverture près du sommet, d’où l'on peut apercevoir le paysage à l'extérieur, il devenait de plus en plus vert, ce qui signifiait que nous nous dirigions vers le nord. Puis on a eu l'impression que la route montait. Nous escaladions le Mont Carmel, près de Haïfa".

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L’ex-prisonnière Samah Jradat (25 ans)


Damon a été construit au sommet du mont Carmel dans les années 1930 sous la domination britannique, mais il n'était pas destiné à être une prison. Il a d'abord servi d'écurie pour les chevaux et a ensuite abrité une usine de tabac. En 1953, les autorités sionistes l'ont ouvert en tant que centre de détention. Puis, en 2000, il a été brièvement fermé, puis rouvert pendant la deuxième Intifada.

"Aucune intimité"

Samah Jaradat décrit l'intérieur du Damon : "C'est un contraste frappant avec la nature verte environnante. Une fois que j'ai franchi l'entrée, je me suis retrouvée à l'intérieur d'une forêt d'acier sans fin. Tout est fait d'acier, de bleu pâle et de gris. Même la cour est recouverte d'un filet d'acier, à travers lequel nous apercevons chaque jour le soleil pendant une heure seulement".

Cette récréation quotidienne d'une heure est le moment le plus précieux de la journée d'une prisonnière à Damon, comme le décrit Salam Abu Sharar ; "la faura, comme nous l'appelons, est le moment entre 8 et 9 heures du matin où nous sommes autorisées à sortir dans la cour. Là, nous pouvons regarder le ciel et prendre un peu de soleil à travers le filet de fil d'acier au-dessus de nos têtes. Nous profitons de cette heure pour utiliser les douches, situées de l'autre côté de la cour, ce qui signifie que des gardes nous surveillent pendant que nous traversons pour aller aux douches et revenir".

Cette violation de la vie privée a été un problème majeur pour les prisonnières palestiniennes, avant même leur transfert à Damon, comme le souligne Ehteram Ghazawneh : "En 2018, les Palestiniennes de la prison Hasharon ont protesté contre l'installation de caméras de surveillance à l'intérieur de leurs cellules. Elles étaient surveillées à tout moment de la journée. La réaction de l'occupation à leur protestation a été de transférer toutes les prisonnières à la prison Damon, où des caméras sont installées en tous lieux, bien qu'à l'intérieur des cellules elles soient désactivées".

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Située au sommet du Carmel, la structure Damon a été construite dans les années 1930 sous la domination britannique comme une écurie pour les chevaux.


Samah Jaradat souligne que "lorsque je suis entrée dans la section où se trouvait ma cellule, j'ai été choquée de voir que nous étions surveillées en permanence par des caméras. La plupart des prisonnières palestiniennes utilisent le voile, et elles ne peuvent l'enlever qu'à l'intérieur des cellules. Mais elles doivent le garder près d'elles car les gardiens peuvent à tout moment faire une fouille surprise dans les cellules. Il n'y a tout simplement pas d'intimité du tout", explique-t-elle, "il m'a fallu plusieurs jours pour m'y habituer".

Nourriture crue, couvertures malodorantes

"Pendant l'heure de la faura, nous en profitons pour laver nos vêtements et les faire sécher dans la cour, où ils sont régulièrement fouillés par les gardes", explique Salam Abu Sharar. "Ensuite, nous retournons dans les sections, ou les couloirs intérieurs entre les cellules. Nous devons rester à l'intérieur des cellules, mais nous pouvons nous déplacer entre les cellules. Puis, à 13 heures, ils apportent le déjeuner. Ou plutôt, ce qu'ils appellent le déjeuner".

La dégradation de la qualité de la nourriture des prisonniers est de plus en plus dénoncée par les groupes de défense des droits de l'homme depuis 2018, en particulier par les prisonnières de Damon. Ehteram Ghazawneh indique que "cette dégradation a commencé à être signalée en 2018 lorsque l'administration pénitentiaire israélienne a mis en place des mesures restrictives sur tous les prisonniers palestiniens. Une nourriture de mauvaise qualité et quantité a commencé à arriver, en particulier pour les femmes".

