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Hébron - 23 octobre 2004
Par Char
Et pour ces Palestiniens qui sont fatigués de lutter contre le cours des choses et qui veulent seulement que leurs gosses aillent à l'école, à l'université et qu’ils rentrent à la maison sans risque, peut-être pensent-ils qu’avoir un petit peu de liberté est mieux que pas du tout.
Et ainsi, ils sollicitent des permis, prennent ce qu'ils peuvent obtenir et remercient Dieu chaque jour d’être vivants
Je suis à Hebron maintenant et j’ai l’intention de rester ici pendant mes deux derniers mois. Nous travaillons sur des projets afin de gêner la construction du Mur d'Annexion le long de son tracé sud. Les villageois du Sud ont peu d'expérience concernant la résistance civile de masse et ont évidemment peur des conséquences inévitables, telles que la mort, les blessures et les arrestations.
La semaine dernière nous avons été invités par quelques fermiers à une manifestation dans un petit village qui va perdre des milliers de m2 de terre et des milliers d'oliviers (par la construction du mur et la perte effective de terres qui se retrouveront de l'autre côté du mur).
Ainsi nous avons mobilisé un certain nombre d'internationaux et d'Israéliens, seulement pour constater que la majeure partie du village avait trop peur de participer. C'était énormement décevant pour les organisateurs et pour nous, mais naturellement nous comprenons.
Le désespoir et l'obéissance sont peut-être les deux côtés d’une même pièce.
L'obéissance est une règle de l’occupation. Le gouvernement israélien et son armée menacent les Palestiniens de la même manière qu’un propriétaire sans coeur traiterait son chien.
Il y a quelque temps, je voyageais dans un taxi partagé de Bethlehem à Ramallah quand nous sommes tombés sur un 'checkpoint provisoire '- c’est à dire une ou deux jeeps qui arrêtent les véhicules palestiniens et 'vérifient' les papiers d’identité des personnes à l’intérieur.
Quand nous sommes arrivés, notre taxi était environ le vingtième de la file d'attente. Je me suis endormi (c’était tôt le matin). Je me suis réveillé quand j'ai senti que des gens revenaient dans le van, ce qui signifiait que nous approchions de l'avant de la file d'attente.
Les soldats avaient tracé une ligne derrière laquelle les voitures devaient rester, laissant un espace de 20 à 30 mètres entre la jeep et la ligne.
Alors que la voiture devant nous avançait vers la jeep, notre conducteur a dépassé la ligne d’une cinquantaire de centimètres. Les soldats lui ont signalé de retourner à l’arrière de la file d'attente.
Il y avait facilement vingt ou trente véhicules dans la file d'attente. J’étais furieux. Le conducteur était embarrassé et a clairement pensé qu'il devait nous laisser partir. Nous sommes sortis et avons marché. Heureusement, il est parvenu à se glisser cinq voitures en arrière. J'ai détesté les soldats pour avoir fait cela, mais comme les Palestiniens, j'ai dû encore être poli et obéissant quand ils ont vérifié mon passeport.
De même, la semaine dernière à Hébron, alors que j'entrais dans la vieille ville, je suis tombé sur un 'checkpoint' où environ six femmes avec deux enfants et un jeune homme étaient retenus. Quand je leur ai parlé, j'ai découvert qu'ils étaient détenus depuis environ une demi-heure.
Un soldat a dit au jeune homme de ne pas me parler. Il est alors venu et a séparé les femmes le long d'un mur, leur ordonnant de rester silencieuses et de ne pas parler entre elles. C’était comme une scène d'une école primaire.
Une école primaire dirigée par des soldats âgés de 19 ans.
Attendre la permission de marcher dans la rue, de conduire sur une route, de cueillir les olives sur votre terrain, de visiter Jérusalem, de voyager à l'étranger, cela fait partie de la vie des Palestiniens.
Le gouvernement israélien (depuis longtemps avant Sharon) a mis en place un tissu de permis qui contrôle totalement les déplacements des Palestiniens.
Le système de permis avec les plus de 200 checkpoints et barrages routiers* a complètement stoppé l'économie palestinienne.
Les produits agricoles ne peuvent tout simplement pas être transportés en Palestine ou à l'extérieur.
