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Cisjordanie - 10 août 2005
Par Jen
Jen est éducatrice, activiste, jardinière et escaladeuse de rochers élevée dans la tradition juive de justice sociale. En tant que juive américaine, elle ressent une responsabilité personnelle à travailler pour la fin de l'occupation.
La vie ici est comme la prison, c'est un intense système de contrôle installé par l'IDF pour chasser les Palestiniens du petit peu de terre qui leur reste. Le parallèle à ce système de contrôle est une forme de censure stratégique et manipulatrice qui empêche la communauté internationale de voir cet enfer dans lequel les Palestiniens sont forcés de vivre.
Le fusil pointé sur nous, les soldats nous disent où nous pouvons et où ne pouvons pas prendre des photos.
S'ils n'aiment pas une photo que vous avez prise, ils vous forceront à l'effacer.
Graffiti sur le Mur à Qalandia réalisé par Banksy, le célèbre graffeur britannique. (voir ses autres grafs)
La censure dans les autres états est plus subtile, ici, elle est directe et armée.
Le racisme et l'oppression dans les autres états sont également plus subtiles, ici ils prennent la forme d'un Mur d'Apartheid en béton de 9 mètres de haut complété par du barbelé et truffé de tours d'observations ressemblant à celui d'une prison de haute sécurité.
Les FOI ont presque terminé la construction de ce mur sous le prétexte de la "sécurité." Avant de venir ici, j'avais l'impression que le mur était une séparation entre Israël et la Palestine. Une fois arrivée et après l'avoir vu de mes propres yeux, je me suis très vite rendue compte que le mur n'avait pas grand chose à voir avec cette frontière.
Il serpente tout autour des territoires occupés, séparant les Palestiniens non pas des Israéliens, mais de leurs propres terres, de leurs sources de revenu, de leurs familles, et de leurs villages.
Le mur coupe la Cisjordanie en plein centre, et dans certains endroits il fait le tour des villages palestiniens qui ne sont pas du tout proches d'Israël.
Le graffiti sur le mur dit, "Du ghetto de Varsovie au ghetto de Kalkilya," en faisant référence à une ville qui a été complètement encerclée, sur 360 degrés par le mur.
Le commerce est mort parce que rien ne peut être livré à l'intérieur ou expédié vers l'extérieur, les fermiers ne peuvent accéder à leur terre qui a été volée, les gens ne peuvent pas aller travailler à l'extérieur de la ville, qui est devenue maintenant une prison.
Ce n'est pas la sécurité, c'est le contrêle, c'est une tentative de rendre la vie si difficile aux Palestiniens pour qu'ils quittent leur terre.
Mais les Palestiniens sont des survivants qui ont un lien profond avec leur terre. J'ai entendu plusieurs personnes dirent qu'elles mourraient sur leur terre plutêt que de partir.
Munira, un poète, m'a dit : "Les racines des arbres sont les os de nos grands-pères... Si vous m'ouvrez le bras pour regarder mon sang, chaque particule de mon sang dira Palestine."
À plusieurs reprises, j'ai rencontré des personnes dont la force pour vivre une vie de résistance est au delà de ce que je pourrais jamais imaginer. Nous avons rencontré une femme qui vit dans un village palestinien qui est maintenant adjacente à une colonie juive.
L'IDF a voulu construire le Mur juste à cêté de sa maison, mais elle a refusé de partir, ils l'ont donc construite juste à cêté de sa maison, la séparant du village, la mettant du même cêté du mur que les colons, ses ennemis. Elle vit littéralement dans une cage avec le mur d'un cêté, et une barrière de l'autre.
Pour aller jusqu'Ã sa maison, vous devez passer par un checkpoint. Nous sommes allés lui rendre visite, prendre le thé et écouter son histoire.
Les soldats nous ont dit que nous ne pouvions pas aller jusqu'Ã sa maison parce que c'était une Zone Militaire Fermée.
Ces décisions sont prises au caprice des soldats de 18 ans qui y sont en service.
En dépit de tout cela, elle a choisi de rester.
