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Naplouse - 7 janvier 2004
Par Atef Saad
"Je crois que l´escalade militaire à Naplouse fait partie d´un plan radical avant la tenue des négociations, en vue de d´éliminer toute volonté de résistance et de forcer les Palestiniens à accepter tout ce que Sharon sera prêt à proposer politiquement."
Dans la «capture» de Naplouse, les Forces Israéliennes, selon les Palestiniens, ont montré un mépris total pour les souffrances des citoyens ordinaires et pour le caractère historique et archéologique de la ville.
Des Palestiniens protestent contre la fermeture du carrefour de Tapuah, près de la ville de Naplouse - 11 janvier 2004 -
Photo : Nasser Nasser - AP
L´opération militaire lancée à Naplouse et dans le camp de réfugiés de Balata par l´armée israélienne à la mi-décembre a été la plus vaste et la plus longue menée en Cisjordanie depuis l´opération « Bouclier Défensif » de mars 2002.
Selon le gouverneur de Naplouse, Mahmoud Aloul, depuis le début de la campagne militaire le 15 décembre, quatorze personnes ont été tuées, 165 blessées et sept familles du quartier Qaryoun ont été déplacées, leurs maisons ayant été détruites dans un bombardement. Quinze autres maisons ont été partiellement démolies dans le même quartier.
Depuis le 30 décembre, des raids quotidiens sont menés sur la vieille ville de Naplouse et se concentrent à présent sur les quartiers de Qaryoun, Ras Al Ein et Yasmina, les plus pauvres et les plus peuplés.
Le camp de Balata est placé sous un strict couvre-feu depuis plus de deux semaines et Naplouse est sous couvre-feu général depuis le 30 décembre.
Les observateurs disent que l´armée israélienne poursuit essentiellement des activistes des Brigades des Martyrs d´Al-Aqsa, la branche militaire du Fatah.
Les hommes les plus recherchés sur la liste des Israéliens sont Nayef Abu Sharkh, responsable des Brigades à Naplouse et Nader Abu Leil, responsable des Brigades à Balata, ainsi que leurs lieutenants, Hashem Abu Hamdan et Khalil Marshoud.
Le 2 janvier, les forces israéliennes ont détenu l´épouse et le frère d´Abu Sharkh pendant cinq heures. Son épouse a été obligée d´appeler son mari à se rendre avec un mégaphone. Le stratagème a échoué.
Le 20 décembre, les forces israéliennes ont détruit la maison d´Abu Leil et trois jours plus tard, la maison d´Abu Hamdan a connu le même sort dans le camp de Balata.
L´armée israélienne a prévenu la famille Marshoud que leur maison de trois étages était elle aussi destinée à la démolition.
Amin Maqboul, membre du conseil révolutionnaire du Fatah, décrit l´opération comme « une continuation de la politique menée par (le Premier Ministre israélien Ariel) Sharon pour briser la détermination et la résistance du peuple palestinien » étant données « l´obstination historique et la capacité d´endurance » de Naplouse.
« Naplouse est connue pour être un bastion de la résistance palestinienne, » dit Maqboul, qui habite la ville. Il dénonce avec amertume le manque de protestation des pays arabes et de la communauté internationale.
« Si une telle opération avait eu lieu en Israël, le monde en aurait été bouleversé. »
Mais l´invasion israélienne a suscité une vague de critiques envers l´Autorité palestinienne. De nombreux habitants estiment que l´Autorité ne tient pas compte de ce qu´il leur arrive.
Dans une lettre privée que s´est procurée Palestine Report, Muaz Nabulsi, le responsable de la Chambre de Commerce de Naplouse, demande au Premier ministre Ahmed Qrei´ de convoquer une réunion du Cabinet à Naplouse afin de témoigner son soutien à la ville.
Le 3 janvier, pendant l´enterrement de trois habitants de Naplouse tués lors d´une incursion israélienne, l´un des hommes qui portaient les cercueils a crié à la foule :
«Où est l´Autorité ? Pourquoi garde-t-elle le silence face à ce qui nous arrive ? Nous ne voulons pas de ministres ni de Conseil Législatif. Nous voulons une direction nationale palestinienne honorable composée de toutes les factions.»
