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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Gaza : Une diplomatie internationale complice du carnage - L’écrasement par Israël d’une population civile

Par

Le journaliste palestinien, Rami Almeghari, vit dans le camp de réfugiés de Al Maghazi, au centre de la bande de Gaza. Il collabore notamment avec le site états-unien Electronic Intifada

De Gaza, le journaliste palestinien Rami Almeghari, interviewé par la journaliste Silvia Cattori, exprime ici, après trois semaines de cruautés israéliennes, l’écœurement qu’il ressent, à l’égard de l’attitude des chefs d’Etats et de leurs diplomates vis-à-vis du drame vécu par la population civile assiégée.

Gaza : Une diplomatie internationale complice du carnage - L’écrasement par Israël d’une population civile


Jérusalem, dimanche 18 janvier. le criminel de guerre Olmert invite les participants au sommet de Charm-el-Sheikh à une petite sauterie entre complices (photos Le Post)

Silvia Cattori : Tzipi Livni a signé ce 16 janvier, avec Condolezza Rice, une trêve qui ressemble à un véritable piège pour Gaza !? Cela n’est-il pas porteur de nouveaux malheurs ?

Rami Almeghari : Ce qui se dit au-dehors sur notre réalité, pendant que le monde regarde Israël semer la mort et la terreur, sans réagir avec fermeté, m’a laissé écœuré et amer.

Mon cœur saigne devant cette agression odieuse, insupportable, et le maintien de ce blocus militaire qui fait souffrir notre peuple.

Pourquoi les grandes puissances ont-elles laissé Israël massacrer un peuple emprisonné et totalement démuni durant trois semaines ?Nous sommes des êtres humains. Pourquoi une pareille injustice est-elle acceptée ?

Je ne vous parle pas ici en journaliste, mais en simple personne humaine. Pourquoi une si immense injustice a-t-elle été infligée à des civils, à toute une nation ?

C’est terrible. Les politiciens du monde sont resté absents ; ils ont ainsi donné le feu vert à Israël, et ils décrivent Gaza comme si c’était un pays, un gouvernement. Ils ne viennent pas voir ce que Gaza est en réalité. Nous vivons dans des petits camps de réfugiés, dans de petites bicoques, des petits faubourgs, dans de petites villes.

Pourquoi tous ces politiciens qui soutiennent objectivement Israël et donnent, au-dehors, une image déformée de la réalité ne viennent-ils pas voir ici comment nous vivons, dans quelle insécurité, dans quel dénuement, dans quelle indigence ?

Nous vivons entassés sur une petite langue de terre qui ne fait que 40 kilomètres et les missiles pleuvent sur nous. Nous sommes intoxiqués par la pollution due à ces armes ; cela nous suffoque, atteint nos enfants dans leur santé. Où sont les écologistes du monde ? Les avez-vous entendus protester pour ce désastre écologique ?

Les Israéliens disent qu’ils vont arrêter le feu, mais le feu continue !Vous entendez-vous-même en ce moment les bombes, le bruit des explosions qui terrorisent nos enfants. Pourquoi infliger tant de persécutions à un peuple entier ?

Ce n’est pas une armée qu’ils bombardent. Toute maison est une cible potentielle pour leurs avions de guerre et leurs chars. Tout cela est si terrible, si révoltant. Tous ces gens qui ont été décimés par la pluie de bombes déversée sur nos têtes n’étaient pas des combattants. Plus de 80% des blessés et tués sont des civils ! C’est une absolue injustice que l’on nous inflige.

En Israël, les gens font toute une histoire au sujet des roquettes du Hamas. C’est de la désinformation. Il ne faut pas les croire ! Ces roquettes artisanales ne font que des dommages dérisoires. Elles ont fait 6 victimes israéliennes alors que les missiles israéliens ont tué pendant ce temps plus de 1’300 Palestiniens.

Quel genre de justice et de démocratie le monde prétend-il défendre ? Est-ce un traitement qui a quelque chose à voir avec la justice, celui que nous subissons ? C’est absolument injuste !

