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ISM France - Archives 2001-2021

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Tulkarem -

Histoires des Terres Occupées - Partie 2 - Le Mur à Baqa

Par

L’ International Solidarity Movement est une organisation non-gouvernementale palestinienne regroupant des pacifistes palestiniens et internationaux travaillant à promouvoir la lutte pour la liberté en Palestine et pour la fin de l’occupation israélienne. Nous utilisons des méthodes de résistance non-violentes et des actions directes pour affronter et défier les Forces illégales d’occupation israélienne et leur politique.

"Qu’est-ce que je peux faire ?
Il n’y a pas de travail, l’agriculture a été détruite, l’économie a été détruite : il n’y a pas d’argent pour les services. Ils essaient de forcer la population à quitter la terre pour pouvoir trouver un moyen de survivre. Nous avons déjà vu cela en 1948 avec ce qu’ils ont fait aux réfugiés de 1948.
Nous devrions plutôt mourir de faim que de partir."

Histoires des Terres Occupées - Partie 2 - Le Mur à Baqa


Destructions à Nazlat Iza le 21 août 2003 - Photo : ISM
BAQA - Un microcosme des effets du Mur

Aujourd'hui j'ai visité le village de Baqa ash Sharqiya, à peu près à 10 kms au nord de Tulkarem. Baqa apprécie la distinction plutôt douteuse d'avoir une "barrière de sécurité" construite sur ses deux côtés. La première barrière construite dévie de la ’Ligne Verte’ (la frontière d'Israël de 1967 avant l'invasion de ce que sont maintenant les Territoires Occupés) d’environ 2,5 à 3 kilomètres au sud du village et entre dans les Territoires Occupés, découpant nettement une partie de la Cisjordanie en forme de losange d’environ 9 kms2 du côté israélien de la barrière.

A l’intérieur de ce losange, il y a 2 villages palestiniens : Baqa et Nazlat Abu Nar... soit près de 2 500 ’terroristes’ dans le langage d’Israël qui se retrouvent inexplicablement intégrés à Israël. Il n’y a pas de colonies illégales israéliennes dans ce secteur, en fait aucun citoyen israélien ne vit là. Si la sécurité en est le but, on peut seulement se demander pourquoi ces personnes sont-elles clôturées de cette façon ?

Mais bien sûr, il y a d’autres motifs. Au-delà de la simple annexion de territoire, la clef ici est cette ressource la plus précieuse dans ce secteur : L'EAU. Il y a un triangle de bonnes terres agricoles juste à l'est de cette barrière (c.-à-d. du côté palestinien de la barrière) assez riches pour alimenter un grand nombre d’entreprises de cultures intensives sous serres. L'eau est provient des puits de Baqa.

Il y a en fait 7 puits dans la région de Baqa / Nazlat Issa. Si vous voulez deviner de quel côté de cette étrange « barrière de Sécurité » serpentant au-delà de la Ligne Verte finissent tous ces puits ? Ouais. Vous l'avez deviné - ils sont du côté israélien. Le résultat est évident en soi. Plusieurs de ces serres sont maintenant arrêtées et sans surveillance.


Puis, il y a la deuxième barrière construite quelques mois plus tard. Celle-ci suit de plus près la Ligne Verte, commençant au même point sud à 2,5 à 3km de Baqa et suivant la Ligne Verte près des villages avant de dévier encore à l’intérieur des territoires occupés pour rejoindre à nouveau la première barrière.

Cela enferme nettement Baqa entre deux barrières à l’intérieur d’un secteur en forme de losange alors qu’en même temps les riverains sont séparés d'un autre secteur en forme de triangle au nord de la ville qui contient environ la moitié des terres arables disponibles utilisées par les fermiers locaux...
Il n’y a aucune porte ici. Aucune disposition pour les gens qui veulent accéder à ces terres.

Environ 1990 oliviers ont été détruits lors de la construction de la barrière au nord de la ville, et 9960 arbres supplémentaires sont maintenant séparés du village et des fermiers qui les entretiennent.

Regarder la barrière élevée près de Baqa est assez terrible. Premièrement, il est manifestement évident qu’appeler ceci une "barrière" est absurde.

Dans le village, elle se compose d'un mur en béton de 4 ou 5 mètres de haut. Elle est entourée par du fil barbelé et les maisons à proximité ont été détruites, les fondations recouvertes de béton.

