Naplouse - 8 février 2005

Un jour j'ai levé les yeux au ciel et j'ai vu des visages en sang.

Par Fayrouz

Fayrouz, 17 ans, habite dans le camp de réfugiés de Balata. Un camp toujours en butte aux violences de soldats israéliens qui débarquent, de jour comme de nuit, pour terroriser, « s’amuser » à tirer sur les enfants, à les rendre fous.
Son frère, 16 ans, est en prison ; son père a été assassiné ; sa maison détruite… et avec ce passé lourd de souffrance, et un présent si lourd de menaces, elle trouve encore assez de force en elle pour nous dire ce qu’elle ressent douloureusement, de manière si poétique.
Silvia Cattori

Un jour j'ai levé les yeux au ciel et j'ai vu des visages en sang.

On aurait dit des anges, et je me demandais à qui ces visages appartenaient.



Soudain je l'ai reconnu, oui. C'était bien lui, celui que j'ai connu.

Et je ne saurais oublier son visage, celui qui brille là.



Ces yeux qui portaient tout l'amour du monde, l'amour pour son pays, notre pays, jusqu'au jour où un gang de tueurs est arrivé pour tuer la liberté dans mon pays, la Palestine qui nous appartient à nous, nous les Palestiniens.



Ces Palestiniens qui ont donné leur âme pour la libérer,

Et dont les visages se dessinent dans le ciel.



Je me souviens de ce garçon: il avait dix-huit ans, il était si brillant, il s'appelait Salah Al-Lahawny et il se préparait pour l'université, dans quelques mois. Mais les M16 l'ont dévoré. En un éclair ils ont mis fin à sa vie. Tué devant moi, devant toute sa famille.



Son frère aussi était là, tout le monde sous le choc, son frère Mahmoud a couru vers lui et l'a tenu dans ses bras tandis que ses yeux se remplissaient de larmes. Il a crié pour demander de l'aide, mais les ambulances n'ont pas pu entrer dans le camp tant que les soldats y étaient.



Mahmoud qui aimait tant son frère Salah, il a rejoint son frère dans la mort dix-huit jours plus tard.



Qui aurait pu imaginer deux membres de la même famille morts en deux semaines.

Des histoires comme celle-là, il y en a des centaines.

Chaque famille, chaque maison en a.



Quand tout aura été détruit, il restera une question: jusqu'à quand cette souffrance pendant que le monde nous contemple ? Vont-ils se réveiller un jour, reconnaître les vraies victimes ?



Restera-t-il alors encore des vivants, me tueront-ils aussi pour éteindre ma voix mon cri de vérité ?



Cessez de vous boucher les oreilles ! Sauvez, sauvez mon peuple !

Des visages brillants saignent dans tout le ciel, et je ne me tais pas.