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Jénine -

Un danger mortel étrangle des villages

Par

Cet article est paru le 10 mars 2004 sur Palestine Report

"J’ai rendu visite à ma famille qui habite de l’autre côté le jour de l’Aïd (fête musulmane)," raconte Wasfi Badarnah, 70 ans, instituteur en retraite. "Nous avons échangé des salutations, nous sommes demandés des nouvelles de la santé et nous avons bavardé à travers les barbelés. Ca m’a rappelé 1951, où j’ai rendu visite à ma famille à Um Al Fahm, après son annexion à Israël. Qu’est-ce qui nous arrive ?"

Un danger mortel étrangle des villages

La Barrière et la route de l’armée israélienne forment une partie de la barrière de séparation près de la ville de Jénine.
Photo : Reuters



Un vent froid et sec giflait le visage des gens qui attendaient de traverser le check point militaire israélien sous une tour de guet pour entrer dans le village assiégé d’Um Rihan à la bordure nord-ouest de la Cisjordanie .

Jamil Zeid, 30 ans, à l’avant de la queue, attendait que le soldat en tenue de combat imperméable lui fasse signe d’avancer pour subir une inspection.

« Ce mur, et les fouilles, ont rendu nos vies misérables, »dit-il par-dessus son épaule. « Il faut attendre des heures, juste pour entrer dans son village. Nous sommes entourés de colonies et de fil électrique, c’est comme un collier-étrangleur autour de notre cou. »

Um Rihan est un petit village tranquille de 400 habitants. La région se caractérise par ses pins, ses chênes et ses amandiers, beauté naturelle défigurée seulement par la plaque de métal gravée d’une image de tête de mort, et les mots : «danger de mort » écrits en arabe, en anglais et en hébreu, avertissant les passants de ne pas s’approcher de la barrière de séparation.

Ce « danger de mort »s’est enroulé autour d’Um Rihan et de 12 autres villages de la région depuis juin 2002, lorsqu’Israël a commencé les travaux de construction de la barrière.

Selon les chiffres de la Banque Mondiale http://www.worldbank.org, un total de 95 000 Palestiniens vivent déjà entre la barrière et la ligne de l’Armistice de 1948, la Ligne Verte.
4 490 d’entre eux vivent dans cette région, qui englobe aussi les villages de Barta’a, de Khirbet Sheikh Saeed et d’Al Maleh.


Barrières et voisins

Il a fallu deux heures pour que Jamil ait l’autorisation de montrer son laisser-passer, de vider ses poches, d’enlever sa ceinture, de passer par un détecteur de métaux, et de rentrer chez lui dans son village.

« C’est comme si je venais d’un autre pays juste pour être autorisé à rentrer dans cette minuscule prison, »dit -il amèrement. Quoique Jamil ait un diplôme de maîtrise en charia, ou loi islamique, mais, pour vivre, il doit faire des petits boulots dans son village, et près de là, à Ya’abad, la plus grande ville de la région, mais en dehors de la barrière.

En marchant avec Jamil le long de la route vide, j’ai bien vu la barrière. A l’est, tout au long de la route goudronnée par Israël, se dresse une barrière de barbelés de trois mètres de haut. A côté, une tranchée de deux mètres de profondeur et de trois mètres et demi a été creusée. La barrière est reliée à un circuit électrique.

Sur la route, un convoi de 12 tanks est passé. De l’autre côté, se dressent des tentes et des panneaux interdisant de prendre des photos.

Jamil a remarqué mon intérêt. « Cette sorte de fortification empêcherait un poulet de deux jours d’entrer dans le village ! Tout ça a été installé pour protéger les colons et a pratiquement saboté tout droit que nous ayons de vivre normalement. »
(les colonies de la région comprennent Rihan, Haninit, katsir et Doutan. Les habitants d’Um Rihan disent que le plus récent est Mensheh, établi en 1997 après que le gouvernement israélien a confisqué 5 000 dunums (500 ha) de terres appartenant à Um Rihan et à d’autres villages alentour.