C’est comme regarder un large fossé de drainage sauf que les routes mènent à lui et puis s’arrêtent.

Je fus d'abord encouragé de voir une grande maison - neuve – s’élevant au centre de la ville sur la ligne du Mur mais malheureusement, il s'avère que la famille qui l'a construite a été expulsée. Elle a été gardée par l'armée israélienne comme tour/poste d’observation pour tireur isolé.

Le mur passe littéralement par le hameau de Nazlet Iza. Huit résidences avaient été prévues pour démolition, 6 le sont déjà. Les 2 restantes, abritant maintenant 30 personnes, sont en fait du mauvais côté du mur. Elles sont emprisonnées entre le mur en béton très visible et la Ligne Verte totalement invisible.
Traverser la ligne invisible pour passer en Israël peut provoquer pour un Palestinien l'arrestation et la perte possible du droit de vivre dans sa propre maison.

Étant limité en se déplaçant au-delà de la Ligne Verte, ces familles doivent ré-entrer dans Naslat Iza par une porte voisine (porte 13) pour acheter l'épicerie, aller à l'école et tous les autres services publics. Les contrôles d'identification, les ouvertures et les fermetures de porte au bon vouloir de quelques soldats se passent justement à cette porte.

La détention sans raison des personnes est endémique ici.
Juste l’un des minables harcèlements que l'armée israélienne effectue pour rendre la vie difficile, et faire que se déplacer n'importe où, même à l’intérieur de la Cisjordanie , devienne une longue et frustrante expérience.

Comment je sais cela ? Parce que j'y ai été soumis. Hier j'ai passé plus d'une heure assis sur un rocher dans la pluie et le froid avec mes camarades internationaux en tentant de revenir à Tulkarem.

Trois soldats nous ont fait signe de passer, un quatrième a décidé que nous ne montrions pas un niveau approprié de respect ou autre chose (vraiment - je n'en ai aucune idée), aussi nous sommes restés à nous geler pendant une heure juste parce qu'il le pouvait.
A la fin, il n’a même pas vérifier nos passeports : il nous a juste fait signe de passer quand il en a eu marre de nous.

Deux collègues de l’ISM ont passé quatre heures pour faire 15 kilomètres d'un village à un autre en Cisjordanie : Je meurs d'envie de savoir comment une japonaise de Tokyo et une autre de Suède voyageant à l'intérieur de la Cisjordanie représentent une menace à la sécurité d’Israël.

Et nous sommes des internationaux !

Imaginez si vous étiez un citoyen palestinien ordinaire !!

En parlant avec un membre du Conseil Municipal, il m’a rélévé le troisième objectif de cette "barrière de sécurité" que je n'avais pas envisagé.

Une sorte de blocus économique. J'ai cité précédemment que huit résidences avaient été programmées pour une démolition. De plus, environ 198 magasins ont été détruits à Nazlat Iza lors de la construction du mur : 12 le 7 décembre 2002, 62 le 21 janvier 2003 et finalement 124 le 21 août 2003).

Le conseiller municipal m’a montré une liste de ces magasins détruits le 21 août 2003.
124 noms, adresses et numéros d’identification avec la description du type de magasin et leur emplacement et un contact téléphonique.

L'effet de cela sur l'économie locale a été dévastateur. Hormis la question de l'emploi direct dans ces boutiques, considérez l'effet sur le Conseil lui-même. L'année dernière, ils ont encaissé environ 450.000 shekels (100k $ US) dans les contributions et les licences provenant en grande partie des entreprises commerciales.
Celles-ci ont été utilisées pour aider à construire une école voisine que notre guide nous montre fièrement. Actuellement environ 30 magasins restent ouverts et le Conseil n'a plus d’argent pour des projets de travaux publics.

De plus, le deuxième mur a coupé les magasins restants des clients Arabes israéliens et Juifs des villes israéliennes voisines, nuisant ainsi à certaines de ces entreprises qui vont bientôt fermer de toute façon.

On nous a emmené faire une promenade dans le village pour voir le site des démolitions du 21 août. Les rues sont parsemées de gravats et de marchandises cassées : des paniers à linge, des articles de quicaillerie, des canalisations tordues, des chaises cassées etc...

En bas, près de la porte 13, il y a une route où se tenait précédemment un marché prospère. C'est ici que plusieurs des magasins ont été détruits. Je me tiens aussi près du mur que je peux et je commence à mesurer les pas à quatre-vingt-dix degrés (c.-à-d. perpendiculaire au mur).

