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Hébron - 22 mars 2005
Par Bella
Nous essayons d’avoir ici quatre personnes en permanence, pour que deux personnes puissent accompagner les bergers de l’autre côté de la vallée si on les attaque. Mais pour l’instant le nombre de militants de l’ISM est vraiment juste.
Je suis assise dans un petit bâtiment et la fumée d’un feu installé sur un morceau de boîte en fer m’entre dans les yeux. Ce feu a été allumé pour moi et L., pour que nous nous séchions après notre marche sous la pluie entre ici et Qawawis.
Je suis enveloppée dans un manteau de berger qui est lourd et qui ressemble à une cape doublée de laine de mouton. C’est tellement confortable que j’espère que son propriétaire ne rentrera pas d’ici quelques jour. L. dit qu’il se sent dans la sienne comme un petit enfant dans les vêtements d’un adulte parce que les manches dépassent ses mains.
L’un des vieux bergers fait du thé, il mesure un couvercle de théière de sucre pour la théière. Je pense que nous fonctionnons à un taux de sucre élevé, tout le temps, dans ce pays – en tout cas, avec le thé qu’on vous offre à la moindre occasion, vouloir diminuer le taux de sucre ne risque pas de marcher !
Nous prenons la suite de deux autres copains qui sont restés ici deux nuits. Ils doivent retourner à l’appartement de l’ISM à Hébron, parce que les Forces Israéliennes de Défense ont défoncé la porte à coups de pied, l’autre jour quand elles ont perquisitionné la maison (apparemment nous devrions être reconnaissants parce que les autres portes, ils les ont simplement fait exploser) et les voisins nous disent qu’ils les ont vu emporter un sac qui ressemblait à l’un des nôtres.
Les deux autres nous disent que les Nations Unies sont passées hier et ont dit que nous faisions du bon boulot – que nous sommes un « filet de sécurité » pour les familles qui composent ce petit village.
Cette maison est en fait la seule du village parce que les autres, ce sont des grottes, dans lesquelles ont pénètre par des portes à flanc des collines, qui me rappellent des terriers de lapins. Le village s’est vidé depuis quelque temps parce que c’était trop effrayant de vivre ici, à la merci des colons d’à côté et les bergers et leurs familles ont accepté d’être évacués par l’armée israélienne.
Mais maintenant, puisque leur droit de résider ici a été légalement confirmé par la Cour Israélienne, les villageois ont demandé à l’ISM si nous pouvions rester vingt jours avec eux, le temps qu’ils remettent les grottes en ordre et les remettent à neuf, et ensuite ils y reviendront tous en même temps, confiants dans le fait qu’ils reviendront pour leur sécurité et en confiance, se fiant aussi à la police et à l’armée israéliennes pour faire respecter leur droit à leur foyers.
Cette après-midi quatre personnes de la Croix Rouge Internationale sont passées, deux d’entre elles sont des expatriés palestiniens et ont enregistré des récits exemplaires de ce qu’ont été les harcèlement des colons ici. L’incident le plus récent a eu lieu il y a deux jours, quand deux colons sont arrivés au moment où les bergers allumaient le feu du soir.
Malheureusement les deux membres de l’ISM étaient dans le village voisin en train de charger leur téléphone.
Les colons ont dit aux bergers "retournez à Yatta, retournez à Yatta. Ce sera mieux pour vous si vous retournez à Yatta" (Les villageois habitent Yatta depuis que l’armée israélienne les a évacués de chez eux).
Les bergers ont expliqué à l’IRC que leurs menaces étaient difficilement acceptables. Mais que leurs grands-pères étaient nés dans ces grottes et que leurs familles étaient très désireuses d’y retourner.
Ils nous ont raconté l’un des évènements qui illustrent à quel point la vie quotidienne était difficile avant qu’ils aient évacué leur village. C’était une nuit, et les familles étaient trop terrorisées pour allumer des lumières qui auraient risqué d’attirer l’attention des colons (qui généralement arrivent armés de couteaux et de fusils).
Dans le noir, le berger qui racontait cette histoire, avait donné une bouteille à son fils de trois ans qui réclamait de l’eau. Mais, comme il ne voyait rien, il lui avait donné accidentellement une bouteille de paraffine.
Le petit garçon a été très malade, et son père est allé à l’entrée de la grotte (la plus grande distance qu’il pouvait parcourir sans danger) pour accéder à un téléphone et appeler l’hôpital ; Il expliqua à l’hôpital qu’il était plus dangereux pour le petit garçon d’être emmené en pleine nuit (parce que les colons patrouillaient dans la région) que de rester chez lui pour que la famille essaie de le soigner. Aussi l’hôpital lui avait donné des instructions, et au matin, l’enfant était remis. Il a maintenant cinq ans.
Les trois vieux bergers qui sont ici des personnages éternels, sont très attachés à leurs jumelles. Il y en a toujours un dehors à observer les collines entre les deux tours des avant-postes de la colonie qui menacent la vallée, une de chaque côté de l’horizon face à nous.
Dans la journée, on peut voir les caravanes des colons qui forment ces palissades modernes qui mordent sur morceau de terre de plus, et la nuit les avant-postes sont signalés avec des lumières violentes et éblouissantes dans le noir.
L’observation de silhouettes distantes réclame que tous les trois nous nous relayons, en se passant les jumelles les uns aux autres pour comprendre si les taches mouvantes sont des Palestiniens ou des colons sur le sentier de la guerre.
J’ignore ce qu’ils feront si les colons viennent, mais ils vivent dans cette peur en permanence.
Ayant dit ça, il est clair pour nous qu’eux et les très jeunes hommes qui passent de plus en plus de temps, chaque jour ici reprennent confiance, ce qui est je crois une sorte de mélange entre la conscience d’être de nouveau sur leur terre et de nous avoir avec eux. La nuit dernière, quand nos voix s’élevaient beaucoup plus haut que dans une conversation ordinaire, l’un des hommes âgés a dit qu’il craignait que les colons puissent nous entendre et ne débarquent.
Cette nuit les jeunes hommes qui ont étudié l’anglais sont restés tard avec nous, échangeant des paroles et surveillant une partie de backgammon, et nous riions tous et les hommes âgés souriaient.
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : CS pour ISM
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