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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Tragique mais pas assez pour en parler

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Aujourd'hui, j'ai rendu visite à mon ami Dawud à Kufr ‘Ain pour la première fois depuis qu'il a perdu son bébé âgé de six mois au checkpoint d'Atara.
C'était à vous fendre le cœur d'entendre les détails de l'histoire d'un homme qui, il y a seulement un mois me demandait quand je viendrais rendre visite sa famille pour le plaisir, et non pas seulement prendre son témoignage. Il disait qu'il y avait plus en Palestine que des histoires tristes.
Mais aujourd'hui, nous avions tous du chagrin.

Nous avons regardé en silence une vidéo de l'enterrement, et nous avons vu la mère de Dawud s'effondrer et dire qu'elle ne pourrait plus le prendre dans ses bras. Elle a déjà perdu deux fils pour des causes naturelles, mais à part de l'asthme modéré et traitable, Khalid avait été petit un garçon heureux, en bonne santé et potelé.

La dernière fois que j'étais allée à Kufr Ain, c'était pour prendre les témoignages de plusieurs familles au sujet des invasions nocturnes de l'armée. Une fille de 14 ans m'avait expliqué comment les soldats l'avaient réveillée, ainsi que sa mère et ses cinq plus jeunes frères et soeurs (son père travaille aux Etats-Unis) au beau milieu de la nuit avec des bombes assourdissantes, et comment ils les avaient forcés à sortir en pyjama sans chaussures et avaient isolé la jeune fille pour l'interroger avant d'enfermer la mère et les enfants dans la salle de séjour pendant qu'ils saccageaient la maison.
Elle a expliqué que les soldats avaient fait sauter des explosifs dans sa chambre et dans le puits de la famille.


Une autre famille m'a raconté qu'ils avaient été réveillés par des bombes assourdissantes. Ils s'étaient précipités dehors dans le froid, et ensuite les jeunes hommes ont été déshabillés, menottés, et ils ont du s'allonger sur la pelouse devant la maison avant d'être emmenés dans la salle de séjour d'un voisin pour être interrogés. Pendant ce temps, les soldats avaient enfermé la famille du voisin dans leurs chambres avec les lumières éteintes et mis en garde contre tout bruit ou mouvement.

Il y avait d'autres histoires. Beaucoup trop, en fait. Par la suite j'ai dû cesser de prendre les témoignages, en partie parce que je devais aller quelque part, mais plus parce que pendant que j'enregistrais les histoires, j'ai eu un sentiment d'angoisse que les incursions étaient simplement trop communes, trop quelconques pour attirer l'attention des gens. Ce ne serait pas un rapport sur les droits de l'homme auquel donnerait suite une organisation juridique ou humanitaire.

Les vastes opérations à Naplouse ou à Ramallah font les gros titres, mais les incursions dans de nombreux petits villages de la Cisjordanie font juste partie de la vie quotidienne. Par exemple, au cours de ces deux derniers mois, l'armée est venue chaque nuit dans le village de Marda, en tirant des bombes assourdissantes, elle a arrêté des hommes et enlevé des garçons. Ils volent les papiers d'identité et refusent de les rendre jusqu'à ce que les propriétaires donnent les noms des enfants dans le village qui mettent des pierres sur la route pour colons qui traverse Marda.

Ils ferment spontanément totalement le village, empêchant les habitants dy 'entrer et les visiteurs d'en partir. Il y a deux semaines, des soldats sont entrés de force dans la maison d'une famille qui a trois fils. Ahmad, 19 ans, qui révisait pour un examen d'anglais le lendemain quand il a entendu les soldats à l'extérieur, m'a raconté son histoire.

"J'ai laissé mes livres pour aller voir ce qu'il se passait. Il y avait environ 14 soldats qui cernaient ma maison et trois jeeps. Les soldats donnaient des coups de pied dans la porte d'entrée et lançaient des bombes assourdissantest. Quand les soldats m'ont vu, ils m'ont empoigné et ont commencé à me frapper.
Mes parents et mon frère Qutaiba - il n'a que 13 ans – ont tenté d'intervenir mais les soldats ont poussé à terre ma mère et mon père et ils ont frappé Qutaiba à la poitrine.
Chaque fois que mon petit frère tentait de se relever, ils le frappaient encore au ventre et ma mère a commencé à leur hurler de s'arrêter. Il semblait qu'à chaque fois qu'elle hurlait, ils la frappaient encore. Soudain, ma mère a commencé à pleurer et j'ai vu que deux soldats couvraient de leurs mains le visage de Qutaiba de sorte qu'il ne puisse pas respirer, ils l'étouffaient et son visage commençait à devenir rouge. Ensuite, ils lui ont permis de respirer."

J"ai demandé à Qutaiba ce qui était arrivé ensuite.

