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Gaza - 11 juillet 2006
Par Mona El-Farra
Mona El-Farra est médecin et milite pour les droits de l’Homme dans la Bande de Gaza.
L’ironie est au-delà de l’imaginable. Depuis la capture d’un soldat israélien le 25 juin, la Bande de Gaza subit une opération militaire à grande échelle, qu’Israël appelle « Pluie d’été ». Parce qu’Israël a bombardé la centrale électrique, et que la zone a besoin d’électricité pour pomper l’eau, la plupart des habitants de Gaza n’ont plus accès à l’eau potable. Avec la chaleur de l’été, la pluie serait une bénédiction bien plus réjouissante que les bombardements incessants
Je suis réellement en train de perdre la notion de jour et de nuit, du nombre de bombes qui sont tombées. Depuis que la principale centrale électrique a été détruite, nous devons vivre sans électricité. Ce que nous arrivons à avoir est inégal, et à peine assez pour recharger nos portables et nos ordinateurs pour essayer de ne pas perdre le contact entre nous et avec le monde.
En tant que médecin, j’ai peur pour mes malades. 22 hôpitaux n’ont pas d’électricité. Ils se servent de générateurs, mais les générateurs ont besoin de pétrole. Nous en avons assez pour tenir à peine quelques jours, à cause de la fermeture des frontières qui empêche l’approvisionnement.
Le manque d’électricité menace la vie des malades branchés et celle des enfants en soins intensifs, ainsi que celle des malades dialysés et tous les autres. Des centaines d’opération ont été reportées. Les pharmacies étaient déjà presque vides à cause de la fermeture des frontières par Israël et de l’arrêt de l’aide internationale. Et le peu qui restait s’est détérioré faute de réfrigération.
La nourriture aussi s’abîme, sans réfrigération, et les réserves de nourriture sont basses. Les fermiers de Cisjordanie ont jeté de pleins camions de fruits pourris, après avoir attendu pendant des jours puis avoir été interdits d’entrée à Gaza par Israël. Les enfants sont en colère de voir la nourriture dont ils ont besoin partir à la décharge. Plus de 30.000 enfants souffrent de malnutrition, et ce chiffre augmente à cause des diarrhées dues à la limitation de l’eau potable et la contamination des denrées.
Comme mère, j’ai peur pour les enfants. Je vois les effets des incessantes bombes sonores et des tirs d’artillerie sur ma fille de 13 ans. Elle est agitée, paniquée, elle a peur de sortir et en même temps frustrée de ne pas voir ses amies. Lorsque les avions de chasse israéliens survolent Gaza jour et nuit, le bruit est terrifiant. Elle se réfugie dans mon lit, tremblante de peur. Et nous finissons toutes les deux accroupies par terre. Ma fille sent ma peur et sait que nous devons nous apaiser mutuellement. Je suis médecin, adulte et mûre. Mais sous les bombes sonores, je deviens hystérique.
Ces agressions laisseront des cicatrices psychologiques sur les enfants pendant des années. Instiller la peur et la colère n’apportera pas la paix et la sécurité aux israéliens.
Cette campagne de bombardement prétend être menée à cause de la capture du soldat. Du point de vue du monde extérieur, la décision des Palestiniens peut sembler simple : « Relâchez le soldat et le siège prendra fin ». Pourtant, pour les habitants de Gaza, même confrontés à cette violence brutale, une autre décision arrive, pas facilement, mais avec détermination. C’est un soldat qui a été capturé au cours d’une opération militaire. Aujourd’hui, plusieurs centaines d’enfants et de femmes palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes. Ils méritent leur liberté tout autant que le soldat. Leurs familles pleurent leur absence tout autant que sa famille. Aussi, alors qu’ils endurent la tempête israélienne, la plupart des Gazans veulent que le soldat reste détenu – sans mauvais traitements – jusqu’à ce que les femmes et les enfants soient relâchés.
La plupart des habitants croient également que le dernier assaut d’Israël était planifié, et que la capture du soldat n’a été qu’un déclencheur. Israël a lancé sur Gaza des milliers d’obus, tuant des femmes, des enfants, des personnes âgées, bien avant la capture du soldat. Cette fois, Israël attaque Gaza quelques heures après qu’un accord national ait été signé par le Fatah et le Hamas, qui aurait pu ouvrir la voie à des négociations entre Palestiniens et Israéliens. Ce qui aurait obligé Israël à abandonner son contrôle sur la terre et les ressources palestiniennes. Les Gazans pensent que le but de la campagne militaire israélienne est la destruction à la fois du gouvernement élu et de nos infrastructures, et par conséquence, celle de la réalisation de nos droits nationaux.
Bien que nous ne vivions pas facilement, nous vivons déterminés. Jusqu’à ce que le monde oblige Israël à reconnaître nos droits sur notre terre, et à rechercher une paix qui apporte liberté et sécurité aux Palestiniens et aux Israéliens, les deux peuples continueront de payer le prix.
Source : ISM
Traduction : MR pour ISM
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Mona El-Farra
11 juillet 2006