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ISM France - Archives 2001-2021

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Hébron -

Hébron : Voilà comment ça marche ici.

Par

> ism-alerts@palsolidarity.org

Une partie de la rue n’a plus de toit.
Là, positionné sur le tracé du mur, il y a la masse imposante d’un mur au flanc de la colonie.
Les filets de protection de la clôture sont là pour protéger les passant des objets lancés des fenêtres de la colonie.
Ici, arrêtée par un filet de fortune, on trouve la preuve juridique d’une haine sauvage : cannettes abandonnées, bouteilles, nourriture. Pierres. Briques.
Parfois, ils vident leur pisse.

Hébron : Voilà comment ça marche ici.


Rue Shehada dans la Vieille Ville d'Hébron : Un colon jète ses ordures par la fenêtre sur les passants palestiniens

C’est le premier jour de l’Eid.

Après ces longs jours de jeûne du Ramadan, les familles de toute la ville se sont rassemblées pour cette célébration.
Cette année pourtant les fêtes ont un sombre contexte. Arafat a été enterré hier à Ramallah.

Des affiches à son image près de la mosquée Ibrahim d’Hébron placardent les murs, les pare-brises des voitures et des taxis.


Mahmad, 11 ans, de la famille qui vit au-dessus de nous, vient d’arriver pour nous souhaiter bonne année.
Il porte un nouveau costume, très chic et il est très fier. Nous lui souhaitons la même chose dans notre arabe exécrable.
Mais à Hébron, le bonheur des enfants comme Mohamad dépend de circonstances sur lesquelles il n’a pas de pouvoir, ni sa grande et proche famille qui le protège. Son avenir dépendra en définitive de l’état d’esprit des forces d’occupation.
Un jeune soldat excédé à un checkpoint peut, sur un coup de tête transformer sa journée en cauchemar

Tous ceux que vous rencontrez ont des histoires de violences physiques exercées par les soldats et la police. Tout le monde.


Plusieurs d’entre nous habitent un appartement appartenant au père de Mohamad. Une dizaine de jeunes enfants déboulent en permanence, en sortant ou en entrant. Aucun d’entre nous ne parle vraiment l’arabe mais ça va.
Tout le monde se fait comprendre dans le langage universel que sont le football, les devinettes, les imitations, les petits rires…


C’est un encouragement à vivre parmi ces gens qui sont beaux et généreux.

Les Palestiniens ne possèdent pas grand chose mais de toute façon, ils le partagent. L’hospitalité, ce n’est pas une façon de vivre ici, c’est la vie elle-même. La nourriture est partout.

Les gens vous saluent dans la rue, vous apportent des bonbons et des biscuits.
Déjà, c’est comme si on était du quartier.

Il arrive, quand on est dans une banlieue éloignée, qu’on sente la tension – les étrangers, ici, c’est presque synonyme de troubles. Vous risquez de recevoir une pierre perdue.
Presque toujours, les gens interviennent quand ils comprennent que vous n’êtes ni un militaire ni un colon, mais c’est un crève-cœur de voir tant d’enfants brutalisés par les conditions de vie ici.
Une économie effondrée, un dénuement absolu, - jeter des pierres est le seul jeu de la ville.


Maintenant que l’Eid est arrivé, tous les enfants ont de nouveaux jouets qui n’ont pas coûté cher. Les filles ont des tas de petits jouets bon marché. Tous les garçons ont des fusils jouets bon marché.

La plupart du temps, on passe les soirées à discuter, à boire du thé, à fumer le narguilé – un narguilé doux, au goût de fruit, bienvenu après une journée difficile. Il y a beaucoup de rires ici. Quelqu’un parle des nouveaux graffitis apparus dans la Veille Ville : « Arabes, aux chambres à gaz ».


Que vous soyez préparés ou non à la vie sous occupation, vous devez le voir pour comprendre simplement combien les idées communes sont stupides, de retour chez soi.

Les politiciens, terrifiés à l’idée de se voir accusés d’antisémitisme s’ils critiquent la politique du gouvernement israélien, disent perpétuellement que « les deux parties du conflit » doivent prendre des initiatives pour la sécurité et une paix durable. Conneries.

Les deux parties ? L’oppresseur et l’oppressé ?


