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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Mardi : les portes de l'enfer ne se sont pas ouvertes

Par

Ce deuxième jour, parti de la ville voisine de El-Arish, je suis arrivé à l’entrée de Rafah vers dix heures alors qu’un drone israélien tout blanc survolait paresseusement la zone frontalière. Mon chauffeur me prévint : « en général, après les drones, il y a un bombardement… ».

Dubitatif, je regardais le drone voler paresseusement ; je n’ai pas pu voir de près ses moteurs : électriques ou à carburant fabriqué à partir du gaz égyptien ?

Une fois arrivé devant le check point de Raffah, une bonne nouvelle m’attendait : dans deux ou trois heures, « ils » allaient autoriser un groupe de journalistes à entrer. Notre petit groupe de journalistes français s’est activé à vérifier si tous ses papiers étaient bien en règle… appels à l’ambassade et réponses toujours aussi bienveillantes et sympathiques.

Hier, lundi, ce fut une journée dantesque, pleine d’espoir de fureur : courir à droite, à gauche, découvrir de nouveaux obstacles, tenter une nouvelle possibilité, etc. Aujourd’hui, les gens étaient déjà aguerris. Les interlocuteurs étaient identifiés à l’ambassade de France, parmi les policiers égyptiens ; nous allions directement au point de réponse.

Aussi très vite nous avons détecté que malgré les promesses, tout n’allait pas se dérouler comme prévu.

D’abord, pourquoi pour entrer à Gaza faut-il un sauf-conduit de l’ambassade et un autre de la part du service de presse du ministère égyptien de l’information ?

Normalement, selon les conventions consulaires entre nos deux pays, il n’y a pas de visa entre la France et l’Égypte. Donc un citoyen français – non journaliste – a le droit de circuler librement en dehors des zones de secret militaire. C’est pareil pour un citoyen égyptien en France.
Et c’est encore pareil pour un citoyen israélien en France ou français en Israël.

En passant de Raffah en Égypte à Raffah à Gaza, il faut quitter le territoire égyptien et cela ne regarde pas l’Égypte ce qui peut arriver de l’autre côté de la frontière. Et Israël n’a pas le droit de m’interdire l’accès à une zone qui ne fait pas partie de son territoire qui est sous son contrôle. Et qui est de toute façon sous un cessez-le-feu respecté de part et d’autre.

Tous les bagages peuvent être fouillés.

Alors, pourquoi donc une personne qui n’est pas journaliste est-elle astreinte à ces limitations extraordinaires à ses droits fondamentaux, c’est-à-dire qui sortent de l’ordinaire, qui contreviennent aux conventions signées et qui portent atteinte à la liberté d’aller et de venir ?

Vient ensuite la cas des journalistes, ces éternels « fouilleurs de merde » qui ont toujours fait l’objet de conventions particulières entre les États (déclarations préalables, autorisations, etc.). Les gens qui étaient avec moi, par exemple un envoyé spécial du Monde avait ses papiers en règle et il attendait la bonne volonté de gens invisibles pour qu’ils l’autorisent à entrer. Il y avait aussi Karim qui était avec lui, côté photo. Marc, un compatriote était là pour une chaîne italienne. Il y avait encore mon pote indonésien d’hier. Un moment il a cru entrer avec un convoi médical de son pays. Cela ne s’est pas passé comme il espérait. Il attend donc depuis onze jours.
Mais il y avait encore des confrères venus des antipodes, de Nouvelles Zélande, d’Australie ou encore des USA ou d’Irlande, du Royaume-Uni, d’Allemagne, les Syriens, les Soudanais, etc., etc. L’ONU en petit…
Parmi ces pauvres journalistes en attente de la probable future ouverture des Portes de l’Enfer, il y avait mon cas « particulier » :
J’étais venu pour une mission humanitaire d’interposition contre les bombardements de civils ; j’ai décidé de rester pour témoigner. J’avais une carte de journaliste, mais d’une agence de presse associative ; j’avais une carte professionnelle de réalisateur de la télévision française, mais les timbres de cette dernière n’avaient pas été renouvelés depuis longtemps. Bref, il fallait envoyer des photocopies, attendre la validation « presse » de l’ambassade pour obtenir par la suite celle du ministère de l’information égyptien.