"Les soldats nous ont bandé les yeux et nous ont menottés, moi et Ahmad et ils nous ont emmenés dans des leurs jeeps à l'entrée de notre village. Ils m'ont traîné hors de la jeep en levant mes mains attachées derrière mon dos, ce qui m'a fait mal aux épaules. Plusieurs soldats m'ont frappé avec leurs poings, des matraques et leurs armes, et ils ont ensuite commencé à me poser des questions sur qui étaient les garçons du village qui jetaient des pierres. Je leur ai dit que j'avais froid et que j'étais malade, et un soldat a dit que ce n'était rien ; il me punirait jusqu'à ce que je meure.
Ils ont pris ma casquette et ont commencé à la jeter par-dessus ma tête, en riant et en se moquant de moi. Au bout d'une demi-heure, ils en ont eu marre et ils m'ont laissé rentrer à pied à la maison.
Ils sont partis avec mon frère toujours dans la jeep, les yeux bandés et menotté."


Ahmad a continué son histoire quand Qutaiba a eu terminé : "C'était terrible d'entendre mon petit frère se faire frapper, et j'étais presque content quand nous avons démarré. Les soldats m'ont emmené au commissariat de police d'Ariel, où ils m'ont frappé sur tout le corps pendant plusieurs heures, en particulier à la tête et aux tempes. J'avais toujours les yeux bandés et je ne pouvais pas anticiper d'où viendrait le prochain coup. C'était très effrayant. Un soldat a mis sa botte dans la bouche. J'ai demandé au commandant de l'eau et il m'a répondu d'"aller en 'enfer"

Soudain, l'un d'entre eux m'a donné un coup de pied très fort dans l'aine et tout est devenu noir. Ce dont je me souviens ensuite, c'est qu'ils éclaboussaient mon visage avec de l'eau froide, et quand ils ont vu que je me réveillais, ils ont recommencé à me frapper, en m'accusant de jeter des pierres, de détruire les voitures de colons et d'être un membre du Hamas. Au bout de quatre heures, ils m'ont finalement laissé partir et je suis rentré à pied à la maison.


Puis, Rasmi, le père d'Ahmad intervient : "Quand mon fils est rentré à la maison vers 1h du matin, on aurait dit qu'il avait pris une douche de sang. Il devait aller à l'école le lendemain, mais son professeur anglais l'a laissé repousser l'examen.
J'enseigne à mes enfants des bonnes valeurs, respecter les autres et ne jamais utiliser la violence. Mais comment peuvent-ils continuer à être pacifiques quand ils sont constamment entourés et tellement menacés par brutalité ? Je voudrais vivre en paix avec les Juifs.
Ils construisent leur état, et nous construisons le nôtre. Ils prennent soin de leurs enfants, et je prends soin des miens.
J'ai habité à Chicago pendant 15 ans. Je sais qu'en Amérique, c'est un crime que de frapper ses enfants. Ici, les soldats peuvent frapper les enfants des autres et personne ne dit rien !
Mais même s'ils tuent mes enfants, je ne tuerai pas les leurs. Ce sont mes valeurs, ce que mes parents m'ont enseigné et ce que j'enseigne à mes enfants.


Pendant que Rasmi parlait, une voiture est passée devant la maison et la famille entière a bondi. Ils ont ri nerveusement quand ils ont réalisé que ce n'était qu'un voisin.

Rasmi a indiqué que les soldats étaient revenus trois jours plus tard et qu'ils ont encore emmené Ahmad, cette fois avec son frère aîné, Samiah. Ils leur ont bandés les yeux et les ont menottés, et ils les ont emmenés dans un entrepôt abandonné, à l'écart de la grand route. Ahmad était encore fragile de ses dernières blessures à la tête, mais les soldats l'ont encore frappé ainsi que son frère, d'abord en silence, puis en les maudissant et en les accusant de cacher des armes.

Quand il s'est mis à pleuvoir, les soldats ont sorti les jeunes hommes à l'extérieur, ils leur ont enlevé leurs vestes, et ont recommencé à les frapper. Plus tard, ils ont laissé les garçons partir, après avoir volé l'argent dans le portefeuille de Samiah, 70 dinars jordaniens et 60 shekels israéliens.
Ceci en plus des 400 shekels qu'ils ont volés de la maison la première fois, ils nous ont pris en tout plus de 200 dollars (pour ne pas mentionner les CD et les jouets qu'ils ont cassés quand ils ont fouillé la maison).
Ils ont également pris les papiers de l'université qui étaient dans le portefeuille de Samiah.

Bien que les villageois de Marda nous appellent plus que les autres, la situation de Marda est loin d'unique.

La plupart des gens du village se sont seulement confiés à nous. Nous avons récemment rencontré une grand-mère de 56 ans, Hilwe, qui a été blessée au visage il y a trois semaines par des soldats qui se cachaient dans un coin de son village, Qarawat Bani Hassan.
Une balle en métal recouvert de caoutchouc (ne vous laissez pas duper par le nom ; les balles de caoutchouc peuvent tuer et tuent) a frôlé son visage, en arrachant une partie de sa narine droite, la défigurant et elle a eu besoin de 20 points de suture.