Un fonctionnaire du bureau de liaison Israël-Palestine, l’un des quelques rares moyens de communication restant entre l’Autorité Palestinienne et les officiels israéliens, a déclaré que la barrière leur a causé une myriade de problèmes.

« Nous avons dû faire face à des complications ridicules, et des ennuis avec l’armée au niveau du mouvement de personnes et de biens pour entrer dans la zone isolée entre le mur et la ligne d’Armistice de 1967. »

« Ce n’est qu’après beaucoup d’efforts qu’ils nous ont autorisé à apporter des marchandises sujettes à inspection et à limitations. Par exemple, seulement un camion de légumes n’était autorisé par jour, alors les cageots étaient écrasés les uns sur les autres. Je me souviens d’avoir passé quatre heures à discuter avec le coordinateur israélien pour 25 cartons d’œufs (750 œufs). En plus, l’obtention d’un permis est très bizarre. A Barta’a, n’importe qui peut l’avoir après 16 ans, et à Um Rihan, à partir de 12. »


Mélodie mélancolique

Un rapport du Bureau de l’ONU pour la Coordination des Affaires humanitaires (OCHA) http://www.reliefweb.int/ocha_ol, avertissait en 2003 de « conséquences humanitaires graves pour plus de 680 000 Palestiniens de 122 villes et villages palestiniens. Ces gens habiteront soit dans des zones fermées—entre le Mur et la Ligne Verte—ou dans des enclaves entièrement entourées par le Mur. »

Hassan Abed, 50 ans, en ressent déjà les conséquences. Petit mineur de charbon venant du minuscule village de Thaher Al Maleh, sur une route de terre qui va à Um Rihan, ses affaires se sont véritablement terminées avec la fermeture des routes à cause de la barrière, le rendant incapable de livrer aux villages et villes environnantes.

Près de la maison d’Abed, Abu Ayman, un berger d’une cinquantaine d’années, jouait une mélodie en mineur pour rassembler son troupeau de moutons et de chèvres. Pour lui aussi les choses vont mal.

« Dans le temps, je m’occupais d’un troupeau de 100 moutons qui appartenaient à des propriétaires des deux villages, »dit-il. « On vantait leur lait et leur fromage, parce qu’elles broutaient dans des pâturages propres et sur de vastes terres. Mais ils ont mis la barrière, et les zones de pâturage sont devenues beaucoup plus petites. Je ne peux pas sortir mon troupeau et je n’ai pas le droit de faire entrer des moutons de dehors. »

Awad Moustapha, 60 ans, a une petite boutique sur la route d’Um Rihan.

Tout ce dont j’ai besoin pour le magasin nécessite un permis et une coordination préalable, »dit-il. Hier, les soldats du check point m’ont empêché d’apporter dix sacs de farine. Il a fallu quatre heures, après avoir appelé le bureau de liaison et qu’eux se coordonnent avec le côté israélien, avant que j’aie le droit de les apporter. Ils ne me laissent pas apporter de bouteilles de gaz. Le prix d’une est passé de 36 shekels (8$) à 60 shekels (14$). Et si je veux apporter un cageot de tomates de l’extérieur d’Um Rihan, je dois aussi apporter un cageot vide pour transférer les tomates que je reçois de Ya’bad après qu’elles sont inspectées. Cette situation est intolérable. »


Un danger pour l’environnement

Dans cette région se trouve aussi Umra, la plus grande réserve naturelle de la Cisjordanie , et, d’après les habitants, « la plus belle ». Les écologistes y ont dénombré plus de cinquante espèces de plantes, et on y voit souvent des cerfs et des renards.

Cependant, étant situé sur la Ligne Verte, Umra est maintenant interdit aux visiteurs. La réserve est entourée de barbelés, et l’armée israélienne a installé un portail métallique à l’entrée, avec serrure et tout. On ne voit les pins et les chênes qu’à travers le grillage.