Mohamad et sa famille ne sont pas « une partie ». Ils appartiennent à la communauté palestinienne qui est constamment et impitoyablement expulsée de ses foyers et de ses terres. Les colons illégaux contrôlent cette région – l’armée et la police s’inclinent devant eux – et ils agissent dans la plus totale impunité.

Il y a deux jours on nous a obligés à attendre une demie heure pour vérifier nos cartes d’identité.
Un colon, nouvellement arrivé, a noté que nous étions avec un membre de l’équipe locale des Pacifistes Chrétiens (CPT).

C’était clairement le colon qui dictait les ordres. Il a pris le passeport des mains d’un soldat et insisté pour qu'il poursuive la vérification.
Le soldat a fait exactement ce qu’il lui disait.

Chaque colon que vous rencontrez semble cinglé. Le genre de personnage qu’on prie le ciel qu’il ne s’assoie pas à côté de vous dans le bus. En sécurité derrière les barrières des checkpoints militarisés israéliens, il se réjouissait ostensiblement de la mort d’Arafat, boxant dans le vide avec jubilation.
Il plaisantait à l’adresse de qui l’écoutait en disant qu’Arafat avait le Sida.



Il venait du Québec. Heureux Québec

Le CPT fait un immense travail ici – accompagnant les enfants à leur école, essayant de les protéger des attaques de colons. Deux membres du CPT ont été férocement tabassés par des colons masqués, armés de battes de baseball et de chaînes. Nous avons rencontré l’un d’entre eux au cours de la cueillette d’olives, l’autre jour.
Elle avait un bras cassé et de grosses ecchymoses. Son camarade avait eu des côtes cassées et un poumon perforé.


Voilà à quoi ressemble le clan des « deux parties » !

Quelle concession en faveur de la paix devraient faire des enfants se rendant à l’école entre des colonies illégales ?

Moins provocantes que des boîtes à sandwich ?


Un autre mythe de l’Occupation est que les colonies de Cisjordanie ne sont pas nombreuses, qu’elles sont éloignées et isolées. Et qu’elles se subviennent à leurs propres besoins et pour elles-mêmes.

Hébron, où a été fondée la première colonie sioniste en Palestine (Kyriat Arba) est maintenant cerné par un développement illégal sur des terres volées. Et ça se rapproche de plus en plus.

Depuis 1968, les Israéliens - beaucoup arrivant d’horizons bien au-delà du Proche Orient – ont accaparé 48% de la terre de la région du Grand Hébron pour leurs colonies. En plus 24 « avant-postes » ont été délimités en vue d’une inévitable expansion.



Voilà comment ça marche ici.

A quelque distance d’une colonie importante, une roulotte ou une caravane apparaît de nuit. Une semaine plus tard, une autre. Et une autre. Un ou deux colons avec chiens et fusils s’installent. Des barrières sont érigées (pour la sécurité).

L’armée établit une présence (pour la sécurité).
Ce qui veut dire une route. Et plus de barrières. Plus de caravanes. De barrières. De portes. De murs. La construction de maisons. En quelques mois, c’est une colonie fortifiée, illégale et en pleine expansion. « Un état de fait ».

Après l’encerclement d’Hébron, le prochain objectif, ici, c’est le contrôle total. Le nettoyage ethnique et la liquidation culturelle sont maintenant en bonne voie. La zone autour de la rue Shehaeda, près de la mosquée, était autrefois un marché florissant.


Maintenant c’est une zone morte, un peu moins terrifiante le jour que la nuit. La rue Shehada elle même a été réquisitionnée à l’usage seul des colons. Les voies en pierre ancienne sont fermées par des grilles en acier avec des verrous de sécurité du coté « israélien ».

Par l’intimidation – et cette autre grande arme qu’est l’oppression par l’âge, la bureaucratie – les marchands du souk ont été obligés de partir. Les maisons sont désertées ou c’est l’armée qui en a pris le contrôle pour y installer des postes d’observation et de snipers.

Les bouclages de rues sont souvent arbitraires, mais toujours inopinés.
Et quand votre rue est bouclée, vous ne pouvez même pas utiliser votre porte d’entrée. Cela veut dire que vous et votre famille devez sortir par le toit, passer par la maison des voisins et sortir par leur porte d’entrée.