En fait, au regard de nos règles démocratiques, toutes ces démarches était de la poudre aux yeux pour masquer autre chose : les pouvoirs publics de n’importe quel pays démocratique n’ont pas à limiter l’accès à l’information et surtout ils n’ont pas le droit de limiter la liberté d’aller et venir pour affaiblir la diversité de l’information. Que celle-ci soit collectée par des entreprises de l’information, par des associations, mais aussi par des particuliers.

Le problème que je pose n’est pas le mien, c’est le problème devenu une mode. La pratique des « journalistes embarqués » par l’armée US en Irak : sous des prétextes divers (« votre propre sécurité » par exemple), l’information à la source est contrôlée par la fermeture des zones concernées. On a eu les lamentables images du début du conflit de Gaza avec des bombardements d’artillerie filmés depuis les sites des canons israéliens : « imaginez que dessous, là-bas à deux mille mètres, il y a de méchants islamistes avec une barbe sale et un couteau entre les dents. Imaginez que nous les avons touchés de manière sélective. Ne pensez surtout pas que l’obus s’est écrasé sur une maison où se réfugiaient trois familles, avec femmes, enfants, vieillards ! ».

La confirmation de cette thématique sous-jacente aux difficultés, prétendument administratives, rencontrées par les journalistes ne tarda pas à tomber ; Islam, le jeune capitaine de police est venu nous asséner la dernière information « il y a trop de journalistes à Gaza. Il n’y aura plus d’entrée de journalistes. C’est définitif ».

Les gens attendaient pour rien. Certains depuis onze jours maintenant !

Je croyais que les journalistes n’étaient jamais de trop puisque de toute façon, LA VẺRITẺ ne peut pas venir d’un journaliste ou d’un petit groupe de journalistes, mais d’un grand nombre de journalistes indépendants les uns des autres et des pouvoirs publics. LA VẺRITẺ ressort de la diversité des sources, de leur croisement. Sinon, on a affaire à des versions de la vérité.

En fait le gouvernement égyptien se sent complice des évènements de Gaza, des crimes de guerre qui y ont été commis. Il refuse de se voir confronté à un tel constat international, insoutenable. Et il porte atteinte au droit des Français d’aller et venir découlant des accords consulaires avec la France.
Notre gouvernement lui facilite les choses parce que notre président a déclaré à plusieurs reprises être un ami d’Israël. Notre gouvernement accepte que soient brimés notre liberté d’aller et venir en tant que citoyen ou notre droit de Français à être informés par des sources de différentes natures institutionnelles et de différentes obédiences idéologiques.

Voilà pourquoi les courants journalistiques sont limités. Nous avions tous en poches de quoi subvenir à nos besoins ; nous n’étions pas des mendiants. Nous étions juste des témoins gênants. Nous étions de trop !

En fait, Gaza aujourd’hui est une scène de crime. Une scène de crimes de guerre commis par Israël contre des civils.

Pour une enquête de police normale, personne n’a le droit de modifier une scène de crime avant l’arrivée des inspecteurs. Dans notre cas, les premiers « inspecteurs » disponibles sur place, ce sont les journalistes – des témoins de l’opinion publique.

Au lieu de quoi, les autorités laissent entrer les médecins, les pourvoyeurs d’aides diverses. Mais pas les journalistes : « il y en a déjà trop à Gaza ».

Je pensais qu’à Gaza, il avait eu trop de bombes. Les journalistes n’ont jamais été de trop. Je le sais parce que tous les jours des gens que je ne connais pas m’appellent de gaza par téléphone : « mais quand donc arrivez-vous ? Apportez-moi avec vous, s’il vous plaît un réchaud de cuisine à pétrole parce que nous n’avons plus de quoi préparer nos plats. Venez voir comment nous vivons pour le dire aux Français. Ils ne peuvent pas imaginer ».