La couverture de cette guerre par nombre de médias internationaux me laisse aussi complètement écœuré. Le devoir de tout journaliste devrait être de se situer aux côtés de la victime. C’est le contraire qui se passe.

Ce que nous subissons en ce moment, au vu et au su du monde entier, est du jamais vu ; même pas lors de la seconde guerre mondiale. Dans quel genre de monde vivons-nous ? Où allons-nous ? Vers un monde de cruauté, le monde de la jungle ?

Pourquoi le monde entier se préoccupe-t-il uniquement de la sécurité d’Israël alors qu’il y a un peuple, ici, qui vit sous une très cruelle et brutale occupation et qui n’a aucune sécurité ? Le sang des civils est versé chaque jour en Palestine, des enfants sont tués chaque jour sous les yeux de leurs parents impuissants ; et qui s’en préoccupe ?

Chaque jour de l’année les soldats israéliens attaquent ce peuple et, maintenant, le monde entier se laisse convaincre que le problème ce sont ces roquettes artisanales inoffensives du Hamas qui seraient une menace pour Israël ! En ce moment toute la diplomatie se mobilise au sujet de faux problèmes - le soi-disant trafic d’armes - sous la pression de notre agresseur.

Avec tout ce dont nous souffrons déjà, nous devons maintenant entendre dire des choses très offensantes de la part de ces Etats occidentaux qui se disent prêts à envoyer des armes, des missiles, des navires de guerres, des troupes sur la frontière pour prévenir une soi-disant contrebande d’armes à Gaza.

Mais de quoi parlent-ils ? Gaza, est-ce un pays ? La France, l’Allemagne, la Grande Bretagne se disent prêts à venir surveiller les frontières. La minuscule bande de Gaza, est-elle un Etat pour dépêcher toute une armada ?

Tout cela est folie. Gaza n’est qu’un petit territoire, avec de pauvres gens, coupés du monde, laissés sans armes réelles et sans armée, qu’Israël peut exterminer à sa guise. Gaza, ce sont des pauvres gens qui attendent de pouvoir revenir chez eux et qui, en attendant, font ce qu’ils peuvent pour se tenir debout malgré les coups et les humiliations qu’Israël leur inflige.

Ce n’est pas vrai qu’il y a des armes iraniennes qui entrent ; c’est impossible. C’est de la désinformation qui sert la stratégie militaire d’Israël. Israël et l’Egypte maintiennent Gaza sous contrôle strict, tous les passages sont fermés. Gaza est bouclée. Les tunnels ont été un pis-aller pour la contrebande de marchandises, et ce qui entre est sous le contrôle de l’Egypte.


Silvia Cattori : Comment les Palestiniens pourront-ils se réconcilier avec ceux qui ont travaillé pour « l’autre côté » ? Tout indique qu’une faction du Fatah, Mahmoud Abbas, ses ambassadeurs, ont collaboré ouvertement avec Israël pour affaiblir le Hamas. Ils continuent d’avoir le beau rôle, sont présentés comme les « modérés » à qui l’Occident peut parler face aux « extrémistes ». N’ont-ils pas intérêt à ce que le Hamas sorte décimé de cette guerre féroce ?

Rami Almeghari : Mahmoud Abbas est dépassé, hors jeu. Il a été mis dans un coin, isolé par Israël et les Etats-Unis. Il a été piégé. Il a été installé par eux dans son fauteuil. Et maintenant ils le pressurent en même temps que le Hamas. Ils sont maintenant en train d’accentuer les divisions entre le Hamas et Abbas. Ils ont réussi, malheureusement. Avec l’aide de quelques partenaires arabes, comme celui qui a la plus grande base militaire US.

Il y a une contradiction dans la position des pays arabes, comme cela s’est vu dans le dernier sommet extraordinaire au Qatar. D’un côté ils ont des relations normales avec Israël ; d’un autre ils disent qu’ils soutiennent la résistance ; ce n’est pas vrai. Quand on dit aider la Palestine on doit tendre les bras à Gaza et libérer la Palestine. Pas avoir un pied de chaque côté. C’est une période extrêmement critique. Le devoir de ceux qui prétendent soutenir la cause palestinienne est de la soutenir sans aucune ambiguïté.

