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Jérusalem - 30 novembre 2008
Par Pam Rasmussen
L'article original a été publié sur The Electronic Intifada le 26 novembre 2008.
Le dicton "La maison d'un homme est son château" remonte aux années 1500. Que ce soit un manoir ou une case en terre, une maison où l'on peut se retirer et être en sécurité est un besoin humain fondamental. Mais depuis 2001, Abu Kamel (Mohammed al-Kurd), sa femme et leurs cinq enfants ont été obligés de lutter chaque jour pour le droit à demeurer dans la maison de Jérusalem Est où la famille vivait depuis des décennies. Et même si les colons juifs qui ont tenté de les pousser dehors – au sens propre du terme – ne lui ont pas collé un fusil sur la tempe ni tiré, ils auraient aussi bien pu le faire.
Abu Kamel et sa femme, Um Kamel, partagent le petit déjeuner avec des militants internationaux devant la maison de la famille al-Kurd, début novembre(Photo Pam Rasmussen)
Deux semaines après que les al-Kurd aient été finalement expulsés de leur maison, le 9 novembre, Abu Kamel a eu une attaque cardiaque fatale. Maintenant, Um Kamel (sa femme, Fawzieh), que j'ai appris à admirer et respecter alors que je campais dans leur patio en tant que militante de l'International Solidarity Movement (ISM), doit mener la bataille seule.
En octobre, mon ami Jean et moi sommes venus des Etats-Unis pour participer aux actions d'ISM pendant la récolte des olives.
Ayant perdu toute utilité pour la cueillette après une blessure à un pied, nous avons quitté Naplouse pour Jérusalem Est, où l'ISM montait la garde dans le patio des al-Kurd depuis l'été, dans l'espoir d'empêcher l'expulsion qui est finalement intervenue.
La maison des al-Kurd fait partie d'un projet mis sur pied par le gouvernement jordanien avec l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l'UNRWA, pour héberger 28 familles qui avaient été obligées de fuir leurs maisons originelles en 1948, après la Nakba, l'expulsion forcée des Palestiniens de leur patrie.
La famille d'Abu Kamel a été forcée à fuir Jérusalem Ouest pendant le nettoyage ethnique, et s'est installée dans la maison du quartier Shiekh Jarrah. Toutes les parties impliquées ont alors convenu que la propriété des maisons serait transférée aux familles dans les trois ans.
C'est là qu'ils ont vécu, paisiblement, jusqu'à peu après la guerre de juin 1967, lorsque deux groupes de colons juifs ont revendiqué la propriété de la terre, en dépit de l'accord antérieur avéré entre la Jordanie et l'UNRWA. La lutte qui s'en est suivie a amené les deux parties devant les tribunaux, puis s'est dramatiquement aggravée en 2001.
Lorsque Abu Kamel a eu une attaque cardiaque et que sa famille a quitté la maison pour l'accompagner en Jordanie pour des soins médicaux, une des familles de colons a profité de son mauvais état de santé. Ils ont déménagé et ont occupé une extension de la maison que les al-Kurd avaient fait rénover pour un de leurs fils.
Lorsqu'ils sont rentrés, les al-Kurd ont été confrontés au choix atroce d'abandonner leur maison ou de vivre à côté des représentants du groupe qui essayait de les forcer à partir. En dépit de la santé fragile d'Abu Kamel, ils ont choisi de rester et de se battre.
Au début de cette année, la situation a commencé à se dégrader. En dépit du fait que la Cour Suprême israélienne ait statué que la prétention des colons sur la terre était frauduleuse, une compagnie d'investissement a obtenu le droit de raser toutes les maisons palestiniennes du quartier et de les remplacer par 200 appartements pour colons et un centre commercial. La date d'expulsion a été fixée au 15 juillet 2008, et alors que les al-Kurd, qui étaient devenus les porte-drapeaux du quartier tout entier, faisaient appel une fois de plus devant les tribunaux, l'ISM est venu aider. L'organisation des colons a répondu en recrutant un gardien armé pour sa propre protection.
Nous vivions dans deux tentes montées dans le patio, et l'un d'entre nous était présent 24 heures par jour, avec une garde à tour de rôle pendant la nuit. Um Kamel nous apportait du thé à 7h du matin, et elle et Abu Kamel se joignaient à nous pour un petit déjeuner traditionnel à 9h. Un repas suivait vers 15h. Bien que la langue constituait d'abord une barrière, très vite l'ambiance était chaleureuse. Abu Kamel était une présence tranquille et solide, et Fawzieh un modèle de bonne humeur et de persévérance devant l'adversité. En plus de préparer nos repas, elle accueillait régulièrement les visites des délégations d'organisations internationales et israéliennes, racontant inlassablement l'histoire de la famille, obtenant des soutiens pour sa cause ainsi que pour la communauté palestinienne dans son ensemble.
Je me souviendrai du temps passé avec les al-Kurd comme un des grands moments de mon séjour en Palestine, un oasis d'hospitalité chaleureuse dans un environnement hostile.
Il y a une semaine, juste après être rentrés à contre cœur chez nous aux Etats-Unis, j'ai appris la nouvelle : à 3h30 du matin le dimanche 9 novembre, l'armée israélienne a surgi et a jeté les al-Kurd dehors, tout en détenant les bénévoles d'ISM qui nous avaient remplacés.
Ce fut le début de la fin pour Abu Kamel. Souffrant de tension artérielle, Mohammed, 61 ans, a été transporté à l'hôpital le 22 novembre et il est mort quelques heures après.
Abu Kamel continue cependant à vivre à travers Fawzieh. Elle a poursuivi le combat, avec l'aide de l'ISM et d'autres militants, en campant dans une tente près de sa maison légitime. En dépit d'autres tentatives de l'armée israélienne de la décourager, cette fois au moyen d'amendes et de la destruction de son abri de toile, elle et ses compagnons protestataires persévèrent. C'est la résistance non violente à son meilleur niveau, et c'est à nous de montrer qu'elle peut réussir.
Pam Rasmussen travaille dans le secteur de la santé et vit au Maryland. Visitez son site : "thou-shalt-not-steal", signez la petition et envoyez un message au gouvernement israélien.
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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