C’est à ce moment que nous, les journalistes étrangers, nous avons découvert subitement une manifestation du syndicat égyptien des journalistes contre la fermeture des Portes de l’Enfer, le terminal de Raffah. Ce syndicat représente 5 500 professionnels. Et il n’y a pas d’autre syndicat concurrent dans le pays. Ils ont été jusqu’à la « Grille de l’Enfer », ils l’ont secouée fortement en criant des slogans réclamant l’accès libre à Gaza.
- un seul peuple, une seule religion, une seule langue, nous sommes frères. Nous sommes concernés, nous sommes solidaires. Ouvrez ces portes de l’impérialisme et du sionisme. Que le monde voit ce que fait Israël à nos frères !

Une journaliste anglophone a commencé à interviewer le leader ; puis ce fut mon tour. J’ai voulu pousser le bouchon le plus loin possible.
- Comment pouvez-vous me prouver que vous êtes représentatifs ? que pensez-vous des relations diplomatiques Israël-Égypte ? Les relations commerciales entre l’Égypte et Israël ne sont-elles pas bénéfiques aux deux parties ? Que pensez-vous du cessez-le-feu ? Vous protestez, mais cela va-t-il jusqu’à remettre en cause la politique du Président Moubarak ?
- Il y a toujours eu un seul syndicat de journaliste en Égypte et nous sommes 5500 membres. Nous sommes contre les relations diplomatiques avec Israël et nous trouvons que les crimes de guerre massifs qui viennent d’avoir lieu à Gaza sont une bonne occasion de les interrompre définitivement. Nous demandons le cessez-le-feu, mais nous refusons les conditions d’Israël et de ses soutiens occidentaux. Nous ne voulons pas de leurs armées près de nos frontières et de nos côtes. Certains puis veulent aider militairement Israël après ses échecs du Liban puis ici. Que ces armées étrangères restent chez elles. Nous sommes contre la politique d’accommodation du président Moubarak parce qu’elle va contre les intérêts égyptiens, palestiniens et arabes.

Puis il me prit à part directement :
- ce sont vous, les Occidentaux, les impérialistes qui payez des gens comme Moubarak et les Saoudiens pour vous vendre leurs frères arabes et musulmans. Vous n’êtes intéressés que par notre gaz lorsqu’il vous est livré à vil prix. C’est votre argent qui tue à cinq cent mètres d’ici des enfants, des femmes, des vieillards désarmés et enclavés sans possibilité de fuite. Le sang qui coule, c’est vous, les Occidentaux qui l’avez commandité, Israël vous le fournit et Moubarak veut dissimuler les massacres à votre opinion et à l’opinion mondiale.

Là, je n’ai pas pu continuer l’interview : il disait vrai.
Je suis un Français et mon pays mène une politique telle que pour améliorer le niveau de vie des Français, il préfère une politique de prédation plutôt qu’une politique de co-gérance avec les pays du Tiers-Monde. Nous ne pouvons pas recevoir toute la misère du monde, mais nous contribuons à en créer beaucoup dans beaucoup de régions, comme ici, à Gaza.
Finalement cette histoire du conflit palestinien qui a fait tant de morts depuis 69 ans, qui a semé la désolation, elle a aussi tué des milliers de Juifs. Et ce problème est fondamentalement européen. Sa solution était et est encore en Occident. L’URSS, dès les années 30 avait déjà crée son État juif, le Birobidjan et cela n’a jamais vraiment marché. Au départ, les Palestiniens n’avaient rien à y voir.
Ce sont les jeux d’intérêts des grandes puissances qui ont amené à créer cette chimère de droit international qu’est Israël.

Le mec en face venait de marquer un point : oui ; il disait vrai. Je me suis senti coupable. Je me sens coupable depuis des lustres. Je ne veux pas de cette politique prédatrice, mais je jouis de ses résultats. Je me suis écarté de la foule. J’ai pleuré.

De rage, de compassion pour les Palestiniens et pour tous les pauvres gibiers de notre système impérialiste à travers l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine.

Il est venu me dire que ce n’était pas moi en particulier qu’il visait. Je le savais. On a sympathisé. Ils sont partis : un autre meeting de leur syndicat se déroulait au même moment au Caire. Ils voulaient rencontrer leurs collègues à la fin de celui-ci. On s’est dit : « au revoir ».

Puis des télés arabes, des journaux arabes sont venus me voir : « pourquoi avez-vous craqué ? » Ou demander le point de vue d’un français arabe ou d’une français anti-impérialistes.
Je voulais répondre, m’expliquer, mais la gorge était serrée. Les mots arrachaient.