Il y a seulement quelques années, il y avait quelques 7500 Palestiniens vivant au centre de la Vieille Ville. Ils sont maintenant un peu moins de 1500.
Dans la même zone se sont installés de 450 à 500 colons. Ils sont gardés par 2000 soldats. Et lorsque la tension augmente, les soldats sont 4000.


Tout au long de la rue principale qui traverse la Vieille Ville, il y a des chaînes qui ferment les clôtures. Ce sont les mêmes clôtures qui servent aux Israéliens pour délimiter les frontières de leurs saisies de terre avant de les ancrer dans le béton et l’acier.

Ici, pourtant, elles ont été construites horizontalement, pas verticalement, et par les Palestiniens.

Pourquoi ?

Une partie de la rue n’a plus de toit. Là, positionné sur le tracé du mur, il y a la masse imposante d’un mur au flanc de la colonie.
Les filets de protection de la clôture sont là pour protéger les passant des objets lancés des fenêtres de la colonie.

Ici, arrêtée par un filet de fortune, on trouve la preuve juridique d’une haine sauvage : cannettes abandonnées, bouteilles, nourriture. Pierres. Briques. Parfois, ils vident leur pisse.



Un autre mythe ; la Force de Défense Israélienne.

Il ne s'agit pas ici de Défense, mais d’agression. Une population civile souffre chaque jour d’humiliations routinières et de violences occasionnelles au caprice de l’IDF.
De la fenêtre de notre appartement, nous pouvons voir les collines proches, couvertes de maisons.


Au sommet, il y a trois nouvelles écoles. Mais ces écoles n'ont pas dûré longtemps. Peu après leur ouverture, elles ont été prises et transformées en station de police militarisée.

Quand les combattants résistants se sont mis à tirer sur les colonies, ils ont répondu par des obus de chars au hasard sur les zones d’habitation.

C’était deux jours avant que nous découvrions un trou dans le mur de notre salle de séjour, résultat d’une de leurs représailles aveugles.

Hébron est un microcosme de la Cisjordanie : les Palestiniens sont progressivement emmurés et contraints de partir par intimidation. Des décombres partout. Tout ce qui était possible a été fait pour écraser l’esprit de ces gens, mais ça n’a pas marché. Il doit y avoir ici plus d’enfants au mètre carré que partout où je suis allé.


L’espoir a beau être mince chez les personnes âgées, le seul poids de l’optimisme des enfants est ce qui vous aide à continuer.

Et à la fin ? c’est le visage des enfants qui s’incruste dans l’esprit.

Ceux des enfants des colons, par exemple, qui assistaient l’autre jour avec leurs parents à une manifestation et regardaient comment les soldats nous lançaient des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes. Des visages blancs.

Que pouvaient bien leur dire leurs parents ?

Que nous sommes mauvais, que nous sommes des nazis, que nous serions exterminés ?



Le charmant, le doux Mohamad dans son nouveau costume.
Que sera le futur pour lui et Aseel et Marwan et Razar et Asme, et tout ses autres frères, sœurs, cousins ?


Et combien de temps s’écoulera-t-il avant qu’il ne soit arrêté pour la première fois, arraché au hasard de la foule, simplement parce qu’il est un adolescent palestinien des territoires occupés.

Quand sera-t-il roué de coups pour la première fois ?


Nous allons partir dans quelques jours. Tout le monde a promis de rester en relation. Et pour moi? les gosses vont me manquer, les avoir juste autour de moi, les seuls qui soient intacts, les seuls moments de vie reconnaissable ici dans cet endroit dévasté.

Nous ne les reverrons probablement jamais. Et si quelque chose leur arrive, ce sera de votre faute et de la mienne parce que nous ne les avons pas débarrassés de l’Occupation.
Parce que c’est là où le « processus de paix » commence et qu’il doit démarrer maintenant.

Les Israéliens classent chaque Palestinien dans la catégorie "terroriste" et utilisent ça comme excuse pour les brutalités qu’ils leur infligent.

C’est l’Empire Romain.

C’est l’empire des blancs sur l’Afrique du Sud.

Ces empires sont tombés, comme celui-ci doit tomber.

L’aurevoir de Mohamad « Hello. Comment ça va ? » dit-il dans un anglais soigné, parfait.

Comment je vais ? J’ai peur et je me sens coupable

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS pour ISM-France

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