J'ai demandé à Hilwe ce que les soldats faisaient dans son village et elle a gesticulé : "Ils viennent tous les jours. Il ne font rien de spécial."
J'ai demandé pourquoi personne n'avait appelé l'IWPS pour répondre aux incursions et le frère de Hilwe a répondu franchement : "Qu'allez-vous faire, enregistrer un rapport ?"

Nous avons encouragé la famille de Qarawat à nous appeler plus souvent, mais je ne les blâmerai pas s'ils ne le font pas. Aidons-nous réellement quand nous écrivons ces rapports que les politiciens et même la plupart des activistes ne liront jamais ?

Ne donnons-nous pas de faux espoirs en forçant les familles à revivre des épisodes douloureux qu'elles oublieraient plus vite ?

Le mieux que nous puissions faire, c'est d'offrir nos services et d'être honnêtes sur ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire. Nous ne pouvons pas amener des criminels devant la justice; nous ne pouvons pas faire sortir de prison les hommes innocents; nous ne pouvons pas empêcher les soldats d'envahir les villages, ou les colons de voler la terre. Tout que nous pouvons faire, c'est d'écrire et de sembler sympathique, et de rappeller de temps en temps aux soldats que nous les observons.

Même notre village semble nous oublier. Les jeeps viennent toujours, mais personne n'appelle. Hier j'ai appris par hasard par un ami qu'un garçon de Haris avait été enlevé par des soldats parce qu'il portait trop de vert kaki.

Ils ont dit que cette couleur était pour l'armée. Les soldats l'ont conduit sur une route tranquille entre notre village et Kifl Haris, ils lui ont fait enlever tous ses vêtements verts (tout sauf ses sous-vêtements), et l'ont laissé à moitié-nu pour faire du stop afin de rentrer. Il s'est caché derrière les oliviers jusqu'à ce qu'une voiture ait pitié de lui et lui amène des vêtements.


Comme les histoires d'Ahmad et de Hilwe, l'histoire du garçon de Haris ne fera jamais les gros titres. Mais il y aura toujours des histoires qui sortiront.

Le célèbre journaliste de Haaretz, Gideon Levy, a récemment donné suite à deux de nos récents rapports : Le bébé de Dawud et le bouclier humain de 11 ans.

Ce dernier témoignage a été repris par le New York Times et d'autres médias traditionnels, et l'armée israélienne a officiellement déclaré qu'elle avait l'intention d'examiner les accusation de boucliers humains (pendant ce temps, d'autres soldats et le porte-parole de l'armée ont déclaré qu'en fait "l'invasion avait plutôt été ennuyeuse, nous avons à peine ressenti de l'action."

Ce sont les voix courageuses d'Israéliens comme Levy qui me donnent le plus d'espoir pour un changement de la société israélienne. Je suis restée stoïque par les dizaines dde rapports de droits de l'homme ces dernières semaines et ces derniers mois, mais je me suis finalement effondrée quand j'ai appris que nous avions perdu l'une de ces voix courageuses.

Le 17 mars, le linguiste israélien et l'activiste politique Tanya Reinhart est morte d'une attaque à New York City.
Tanya était un défenseur inébranlable des droits de l'homme, profondément dévouée dans l'expositio à ses camarades Israéliens et au monde les crimes de son gouvernement contre les Palestiniens.

Tanya a écrit les livres extraordinaires (Y compris Israël/Palestine, que j'ai vendu) et des articles, mais elle a également passé du temps sur les lignes de front du mouvement ici en Palestine.

Dans notre dernière correspondance, Tanya admettait honteusement qu'elle quittait finalement Israël parce qu'elle ne pouvait plus supporter de rester après les bombardements de l'été par son son pays sur Gaza et le Liban.

Elle avait ensuite quitté l'Université de Tel Aviv après que ses employeurs lui "aient rendu la vie impossible" comme punition pour sa franchise politique. Ca fait mal d'entendre un activiste aussi extraordinaire s'excuser de ne pas en avoir assez fait : elle avait fait plus que n'importe lequel d'entre nous pourra jamais espérer.

Les braves voix israéliennes continuent d'être visées : Selon le Jérusalem Post, l'historien Ilan Pappe a récemment annoncé son projet de quitter Israël pour le Royaume Uni en raison de ses "opinions et convictions fâcheuses" - Pappe a fait de vastes recherches sur les expulsions des Palestiniens en 1948 expulsions – ce qui a rendu "de plus en plus difficile pour lui de vivre en Israël.'

Pourtant le mouvement de résistance en Israël se développe plus que jamais. Et tandis que certaines histoires ne seront jamais racontées, d'autres sortiront toujours, même si cela prend encore soixante ans.

La seule chose qui soit plus difficile que de dire la vérité, c'est de dissimuler indéfiniment la vérité. Israël lutte en pure perte.

La réalité de l'agression historique et actuelle et du nettoyage ethnique de la Palestine par Israël ne pourra pas restée cachée pour toujours.

Source : http://www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM

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8 avril 2007