Maintenant que j’y pense, j’en suis encore tout retourné. En fait l’homme l’a emporté sur le professionnel. C’est tout. Comme les chirurgiens étrangers qu’on a vu à la télé s’interrompre pour pleurer à Gaza… sur Gaza et ses habitants…

Politiquement, le coup du syndicat des journalistes avait été habile : ils sont venus manifester à un endroit où il y avait une grande concentration de caméras étrangères. Aussi, la police s’est-elle montrée très calme et très correcte. Mais ce que ces journalistes ignoraient, c’était que leurs slogans contenant le mot « Islam » aurait un effet négatif sur des journalistes occidentaux, alimentés chaque jour du petit lait de l’islamophobie : « ce sont des frérots, on ne va pas entrer dans leur jeu ».

Les bons journalistes, les vrais journalistes, ce sont les journalistes athées ou chrétiens ou bouddhistes ou tout ce que vous voulez, mais pas musulmans… Tout un programme…

Et je suis retourné à l’attente de l’ouverture des Portes de l’Enfer, avec mes camarades français.

Mais les autorités israéliennes, les autorités égyptiennes, les autorités françaises ne veulent pas d’un rush de témoins de journalistes. Ils veulent bien que tous les journalistes entrent à Gaza, mais après la grande lessive, quand le paysage sera présentable.

Ils tiennent aussi à ce que le point de vue des défenseurs de Gaza, les dires du Hamas ne sortent pas de l’enclave vers l’opinion mondiale et doc française avant que l’information ne devienne obsolète.
Les journalistes qui sont déjà entrés, triés sur le volet, sont ceux qui diront du mal du Hamas, de la résistance armée Palestinienne. Ils diront du bien des Palestiniens défaitistes, des Palestiniens soumis au diktat, ceux qui courbent l’échine. Il s’agit des journalistes qui vous apporteront de faux chiffres : exclusivement ceux d’Israël.

L’Égypte, Israël et le gouvernement français veulent priver le Hamas de sa victoire indéniable du Hamas qui par cette guerre a renforcé son assise populaire. Le mythe de « l’organisation terroriste » a volé en éclats. C’est de la bonne politique de serviteur de l’impérialisme US, mais c’est aussi minable. Surtout de la part de petits chiens arabes… après le petit caniche Tony Blair pour l’Irak, on va avoir droit à des chiens pour d’autres points chauds de la planète.

Parce que l’autre analyse, les autres chiffres, les voici tels qu’ils viennent d’habitants du Sinaï, voisins de leurs cousins de Palestine – il s’agit de la direction du Parti du Rassemblement de la Gauche égyptienne. J’ai rencontré trois représentants de ce parti en soirée :

Selon eux, les évènements de Gaza doivent être décomposés en une attaque massive contre la population dont la finalité israélienne étaient électoraliste et en des attaques des forces militaires israéliennes contre les forces de la Résistance Palestinienne, emmenées par le Hamas. Chacune des deux missions que s’est fixée Israël doit être considérée séparément pur ce qu’elle est.
Le bombardement massif contre la population avec l’artillerie de campagne et avec l’aviation doit se juger comme un très grave crime de guerre. Une fois la décision prise de commettre ces crimes de guerre par les chefs politiques d’Israël et une fois cette mission acceptée par des officiers généraux qui ont perdu leur sens de l’honneur militaire, cet objectif ne pouvait être qu’« une grande victoire israélienne », soit en fin de compte le chiffre de plus de 1500 morts immédiates et consécutives : il n’y a rien de facile que de canarder des civil parqués dans un périmètre limité et fermé.

Je rappelle qu’avant de bombarder Royan en 1945, les Américains avaient demandé pendant trois jours à la population de quitter la ville. À Gaza, les Israéliens ont interdit à, la population de quitter cette agglomération, la plus densément peuplée du monde, avant de l’arroser de loin d’obus de tous types, y compris au phosphore. Les analystes politiques chinois considèrent que si l’objectif de tuer des civils fut bien atteint, électoralement, Livni est toujours derrière Nettanyahou dans les sondages d’opinion : l’objectif politique a été raté !