Un, deux, trois pas. Mon compte atteint 140 pas. Etant donné ma longueur de pas (65 pas pour 100 mètres), cela implique que pour la "sécurité", les Israéliens ont détruit des entreprises sur plus de 200 mètres DISTANTS du mur. Il y a des endroits où il y a des maisons à moins de 10 mètres du mur, mais pour quelque raison dans une zone commerciale prospère, le coeur de l'économie locale du village, tout à moins de 200 m a été complètement rasé ?

Mais selon les Israéliens, c'est une "barrière de sécurité"... avec, ici, des dangereux commerçants terroristes qui ne sont même pas sur le territoire israélien.
Peut-être que je regarde cela d’une mauvaise manière mais pour moi cela me semble bizarre - vous détruisez la vie d'environ 200 personnes : des hommes d'affaires travailleurs et honnêtes.
Maintenant, ils sont au chômage, sans revenu et en colère.

Qui sont les plus susceptibles d’avoir recours à la violence ?
Probablement des hommes jeunes et en colère, sans travail, sans revenu ou sans futur...... et dans un village de 2500 âmes nous avons trouvé la méthode pour créer beaucoup de ces derniers parmi ces citoyens auparavant paisibles et productifs. Pourtant c'est précisément cette sorte de comportement qu'Israël dit empêcher en contruisant ce mur.

Il s’agit seulement d’UN petit village. Cette histoire se répète des CENTAINES de fois à travers la Cisjordanie .

Vous pouver seulement penser qu’il est très difficile de justifier ce qui est en train de se passer ici au nom de la "sécurité", le tracé du mur et les exemples de démolition impliquent tellement plus. Il s’agit de l'annexation de la terre conquise par la force des armes, de la domination des ressources locales et de la destruction de ce qu’il reste d’économie fragile aux habitants locaux.

Le Conseiller municipal l’explique bien :
"Qu’est-ce que je peux faire ?
Il n’y a pas de travail, l’agriculture a été détruite, l’économie a été détruite : il n’y a pas d’argent pour les services. Ils essaient de forcer la population à quitter la terre pour pouvoir trouver un moyen de survivre. Nous avons déjà vu cela en 1948 avec ce qu’ils ont fait aux réfugiés de 1948. Nous devrions plutôt mourir de faim que de partir
."

À la fin de la journée, il est difficile d'échapper à la conclusion que c'est le but final du mur.

Il a moins à faire avec la sécurité qu'avec l'annexation de la Cisjordanie ... en rendant la vie si insupportable que par la suite les gens sont simplement forcés de partir.
La "barrière de sécurité" est un mur par lequel les espoirs et les rêves des Palestiniens ordinaires sont détruits. C’est déprimant de voir, encore plus déprimant de vivre.

Je suis content de finir sur une note plus heureuse.

Dimanche 22 février, Israël a ouvert les portes de la barrière intérieure, reconnectant Baqa avec le reste de la Cisjordanie , en disant que le mur avait été construit par erreur (sur environ 9 kilomètres).

Les plus cyniques de mes collègues suggèrent que c’est plutôt commode étant donné que dans moins de 24 heures l'affaire en jugement Contre le Mur doit s'ouvrir devant la Cour Internationale de Justice à la Haye, mais pour le moment je voudrais essayer d'être positif envers chaque avancée, même petite. J'espère qu'ils seront aussi rapides pour le faire tomber que pour le construire.

Naturellement aucune compensation ne sera donnée pour la bande de terre de 15 mètres de large qui a été débarassée des oliviers et bétonnée efficacement la rendant inutile pour les cultures et dans un développement plutôt inquiétant, la Porte 13, la seule porte dans la partie la plus occidentale des deux murs a été fermée jusqu'à nouvel ordre.

Ces familles du mauvais côté du mur à Naslat Iza sont maintenant complètement isolées, et tout fermier souhaitant atteindre les terres au nord du village doit effectuer un voyage de 80 km par Jénine pour accéder à la terre située à moins de 2 km. (A condition qu’il ait un laissez-passer pour voyager en Israël dont le taux de refus est de près de 100%) et, basé sur nos propres expériences, cela ne devrait pas prendre plus de 8 ou 9 heures par jour...

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG

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