L’isolement de la réserve d’Umra a causé bien des soucis aux écologistes, pas seulement par privation esthétique. Ahmad Ra’fat, professeur de géographie et expert en cartes à l’université AL Najah de Naplouse http://www.najah.educ, a déclaré que la barrière, et la politique de colonisation, menacent gravement l’environnement et le sol de surface de la Cisjordanie et lui font perdre sa beauté naturelle.

« Les terres constamment nivelées, la construction, l’enlèvement de sol, en plus du dépôt de déchets, auront un impact dangereux pour la diversité naturelle de la faune et de la flore de la région, et menaceront les chênes et les pins, sans parler des oliviers. »

D’après des photos aériennes de la Cisjordanie prises en juillet dernier, Ahmad Ra’fat estime que ces travaux ont endommagé 41 600 dunums (4160 ha) de forêts et de réserves naturelles.

« La réserve d’Um Rihan (Umra) à elle-même représente 65% des forêts et réserves de Cisjordanie . Actuellement, 52% de nos réserves naturelles sont situées à l’intérieur du mur israélien, et si Israël met en marche la deuxième phase de son plan, en construisant la section orientale du mur (longueur estimée : 141 Km), la plupart des réserves naturelles seront entre les mains de l’état juif. Il y a 40 réserves naturelles dans la seule zone orientale. C’est un crime contre l’environnement, »déclare-il.

Il ajoute que les photos aériennes avaient révélé qu’il y avait 282 avant-postes de colonies et non 149 comme il était dit. Le professeur pense que la construction de la barrière n’est qu’un vol de terres : couper les gens de leurs moyens d’existence, et expulser les villageois de leurs
terres au nom de la lutte anti-terroriste et pour la protection des civils israéliens. « D’après moi, c’est juste une forme d’annihilation. »


Le fantôme des Occupations Passées

L’incertitude de l’avenir terrifie les gens d’Um Rihan et des villages et communautés isolées par la barrière.

Abdallâh Zeid, 40 ans, enseigne à l’école d’Um Rihan. Cette école mixte a 10 élèves et les amène jusqu’en troisième. Après cela, ils vont en général à Ya’bad pour finir le lycée, ce qui est de plus en plus difficile, puisqu’ils ont de plus en plus de mal à s’y rendre et à en revenir.

M. Zeid est tourmenté d’inquiétude. « Nous avons été séparés des zones sous contrôle de l’Autorité Palestinienne, bien que nous ayons des cartes d’identité palestiniennes. Où est notre avenir ? Allons-nous être citoyens de Cisjordanie mais sans une entité à laquelle appartenir ?
Ou serons-nous annexés à Israël et deviendrons-nous citoyens israéliens ? Ou bien resterons-nous privés d’un sens d’appartenance ? Allons-nous rester enfermés dans cette prison isolée pour toujours ? »

Quelque chose d’autre aussi embêtait M.Zeid. "Si nous restons isolés les dix prochaines années, pourrai-je marier mes trois filles, dont la plus vielle a maintenant 13 ans ? Il y a deux fois plus de filles que de garçons dans le village."

"Je suis contre les mariages entre parents mais de toutes façons mes parents sont loin maintenant et je n’ai pas le droit de leur rendre visite. J’ai de la famille à Um Al Fahm et à Ya’bad. Ma maison n’est qu’à 400 mètres de la Ligne Verte, mais si je la traverse, on me tirera dessus et on m’accusera d’essayer d’infiltrer la frontière pour une opération terroriste."

Alors que l’avenir hantait M.Zeid, un autre instituteur, de l’autre côté de la barrière à Ya’bad, redoutait ses souvenirs.
"J’ai rendu visite à ma famille qui habite de l’autre côté le jour de l’Aïd (fête musulmane)," raconte Wasfi Badarnah, 70 ans, instituteur en retraite. "Nous avons échangé des salutations, nous sommes demandés des nouvelles de la santé et nous avons bavardé à travers les barbelés. Ca m’a rappelé 1951, où j’ai rendu visite à ma famille à Um Al Fahm, après son annexion à Israël. Qu’est-ce qui nous arrive ?"

Source : Palestine Report

Traduction : Jean-Luc Mercier pour ISM-France

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