Le crime de guerre en masse est avéré. Il est d’autant plus grave que sa seule finalité fut, en vue des futures élections, de redorer dans l’opinion va-t-en guerre israélienne l’image de ses chefs au pouvoir.

Ce premier aspect de la guerre de Gaza doit donner lieu à la condamnation des chefs militaires israéliens devant les tribunaux internationaux et devant les tribunaux nationaux des pays qui se sont dotés d’une juridiction dite d’« éradication mondiale des crimes de guerre », c’est-à-dire des États qui jugent et condamnent y compris des citoyens étrangers pur des crimes commis à l’étranger.
Si la communauté internationale ne fonctionne pas selon le système dit du double standard ou encore du « deux poids, deux mesures », alors les chefs militaires israéliens qui se sont rendus coupables de crimes de guerre doivent être emprisonnés, même s’ils sont arrêtés dans plusieurs années.

L’autre face de ce conflit de Gaza est le combat entre deux forces armées, une force régulière étatique, celle de l’une des plus moderne du monde, l’armée israélienne et en face, une milice armée, la Résistance Palestinienne avec à sa tête et ayant comme gros bataillons le Hamas.

Dans ce type de conflit, il faut remarquer qu’un combattant sait se protéger des bombardements de l’artillerie. Il sait se protéger des tirs à grande distance des tanks. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les soldats avaient appris à laisser les tanks passer au-dessus de leur tranchée pour les attaquer par derrière à la bombe incendiaire ou au RPG parce que le blindage était plus fin dans le dos des tanks. Alors les armées faisaient accompagner les tanks par une infanterie pour déloger les soldats ennemis planqués dans les tranchées.

Mais alors la bataille redevenait une bataille d’infanterie à l’arme à feu légère, à la grenade ou à la baïonnette. La mêlée. Le tank ne pouvait plus tirer sur l’ennemi imbriqué dans ses propres troupes, de peur de toucher les siens et les soldats des deux bords s’étripaient sous les yeux des tankistes.

La règle militaire veut que seul un soldat peut aller déloger un soldat enterré en posture défensive. En général, on considère qu’il faut trois à cinq assaillants contre un soldat en défensive. Or Israël n’était pas prêt à payer ce prix pour « casser le Hamas » comme cela fut déclaré au début du conflit. Proximité des élections israéliennes oblige.

Des victimes militaires eurent bien lieu ici et là. Lors des déplacements deux chefs du Hamas, localisés électroniquement ou par espionnage humain furent tués. Le hasard jour un grand rôle dans ces cas. Mais finalement le décompte du Hamas est le suivant :
Résultat des tirs contre les concentrations de troupes israéliennes par les missiles Kassam et autres Katiouchas : 48 pertes.
Résultats des combats directs : 13 soldats israéliens.

Pertes de la Résistance Palestinienne :
48 membres du Hamas et autres organisations palestiniennes paramilitaires
32 membres du Djihad Islamique

Pour ces responsables politiques égyptiens que j’ai rencontrés et qui sont proches si ce n n’est du Hamas, du moins de la Résistance Palestinienne armée, le ratio des pertes militaire est voisin du 1/1, du match nul. Cela vient de ce que l’armée israélienne a joué totalement à l’économie de vie humaine pour cause de politique : la proximité des élections israéliennes rendait impossible aux politiciens au pouvoir actuellement d’y aller avec un certain nombre de morts de soldats.

Concrètement, l’armée israélienne faisait une préparation d’artillerie – sans effets sur des soldats aguerris, enterrés en posture défensive. Puis elle envoyait des troupes d’élite débusquer les planqués. Ceux-ci attendaient. Au moment où l’adversaire était à porté de tir rapproché (afin d’éviter l’artillerie adverse), il sortaient et les hommes s’expliquaient « d’homme à homme ». Et tout de suite, chaque fois que la hiérarchie israélienne constatait une telle évolution, elle sonnait le retrait. Ce schéma a fonctionné partout sauf à la frontière immédiate de l’Égypte où l’aviation et l’artillerie ont élargi le no man’s land, rasant tout. Labourant tout de loin. Plus besoin de combats de corps à corps ; on peut envoyer la troupe à découvert.