Par conséquent dans la plupart des cités et des villes, les produits sur les marchés proviennent d'Israël, parce que les camions israéliens sont autorisés à utiliser les routes qui sont fermées aux Palestiniens.
Après avoir boycotté religieusement les produits israéliens dans mon pays, je suis maintenant forcé de soutenir l'économie israélienne alors que je suis en Palestine.
C'est une ironie qui n’a pas échappé aux pacifistes internationaux qui viennent ici.
La construction du Mur d'Annexion a apporté une nouvelle couche à l’ensemble de la toile de contrôle, puisque les fermiers doivent solliciter des permis pour traverser le Mur, par le biais d'une porte, afin d’accéder à leurs terres de l'autre côté.
Bien sûr, de nombreux détenteurs de permis sont arrivés à une porte pour s’entendre dire par un soldat qu'en fait il n’était pas autorisé à passer, ou au moins pas aujourd'hui, ou pas après 9h, ou toute autre raison d’une longue liste de restrictions arbitraires.
Ce qui est le pire, c’est que seul le propriétaire de la terre, c.-à-d., l'homme dont le nom est écrit sur l’acte de propriété, peut recevoir un permis d'accès à la terre. Ainsi s'il a 90 ans, selon la Loi de l’Occupation israélienne, il ne peut pas solliciter une permis pour que ses fils puissent cueillir les olives de la famille.
Même avec la force d’un homme de 35 ans, un homme ne peut pas cueillir les olives tout seul.
Tout ISMer pourrait vous dire que la cueillette des olives demande une équipe de cueilleurs, qui rassemblent les feuilles, des bâtons et des échelles, de beaucoup de thé sucré, et bien sûr un âne.
C'est un travail pour une famille entière, et sans tenir compte du besoin économique des olives, la cueillette est un évènement culturel considérablement agréable pour les familles palestiniennes.
Mais ce n'est pas simplement une attaque culturelle contre la société palestinienne.
Comme toujours, il y a un judicieux enjeu politique judicieux. Selon des lois datant de l’Occupation Ottomane de la Palestine (le gouvernement israélien les incorpore à son propre système juridique quand ça l’arrange), une terre qui est inexploitée pendant deux années tombe entre les mains de l'Etat.
Naturellement l'Etat d'Israël n'a probablement pas besoin de se référer à de telles lois, il peut tout simplement annexer la terre sans justification. Après avoir ignoré d’innombrables résolutions de l'ONU concernant l'illégalité des colonies et la décision de La Haye sur l'illégalité du mur, il ne va pas commencer à prêter attention aux décisions de Lois.
Aussi, pourquoi s’embêter avec des permis ?
Peut-être que le gouvernement israélien suppute qu'il y a moins de probabilité à un soulèvement national massif si les gens sont parfois autorisés à aller sur leurs terres et autorisés parfois à conduire sur une route.
S’il ne donne rien à la population, elle se révoltera, mais s’il donne à la population juste assez pour vivre et qu’il la tente avec de petites possibilités, sa volonté à se révolter sera diminuée et distraite.
Et pour ces Palestiniens qui sont fatigués de lutter contre le cours des choses et qui veulent seulement que leurs gosses aillent à l'école, à l'université et qu’ils rentrent à la maison sans risque, peut-être pensent-ils qu’avoir un petit peu de liberté est mieux que pas du tout.
Et ainsi, ils sollicitent des permis, prennent ce qu'ils peuvent obtenir et remercient Dieu chaque jour d’être vivants. Et si j'étais Palestinien et non Irlandais, peut-être serais-je religieux et non athée – parce que souffrir pendant cette vie et n’avoir rien à espérer ensuite serait trop injuste pour l'estomac.
*Un barrage routier peut prendre la forme d'une barrière en béton en travers d’une route, ou un monticule de terre après que des bulldozers de l’armée (Caterpillar) aient creusé la route, rendant la route infranchissable.
Ces routes sont situées entre les villes ou les villages palestiniens, pas entre la Palestine et Israël. Elles servent à perturber totalement les déplacements des Palestiniens et sont habituellement la raison pour laquelle un voyage de 10 minutes en voiture peut prendre des heures.
Mais naturellement c'est pour la sécurité.
Source : www.palsolidarity.org/
Traduction : MG pour ISM-France
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