Dans le cortège, des cris ont marqué l´approbation de la foule.
Maqboul pense que ce genre d´emportement n´est pas nécessaire.
«Critiquer l´Autorité dans des circonstances ordinaires est légitime. Mais les enterrements ne sont pas une occasion appropriée. C´est naïf et cela ne sert qu´à disculper Israël, qui est la cause réelle de la crise que traversent les Palestiniens à Naplouse et dans d´autres régions palestiniennes. »
Cependant, selon Tayseer Khalid, membre du comité exécutif de l´OLP et du bureau politique de FDLP, les gens «se sentaient délaissés bien avant l´invasion à cause du chaos qui régnait dans la ville et du manque de sécurité des habitants.
Le citoyen ordinaire se demande où est l´Autorité dans tout ça.
Aujourd´hui les gens se posent la même question : si Naplouse tombe, que restera-il ?»
Le porte-parole du gouvernement israélien, Avi Barnes, a déclaré qu´Israël ne permettrait pas que Naplouse devienne un terreau fertile pour le «terrorisme palestinien».
Selon une déclaration récente du ministre de la Défense israélien Shaul Mofaz, sur cinquante alertes «chaudes» émanant de Naplouse depuis le 22 octobre 2003, trente-sept «ont été neutralisées» par les forces de sécurité israéliennes.
Cependant, Maqboul pense que l´opération est politique. «Je crois que l´escalade militaire à Naplouse fait partie d´un plan radical avant la tenue des négociations, en vue de d´éliminer toute volonté de résistance et de forcer les Palestiniens à accepter tout ce que Sharon sera prêt à proposer politiquement.»
«Sharon est en pleine crise politique», dit Khalid. «Il a un plan et il subit l´opposition de son propre parti, de la coalition au pouvoir et même des Etats-Unis. Alors il veut offrir quelque chose au Likoud et Naplouse étant connue pour sa résistance et sa détermination, la capturer est un exploit qu´il peut utiliser politiquement. »
Dans la «capture» de Naplouse, les forces israéliennes, selon les Palestiniens, ont montré un mépris total pour les souffrances des citoyens ordinaires et pour le caractère historique et archéologique de la ville.
Selon le gouverneur Aloul, l´état de la ville est «tragique» et une pénurie en nourriture, en matériel médical et en carburant est apparue. Les habitants de la ville craignent en outre que les forces israéliennes détruisent l´ancien Palais Abdel Hadi situé dans le quartier Qaryoun.
«Nous avons alerté plusieurs consulats, des diplomates et des agences internationales pour que ces monuments historiques soient protégés mais Israël refuse de tenir compte de l´intervention internationale», dit Aloul.
Le 30 décembre, quand les forces d´occupation israéliennes ont mené un raid sur le Palais Abdel Hadi, vieux de deux cents ans, la panique s´est répandue parmi les douze familles vivant à ses abords.
«Une élite israélienne est venue à deux heures et demie du matin», dit Mouin Abdel Hadi, âgé de 36 ans. «Ils m´ont ordonné de faire sortir ma femme et mes trois enfants de la maison. Ils ont fait de même avec les autres familles. Ils envoyaient les femmes et les enfants chez les voisins tandis que les hommes âgés de 14 à 70 ans restaient avec la famille Afouri.
Puis ils nous ont questionnés. ´´Qui vit ici ? qui dort avec vous ? Où sont les terroristes ? Où se cachent-ils ? ».
Abdel Hadi raconte ensuite que son frère et lui ont été utilisés comme boucliers humains.
«Un officier nous a fait sortir pour réveiller le voisin. Un soldat m´a ordonné de marcher devant lui et a posé le canon de son pistolet sur mon épaule. J´ai ressenti un choc soudain et j´ai crié de douleur. Mais il s´en fichait. Il a fait la même chose devant la maison des Kakhn. Pour les autres il m´a seulement fait frapper aux portes et a laissé le pistolet sur mon épaule sans tirer de coup de feu.»
Quand toutes les familles se sont retrouvées dehors, les soldats ont fouillé les lieux mais n´ont pas procédé à des arrestations.
Source : Palestine Report
Traduction : Ibtissem Almi
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