Il se trouve que j’adhère aux explications de tactique militaire de ces interlocuteurs égyptiens : sur le plan militaire strict, Israël a subi une défaite encore plus grande qu’au Liban.

Pour conclure, je rappelle que selon les accords de camp David signés en 1978 pour restituer le Sinaï à l’Égypte, celle-ci a dû accepter sur son territoire une force militaire internationale d’interposition, dirigée par les USA. Ces soldats portent des casques rouges. Et cette troupe étrangère en terre égyptienne ne peut être dissoute que par un accord simultané des USA, d’Israël et de l’Égypte, c’est-à-dire par deux voix israéliennes et une voix égyptienne = jamais ! Dans cette zone, seules des forces de police égyptiennes sont acceptées.

Mes interlocuteurs de la gauche égyptiennes m’ont dit leur volonté de voir cet accord limitatif de la souveraineté de leur pays, cette forme d’occupation étrangère, balayé. Pour eux, c’est un bon exemple du principe tant vanté à Washington et à Tel-Aviv, intitulé « échange de la terre contre la paix », imposé en réalité par la force.
En l’occurrence, ils me disaient que le peuple égyptien avait été spolié de sa victoire de 1973 contre Israël par cet accord de camp David.

Leurs demandes actuelles sont l’ouverture du terminal de Rafah, la fin de la cession du Gaz égyptien à Israël et sa vente sur le marché international, l’annulation de la reconnaissance juridique d’Israël.

Ils dénoncent toute intervention de troupes étrangères dans la région, notamment le très récent accord Israël-USA pour « sécuriser » la frontière. Personne n’en connaît le contenu exact et les Palestiniens veulent continuer leur lutte d’indépendance et de récupération de leurs droits sans que des puissance importantes viennent donner un coup de main en s’interposant pour protéger Israël.
À ce sujet, ils m’ont rapporté des rumeurs très inquiétantes sur des accords confidentiels entre l’Égypte et la France, obtenus lors des dernières rencontres entre Sakozy et Moubarak. Des militaires français – une centaine ou plus – seraient déjà à El Arish pour s’interposer. Ils auraient pour le moment le statut de forces de défense civile. Cela m’a intéressé et on les rait pour moins que ça : « à El Arish ? et vous savez où ils sont ? ».
- Oui, dans une résidence hôtelière municipale.
- On y va tout de suite !
- on y va !

Le rez-de-chaussée fait café, sandwicherie. On a consommé.
- il paraît que vous hébergez des compatriotes français ?
- oui.
- Ils ne sont pas en bas ?
- Non, ils sont dans les chambres.
- Il parait que ce sont des militaires, oui ?
- Oui…
- Je peux aller leur dire bonjour ?
- Non, je vais aller leur dire que vous êtes là.

Nous étions quatre, deux Égyptiens, une consoeur française et moi. Dans une table bien placée pour tout voir, un groupe d’Égyptiens, âge moyen, cheveux courts, athlétiques. Ils nous observent attentivement. Ils nous dévisagent. Un des deux égyptiens avec nous se lève et il s’en va :
- je reviens tout de suite pour boire mon thé.

L’autre reste. Il commande une bouteille d’eau minérale. Il a l’air agité.
Je n’avais pas mangé de la journée. Il est tard. Je demande un sandwich et un thé.
- alors vous allez appeler mes compatriotes ?
- Je vous sers et j’y vais.

Je finis de manger. J’ai vu qu’un des flics égyptiens a appelé le serveur et qu’ils ont eu des conciliabules. Il nous dévisage très attentivement. Le second Égyptien n’y tient plus et il part sans mot dire, sans avoir touché à sa boisson. Bien. Il a pris ses jambes à son cou. Les policiers en civil n’ont pas bougé. Je reste avec la consoeur française et je m’adresse au serveur :
- bon, vous y allez… j’ai fini.
- Heu… non. Ils sont dans leur chambre ou dehors.
- Ben, j’ay vais moi leur dire bonjour, dans leur chambre. Nous les Français on est très fraternels, vous savez…
- Ce n’est pas une bonne idée. Ils dorment peut-être, vous allez les réveiller.
- Bon, je vais attendre les autres.
- Je ne sais à quelle heure ils viendront.