Salam Abu Sharar précise que "souvent le riz n’est pas cuit, et le poulet, la seule viande que l’on nous sert, est à peine bouilli, sans épices ni même de sel". Samah Jaradat rappelle également que "nous avons souvent trouvé des restes de plumes sur la peau des poulets. La plupart du temps, c'était immangeable. Nous devions acheter notre propre nourriture à la "cantine", ou au magasin de la prison, avec l'argent que nos familles déposaient à notre nom. Nous achetions surtout de la nourriture en boîte et la faisions cuire à nouveau". Salam Abu Sharar se souvient en riant : "Nous inventons de nouvelles recettes à partir des aliments presque crus de la prison et des boîtes de conserve que nous achetons. Nous pouvons être assez créatives pour la cuisine de la prison".

Et ce qui va pour la nourriture, va pour d'autres choses, comme le dit Samah Jaradat : "à part une petite bouteille de savon et un rouleau de papier toilette chaque semaine, nous n'avons pas de produits d'hygiène. Nous devons l'acheter à la "cantine". Cela comprend davantage de savon et de papier toilette pour en avoir assez, du shampoing, du dentifrice, des serviettes et tout ce qui concerne l'hygiène féminine. Nous n'avons pas assez de couvertures non plus et le peu que nous avons est humide, sale et puant".

Pour les mères, c'est "plus une punition qu'un privilège"

Un autre problème auquel sont confrontées les femmes détenues à Damon est celui des visites familiales. Ehteram Ghazawneh indique que "depuis l'apparition du Coronavirus, les autorités d'occupation ont réduit les visites au minimum. Désormais, les prisonnières du Damon ne peuvent recevoir des visites qu'une fois tous les deux mois. Les visites ne durent pas plus de 45 minutes, derrière une vitre épaisse. Les mères de jeunes enfants peuvent avoir un contact physique avec leur enfant pendant dix minutes au maximum".

Pour Salam Abu Sharar, "c'est plus une punition qu'un privilège. Une mère passe tout le mois à penser au moment de la visite, puis, après avoir tenu son bébé pendant dix minutes, les gardes l'emmènent. C'est comme la répétition de l'expérience de l'arrestation chaque mois, ils ont le cœur brisé à chaque fois".

Samah Jaradat en témoigne : "Cela m'a frappé chaque fois que j'ai vu ma compagne de cellule, Inas Asafrah, mère de 25 ans et prisonnière, revenir de sa visite. Au lieu d'être heureuse d'avoir vu son enfant et de l’avoir tenu dans ses bras, elle était silencieuse, éteinte et triste. Elle passait des heures seule après la visite et ne parlait à personne. Même lorsque nous étions dans la cour, elle restait dans la cellule, souvent en pleurs".

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Muhammad et Abdurrahman Asafrah (5 et 3 ans), enfants d'Inas et de Qasem Asafrah, tous deux emprisonnés dans les prisons israéliennes depuis septembre 2019.


"Une partie de vous reste dedans"

Un million de Palestiniens sont passés par les prisons d'occupation depuis 1967, dont plus de 16.000 femmes. Mères, étudiantes, jeunes filles et responsables de communautés, les Palestiniennes connaissent chaque année par centaines les conditions de détention dans les prisons d'occupation. "Celles qui sont passées par là laissent une partie d'elles-mêmes derrière les barreaux, même après leur libération", affirme Salam Abu Sharar ; "Les prisonnières créent un lien spécial. Nous devenons comme des sœurs, et tant que vous avez encore une sœur enfermée, vous avez encore une partie de vous dedans". Un lien que Samah Jaradat décrit en se souvenant de sa libération : "Je ne voulais pas laisser les autres filles, ma deuxième famille, derrière moi. En fait, je voulais les emmener toutes avec moi".



Source : Quds News Network

Traduction : MR pour ISM

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