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Naplouse - 27 février 2004
Par Zeiad
Pourquoi les soldats ne veulent-ils pas que soient prises des photos de ce qu'ils font à Tell ?
Pourquoi les militaires israéliens peuvent-ils prendre des terres selon leur gré ?
Pourquoi ont-ils besoin d’établir plus d'installations dans une région qui est déjà fortement militarisée ?
Pourquoi est-ce qu'on ne permet pas aux ambulances d'entrer dans le village ?
Pourquoi est-ce les Palestiniens qu’on appelle les terroristes ?
Depuis notre dernier reportage, il y a eu 2 incursions militaires israéliennes dans le camp de réfugiés de Balata et 3 dans le village de Tell.
Hier, une délégation de l'ISM a rencontré une nouvelle fois le maire Abu Faruk qui a demandé la venue de volontaires internationaux dans le village.
"Nous avons beaucoup de problèmes, non seulement avec la saisie de 2 dunums sur la colline à l'ouest de Tell, mais également avec des problèmes quotidiens depuis deux ans. Les gens ne peuvent pas emmener leurs produits à Naplouse et il n'y a aucune aide médicale dans le village, les gens ne peuvent obtenir aucune aide médicale la nuit.
Il y a également les points de contrôle qui rendent le voyage difficile. C'est notre problème, et c'est pareil pour les gens d’Irak Burin et de Sar'ra, " explique le maire.
Alors que nous parlions des difficultés qu’affronte le village, quelqu'un a repéré un Humvee vert olive des Forces de l’Occupation Israélienne en haut de la route principale. Discrètement, nous essayons d'enregistrer l'incursion en prenant des photos et en enregistrant un film vidéo.
Quelques secondes plus tard, nous avons été soudainement assaillis par des soldats israéliens armés qui sont entrés dans les bureaux du maire et ont exigé que nous effacions la vidéo qui avait été prise.
Ils ont exigé de voir nos accréditations de presse et une fois présentées, ils ont exigé que les images soient supprimées. Notre groupe s’y est conformé à contrecoeur.
Après avoir exécuté cet acte si subtil de censure, les soldats sont retournés à leur Humvee et ont poursuivi leur véritable 'mission' dans le village.
Il n'y a aucune autre raison valable à l'incursion que celle de terroriser les habitants de Tell en jetant du gaz lacrymogène de façon discriminatoire accompagné de quelques rafales d’armes automatiques et du lancement de grenades assourdissantes dans les nombreuses ruelles du village et sur les parcelles de terres agricoles.
Le manque de menace militaire organisée envers les soldats est démontré par le fait qu'ils se sentent assez confiants pour patrouiller les rues à pied. De temps en temps, ils sautent dans le Humvee qui les emmène vers une autre partie du village où ils renouvellent leur exercice de terreur. Cela a duré pendant environ 30 à 45 minutes.
Pendant l'incursion, un des soldats a tenté d'arrêter un ISMer simplement parce qu’il a essayé de les empêcher de tirer sur les enfants du village.
"Vous voulez mourir ?" a grogné un soldat, de façon menaçante, en pointant son arme sur le volontaire non-armé de l’ISM. La question est évidemment éloquente quand celui qui pose la question possède une arme mortelle.
Bientôt les shebabs apparaissent et le soldat est distrait par des appels venant du Humvee. Il est retourné vers le véhicule qui a, alors, quitté le village, retournant à la base militaire sur la lisière orientale de Tell. Plus tard, on nous a rapporté que de telles incursions sont une habitude à Tell.
Le siège de Tell est semblable à la situation générale dans la plupart des villages palestiniens.
Takuya, l’un des membres de l’ISM qui est actuellement à Balata et qui s’est déplacé à pied avec une délégation japonaise de Jénine à Hebron en 11 jours l'été fernier afin de rassembler des témoignages sur l’occupation, nous a indiqué que presque chaque village qu'il a visité avait des histoires similaires à raconter.
"Tous les villages étaient bloqués par des barrages routiers ou des monticules de terre," se rappelle-t’il.
Autour de Naplouse seulement, la situation est la même pour les villages au Nord comme Der Sharaf, Beit Iba, Assira, et ceux de l'Est comme Salim, Beit Furik et Beit Adjan.
Il y a une frustration palpable dans ces villages qui devient de plus en plus évidente à chaque jour qui passe.
Les étudiants de Sar'ra parlent de la possibilité d'organiser une manifestation au principal checkpoint les reliant à Naplouse, étant donné le harcèlement accru dont ils font l’objet à ces points de contrôle.
A Beit Furik, les activistes locaux parlent d’enlever les barrages routiers en débarrassant la ville des innombrables monticules de terre qui enferment les habitants de tous côtés. A Assira, ils veulent faire la même chose.
Et puis, bien sûr, il y a Tell, où les villageois recherchent maintenant des façons de défier les nouveaux ordres militaires de saisie des terres sur la colline de Tell. Il y a un mélange de scepticisme parmi certains. Les autres pensent, avec une dose d'optimisme, que quelque chose peut être fait, inspirés par l'exemple d’endroits comme Budrus.
Avant de rentrer à la maison, nous avons décidé de faire un tour dans le village et de nous assurer que les Forces de l’Occupation Israélienne ne reviendront pas en plus grand nombre pour effectuer des arrestations.
Dans un magasin de kebab nous parlons avec un groupe de jeunes hommes qui se sont réunis autour de nous, curieux de parler avec des internationaux et appréciant ainsi de rompre avec la routine quotidienne. H, un étudiant âgé de 22 ans qui vit à Tell mais étudie à l'université d'An-Najah à Naplouse, explique pourquoi il est important de résister :
"Ils disent qu'ils prennent cette terre seulement 'temporairement' mais ils peuvent installer une colonie ici,"
La base militaire se situe à 1km du nouveau site qui se prête à la spéculation. Il continue, "Si nous ne nous opposons pas à ce qui se passe, ils prendront 2 autres dunums, puis peut-être 20, puis peut-être 200 et alors il ne nous restera plus rien. C'est comme cela que font les militaires."
Alors que nous buvons le café qui nous est offert, les hommes posent beaucoup de questions que notre groupe abordera plus tard dans la nuit :
Pourquoi les soldats ne veulent-ils pas que soient prises des photos de ce qu'ils font à Tell ?
Pourquoi les militaires israéliens peuvent-ils prendre des terres selon leur gré ?
Pourquoi ont-ils besoin d’établir plus d'installations dans une région qui est déjà fortement militarisée ?
Pourquoi est-ce qu'on ne permet pas aux ambulances d'entrer dans le village ?
Pourquoi est-ce les Palestiniens qu’on appelle les terroristes ?
Pourquoi le monde continue-t-il d’être silencieux face aux litanies quotidiennes des abus et des injustices envers les droits de l'homme ?
Nous allons nous coucher avec peu de réponses nous-mêmes, mais avec une plus grande détermination de diffuser l’information et de tendre la main à la détermination croissante dans les villages pour en finir avec cette situation intolérable.
Source : ISM - Naplouse
Traduction : MG
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