À l'intérieur de cette prison, l'IDF assassine au hasard des Palestiniens. Ces meurtres ne sont pas rapportés, au moins pas dans les médias internationaux.
La nuit dernière, j'ai été invitée à dîner dans un des camps de réfugiés de Tulkarem, où je suis maintenant.
Alors que nous étions assis sur le toit à regarder la bande de terre minuscule (10.000 mètres carrés) où habitent 20.000 personnes, nous avons entendu une annonce diffusée depuis la Mosquée indiquant que quelqu'un avait été tué par l'IDF hier dans un village voisin. (si vous êtes intéressés, essayez de chercher ce meurtre, Muayed Mussa, hier, 28 juillet à Izbet Shofe, en Cisjordanie )
Il y a eu une brève pause pour écouter l'annonce et puis la conversation a repris normalement. La personne que je parlais à , remarquant mon intérêt, m'a dit : "C'est normal. Vous ne pouvez pas trouver une seule personne dans le camp de réfugiés qui n'a pas perdu un membre de sa famille. S'ils ne sont pas morts, ils sont en prison, ou les deux."
La personne à qui je parlais a survécu à 5 tentatives d'assassinat par l'IDF et a été récemment libérée de prison où il a été détenu, torturé, et interrogé pendant plusieurs mois.
Quand il a été libéré, il ne pouvait pas marcher et a dû être hospitalisé. Cela fait partie de la censure : c'est un écrivain qui a plusieurs amis journalistes. Il a écrit plusieurs livres sur la situation qu'il n'a pas publié par crainte d'être assassiné.
La semaine dernière, nous avons rencontré Addameer, une organisation des Droits de l'Homme qui se concentre sur les prisonniers.
Voilà un extrait de ce que nous avons appris.
Au cours de la semaine précédant notre entrevue, on m'a souvent répété ce genre de témoignages.
L'IDF peut légalement arrêter des enfants de n'importe quel âge, et peut retenir les enfants âgés de 14 à 16 ans pendant 6 mois.
650.000 personnes ont été arrêtées au cours de l'intifada actuel et presque chaque famille a l'un de ses membres qui a été arrêté.
L'interrogatoire peut durer jusqu'Ã 180 jours.
Depuis 1967, la torture fait habituellement partie de l'interrogatoire. Les méthodes de torture incluent le tabassage, la sodomie, les décharges électriques, les brûlures de cigarettes.
Depuis récemment, ils utilisent la torture psychologique et d'autres formes de torture telles que celles qui ne laissent pas de trace sur le corps : position du shabeh consistant à briser le dos du prisonnier, privation de sommeil, exposition à des sons forts, mise sur la tête du prisonnier des sacs d'une odeur fétide et secousses brutales qui peuvent mener à des dommages au cerveau.
La semaine dernière, j'en suis arrivée à comprendre les "attaques-suicides" d'une certaine façon. Je le mets entre guillemets parce que quand nous disons "kamikaze", certains Palestiniens disent combattant de la liberté. Avant de venir ici, je comprenais que ces actions faisaient partie du mouvement de la résistance armée à l'occupation israélienne.
Bien que je n'approuve pas la violence, je réalise que sous la violence et l'oppression extrêmes, les gens sont conduits à la violence.
Ce qui a changé, c'est ma compréhension du suicide. J'ai souvent entendu des gens dirent des choses comme, "le suicide va à l'encontre de l'instinct humain" comme si ces gens qui s'otaient leurs propres vies étaient inhumaines. Ce que je comprends maintenant, c'est qu'ils vivent dans des conditions qui sont inhumaines.
L'armée israélienne est inhumaine.
Si vous aviez survécu à la torture et à l'emprisonnement, que votre maison était détruite, que votre terre était volée, que vos amis et les membres de votre famille étaient tués, que votre fils était en prison, et que vous n'avez pas assez de nourriture ou d'argent pour nourrir votre famille, vous n'auriez plus beaucoup de volonté à vivre.
Dans ces conditions, c'est étonnant qu'il n'y ait pas plus de personnes qui se tournent vers le suicide.
Source : ISM Boston
Traduction : MG pour ISM
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