Bon, ça bloque des quatre fers. Nous nous levons et je demande l’addition tout en faisant mouvement vers les étages. Un flic qui semble être le chef se lève :
- Bonjour, Monsieur ! Vous parlez arabe… vous êtes d’où ?
- Je suis un Français. Je suis d’origine algérienne. Excusez-moi si parle mal l’arabe…
- Ah, je suis très heureux de vous connaître. Nous aimons beaucoup la France et nous aimons beaucoup l’Algérie.
- Nous aussi, nous aimons beaucoup l’Égypte ; c’est un pays ami. Excusez-moi, je voudrais payer et aller voir nos compatriotes français dans les étages.
- Je ne crois pas qu’ils soient visibles ce soir. Pour les consommations, permettez-moi de vous les payer.
Il se tourne vers le serveur et lui fait signe que ce sera mis sur son compte. Et il ajoute pour nous, les deux Français trop curieux :
- Et revenez une autre fois.

On a retrouvés nos deux amis égyptiens à un carrefour à deux cent mètres de là. Ils en tremblaient encore et ils en riaient aussi :
- il a payé pour que vous fichiez le camp !

Conclusion de cette équipée :
Il y a de fortes présomptions de la présence de troupes françaises en Égypte, suite aux contacts Sarkozy-Moubarak ; il faut les confirmer. Ce serait alors un scoop. Et les Français ont le droit de savoir et ils ne veulent pas que des Français meurent pour sauver Israël, un État juif raciste, basé sur la race, sur la religion, sur l’origine. Ce n’est pas dans nos valeurs républicaines. Si des racistes juifs français veulent donner leur vie pour assurer une suprématie raciale supposée, qu’ils y aillent et qu’ils ne reviennent surtout pas en France. Ils discuteront avec les hommes du Hamas. Ces derniers savent bien s’expliquer et ils ont des arguments sonnants et convaincants. Chez nous, on considère que tous les être humains sont égaux et nous sommes définitivement contre la colonisation depuis 1962, par referendum !

Cette délégation de la gauche égyptienne que j’ai rencontrée a récemment, une délégation parlementaire française les a rencontrés. Ils se sont déclarés heureux que les seuls points de vue entendus ne soient pas les partis gouvernemental et religieux. Mais ils se sont dit déçus par le blocage, notamment du camarade communiste sur la question de la validité juridique de la création d’Israël comme un État basé sur une citoyenneté à deux étages : les Juifs (race ? religion ?) et les Palestiniens (les indigènes ?) :
- Si ces gens reconnaissent que l’ONU a commis une erreur en créant la République Démocratique d’Allemagne (RDA), si elle a reconnu son erreur en créant la République du Sid Vietnam, etc. etc., pourquoi ne reconnaîtrait pas l’erreur de la création d’Israël qui n’a pas encore apporté la preuve de sa capacité à vivre en paix intérieure, dans l’égalité de tous ses citoyens, y compris les réfugiés et en pax avec ses voisins ?
Les représentants du Parti Communiste Français devraient opter pour le démantèlement du sionisme en Israël et le retour vers un État laïc multi ethnique, multicultuel, à l’image de ce qui s’est fait en Afrique du Sud.

Ce mardi, je n’ai pas pu traverser les Portes de l’Enfer et entrer à Gaza. Madame Rim, que je ne connais pas encore et qui est devenus mon ami téléphonique attend toujours son fourneau à pétrole. Ça y est, je l’ai acheté ce matin et je me balade partout avec.

Mais ce fut une journée riche. Chaleureuse. Il est deux heures du matin. Je n’ai pas pu expédier mon papier ce soir. La nuit sera courte et demain je vais retrouver mes compatriotes, amis d’infortune. Le copain du Monde en a assez ; il veut rentrer à Paris. C’est dommage : l’information est plus belle et plus vraie dans la diversité. Puis, on se fait des amis… En silence je dis bonsoir aux pauvres Palestiniens. Et à demain aux lecteurs français de ce feuilleton.



abdellah.ouahhabi@online.fr

Mercredi 21 Janvier 2009

Source : Alter Info

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