La guerre menée par Israël contre les Palestiniens n’est pas un jeu. C’est une vraie guerre contre une nation, contre tous les principes de justice. Elle a un impact catastrophique sur nous.


Silvia Cattori : Vous voulez dire que certaines forces qui prétendent vous aider travaillent en réalité à vous faire perdre ? Du reste, les déclarations de Bernard Kouchner, disant que la France ne parle pas au Hamas mais à Abbas, ou la rencontre de Tzipi Livni avec Condolezza Rice, ne démontrent-elles pas que les grandes puissances ne sont pas sorties de ce jeu pervers où Israël a le beau rôle ; où il peut étaler ses soutiens, dire qu’il a gagné cette guerre et que vous êtes seuls ?

Rami Almeghari : Vous avez raison, d’une certaine façon. Nous sommes isolés. Les grandes puissances européennes nous isolent par les punitions qu’elles nous imposent, en donnant raison à Israël, par leur lâcheté à notre égard. De nombreux pays montrent qu’ils ne sont pas avec le peuple palestinien, qu’ils se moquent bien de nous, qu’ils soutiennent Israël.

La cause palestinienne est très importante ; elle est aujourd’hui à un carrefour. Il est indispensable que les Palestiniens s’unissent pour définir une position commune face à ce monde qui veut les diviser.


Silvia Cattori : Ces derniers jours, j’ai pu observer les positions idéologiques de Leila Shahid et d’Elias Sambar, très sollicités par les médias. On comprend qu’ils ne seraient pas vraiment affectés par la mise hors jeu du Hamas. Ils ne condamnent pas Abbas quand il blâme le Hamas. De fait, on comprend qu’ils composent avec les Etats qui veulent préserver les acquis d’Israël. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Rami Almeghari : Le mandat d’Abbas est terminé depuis le 9 janvier. Il se conduit comme s’il était toujours le président d’un pays. Mais il ne dispose pas d’un pays. Maintenant, il devrait agir non pas comme s’il était Président mais comme un leader politique gravement préoccupé par les souffrances de son peuple, toutes tendances politiques confondues. Il devrait soutenir son peuple victime d’Israël. Il a échoué à le faire jusqu’ici. Il devrait se placer comme un leader qui combat l’occupation et le siège imposé à Gaza par Israël. Ce n’est pas le moment de condamner le Hamas. La guerre n’est pas menée par Israël contre le Hamas. Par son attitude Abbas participe à la guerre de propagande que mène l’agresseur israélien. Une propagande qui justifie la guerre d’Israël contre des civils à Gaza.

Abbas doit exercer des pressions sur ses partenaires arabes et occidentaux afin de forcer Israël à stopper immédiatement le massacre des Palestiniens. Je le répète. C’est une guerre contre les civils pas contre le « diable » que désigne Israël. Abbas doit insister auprès des Etats-Unis et de l’Union européenne pour revenir aux racines du conflit.

Croyez-moi, la situation ici est terrible. Nous sommes fatigués de tout ce à quoi nous assistons et qui se retourne sans arrêt contre notre peuple. Les gens ont besoin de savoir qu’ils ne sont pas isolés, qu’il y a dans le monde des êtres humains sincères qui les soutiennent, qui veulent vraiment les aider efficacement, qui veulent vraiment que leur aide puisse avoir un réel impact sur le terrain.


Silvia Cattori : Voyez-vous maintenant ce qui va suivre ? Est-ce le pessimisme qui prévaut ?

Rami Almeghari : Ce n’est pas une question d’optimisme ou de pessimisme. C’est une question de faits sur le terrain. Je suis optimiste par nature. Il ne s’agit pas de sentiments. Mais de faits, de choses qui sont en train de se dérouler sous nos yeux. Il y a en ce moment une grande manœuvre pour saper la cause palestinienne, et il y va de l’état de santé des gens, de la détresse des enfants, de leur survie. Toutes ces questions sont vitales. Nous sommes face à de grands dangers.

Propos recueillis le 17 janvier 2009.

Source : Mondialisation

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