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Hébron - 4 septembre 2008
Par Middle East On Line
Les militants anti-guerre et les adeptes de la mode portent l'emblématique keffieh palestinien sur tout le globe, mais les producteurs cisjordaniens du foulard se battent contre les importations chinoises.
Le foulard à damiers noirs et blancs – qui est devenu le symbole international de la lutte palestinienne lorsque Yasser Arafat l'a porté le premier dans les années 1960 – est maintenant un phénomène global de plus en plus déconnecté de la terre et de la lutte sur laquelle il est né.
Le keffieh est devenu un signe de ralliement pour les activistes anti-guerre partout dans le monde, et un accessoire pour les beatniks urbains – une écharpe toute saison vaguement subversive, vaguement exotique.
Mais pour Yasser al-Hirbawi, 75 ans, propriétaire d'une usine de keffieh à Hébron, au sud de la Cisjordanie , la demande croissante a entraîné une compétition accrue avec les fabricants chinois qui sont en train de capter les marchés locaux.
"Avant qu'ils ne commencent à en importer de Chine, j'avais 15 machines qui tournaient 20h par jour. Aujourd'hui, je n'en ai plus que 4, et nous ne travaillons que 8h par jour", dit Hirbawi couvrant le bruit des métiers à tisser à l'intérieur d'un atelier sombre, presque vide.
Lorsqu'il a ouvert son usine en 1961, le keffieh n'était pas encore un symbole politique mais un élément normal de la tenue locale.
"C'est notre vêtement national. Vous n'en voyez plus beaucoup en été maintenant, mais en hiver, tout le monde le porte parce qu'il tient chaud", dit Hirbawi, ramenant le coin de son keffieh devant son visage.
Il porte le foulard avec une robe grise jusqu'aux chevilles, une veste sport en tweed et des sandales marron, la tenue standard des Palestiniens de sa génération.
Mais depuis l'essor de la Chine dans les années 1990, la Cisjordanie occupée par les Israéliens, comme beaucoup du reste du monde, a été envahie par des produits fabriqués en série.
Et dans la ferveur mondiale qui a suivi la naissance du soulèvement palestinien de 2000, les fabricants étrangers furent bien mieux placés pour bénéficier de la demande accrue que des marchands comme Hirbawi, qui n'exporte pas.
"Aujourd'hui les consommateurs, en particulier les étrangers, préfèrent les importations. Dieu seul sait pourquoi", dit-il tout en prenant une pincée de tabac dans une boite vieil or et qu'il roule une cigarette. "Ils devraient acheter chez nous et soutenir l'industrie locale".
Hirbawi, qui vend ses foulards moins de cinq dollars (3,5€) n'est pas au courant que Urban Outfitters, une chaîne de vêtements tendance aux Etats-Unis, y vend depuis janvier 2007 des keffiehs quatre fois plus cher.
Les jeunes préfèrent mettre du gel
Dans un signe de la popularité croissante du foulard parmi les activistes, la chaîne en a fait la publicité comme "écharpes tissées anti-guerre" jusqu'à ce qu'elle soit obligée de retirer le produit et fasse des excuses publiques à la suite de plaintes venant de partisans pro-Israël.
En mai de cette année, une controverse similaire est survenue lorsque la chef-cuisinier d'une émission de télévision US, Rachel Ray, a porté une écharpe à damier qui ressemblait à un keffieh lors d'un spot publicitaire pour la chaîne de produits alimentaires Dunkin' Donuts.
L'éditorialiste américaine de droite Michelle Malkin a fustigé le spot, l'accusant de faire la promotion du "jihad chic" et "haute couture" en ignorant le symbolisme violent du keffieh et ses sous-entendus anti-Israël.
Harbawi glousse quand on lui demande si le keffieh est le symbole du terrorisme ou même de la lutte armée palestinienne. "En Italie, on voit des femmes qui portent le keffieh autour du cou. Est-ce qu'elles sont des terroristes ?"
Dans la Vieille Ville d'Hébron, des marchands colportent des keffiehs multicolores, des drapeaux palestiniens, des céramiques arméniennes et autres souvenirs pour les touristes qui vont à la Tombe des Patriarches et à la Mosquée Ibrahimi.
Le complexe mosquée-synagogue abrite le siège des tombes des patriarches bibliques Abraham et Isaac et a transformé la ville millénaire en une poudrière majeure dans le conflit palestino-israélien.
Près de 800 colons juifs radicaux de droite, gardés par des centaines de soldats israéliens, vivent au cœur de la ville de 150.000 habitants palestiniens, dans un affrontement âpre fréquemment violent.
La Vieille Ville est une destination privilégiée des militants pro-palestiniens et des visites alternatives visant à attirer l'attention sur l'occupation israélienne, avec les marchands de ses ruelles étroites mélangeant aisément commerce et plaidoyer.
"Nous ne vendons que des produits locaux", dit Jamal Maraqa, 47 ans, montrant une pile de keffieh aux couleurs pastel fabriqué dans l'atelier de Hirbawi. "Nous achetons à Hirbawi parce qu'il les tisse de toutes ces couleurs. Les étrangers en raffolent".
Maraqa ne nie pas qu'il y ait des sous-entendus politiques derrière le keffieh, mais il balaie lui aussi l'idée qu'il est un symbole de violence.
"C'est le symbole de la Palestine et du Président Arafat, mais pas du terrorisme. Les Israéliens sont arrivés et nous ont causés des problèmes, tout ce que nous faisons, c'est défendre nos droits", dit-il montrant les colonies au-dessus de son magasin.
Des grilles métalliques pendent comme un auvent au-dessus de la vieille ruelle étroite, placées là pour retenir les ordures et les pierres jetées sur les marchands par les colons du deuxième étage. Dans de nombreux endroits, la grille ploie sous le poids des déchets.
Même ici, la plupart des Palestiniens, y compris ceux qui sont politiquement actifs, ont abandonné le keffieh traditionnel pour une tenue plus moderne.
"Les jeunes préfèrent mettre du gel", dit Jihad Abu Rumilah, un autre marchand.
De l'autre côté de la rue, Mohammed al-Muatasab s'accroupit devant son magasin, le visage buriné encadré d'un keffieh blanc et noir. C'est une tenue qu'il a parfaite avant même que le conflit palestino-israélien ne survienne.
"J'ai 90 ans et j'ai porté le keffieh toute ma vie", dit-il. "Il fait partie de ma tête."
Source : Middle East On Line
Traduction : MR pour ISM
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