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ISM France - Archives 2001-2021

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Salfit -

Je veux que vous sachiez

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Je voulais écrire depuis des jours.
Je voulais m'asseoir, avoir un moment libre, organiser mes pensées, imaginer comment traduire mes expériences en quelque chose de compréhensible pour un monde où l'injustice n'est pas aussi quotidienne, aussi aléatoire, aussi violente.
Je voudrais juste dire que "il y avait le couvre-feu à Marda aujourd'hui" et que vous pourriez tous comprendre.

Que vous sachiez sans que je le dise que cela signifie que les jeeps de l'armée israélienne étaient dans le village à 5h30 (et pendant de très nombreuses heures ensuite), que les soldats jetaient des bombes assoudissantes et du gaz lacrymogène, et qu'ils tiraient des balles en métal recouvert de caoutchouc de façon aléatoire, qu'il y avait une atmosphère totale de peur.

Je voudrais que vous sachiez que quand trois observateurs internationaux sont arrivés, nous avons été gardés à l'extérieur du village par l'armée, détenus par la police des frontières, et menacés d'arrestation.
Qu'on nous a dit que nous pourrions entrer seulement si nous étions des journalistes, mais alors quand la presse est arrivée, elle n'a pas non plus été autorisée à entrer.

Je voudrais que vous sachiez que les papiers d'identité d'un garçon ont été pris et on lui dit d'aller dans le village voisin pour le récupérer, mais que son père ne l'enverrait pas parce qu'il a peur son fils soit tué.

Ou qu'un jeune homme a été arrêté et que sa famille n'a pas pu le localiser de la journée (elle sait maintenant qu'il est dans la colonie de Qedumim/au centre de détention).

Ou qu'à chaque fois que nous avons demandé aux soldats la justification de leurs actions, ils disaient : "C'est fermé parce que nous le disons. C'est notre territoire."


Je voudrais plus que tout que vous puissiez connaître tout ce qui est derrière ce rapport, chaque façon dont il se manifeste, chaque chose qui se passe ici et dont le monde est totalement ignorant.

Je voudrais espérer que les médias vous diront qu'un groupe de Palestiniens handicapés (dans des fauteuils roulants et sur des béquilles, beaucoup de personnes aveugles, etc...) ont été visées avec du gaz lacrymogène par l'armée au cours d'une manifestation à Bil'in aujourd'hui avant qu'ils n'arrivent où que ce soit à proximité de leur destination (qui était sur leur terre).

Je ne peux même pas me rappeler ce qui est désormais habituel et ce qui ne l'est pas. Je ne suis pas étonnée par des choses. Je suis seulement affligée. Et irritée. Et même très en colère parfois.


Je ne sais pas comment changer tout cela.
Je ne sais pas comment partir.
Je ne pense pas qu'on devrait pouvoir partir, pas quand d'autres ne le peuvent pas.
Mais comment puis-je penser clairement?

Samedi était une manifestation merveilleuse à Marda, bien que même pendant que je dis cela, je pense à la centaine de soldats qui se sont précipités vers la foule - mais ils n'ont frappé qu'un couple de personnes, ils n'ont arrêté qu'un couple d'Israéliens, et seulement temporairement.

Par contre, dimanche quand nous avons essayé d'accompagner des fermiers jusqu'à leur terre nous nous sommes fait tirer dessus par une une société de sécurité privée qui garde le travail sur le Mur.

Lundi, nous avons encore essayé d'accompagner des fermiers jusqu'à leur terre, et cette fois, nous avons rencontré des centaines de soldats qui ont commencé à tirer du gaz lacrymogène avant même qu'ils puissent dire qui était là. 200 tirs de gaz lacrymogène. Avant même qu'ils puissent nous voir.

C'est mieux, naturellement, dans le grand système moral du monde, qu'aucune distinction ne soit faite entre les fermiers palestiniens et les pacifistes internationaux.

Mais c'est effrayant. C'est déroutant.

Et naturellement, le résultat devrait être que nous soyons tous traités en tant qu'êtres humains et non que nous soyons tous traités en tant qu'êtres non indispensables.

Il y avait une Israélienne nouvellement impliquée qui est venue à plusieurs manifestations récemment.
L'autre jour, nous étions à Marda à regarder les bulldozers en haut de la colline, et elle a dit, "C'est complètement fou. Ils sont là et prennent la terre de quelqu'un d'autre."

Tout comme un chauffeur de taxi remarquait il y a quelques jours : "Si je n'aime pas mes voisins et que je veuille construire une barrière pour nous séparer, je la construirais dans ma cour, pas dans celle du voisin."
Plus simplement, après que j'aie expliqué hier à une nouvelle volontaire de l'IWPS ce qui s'était passé ces derniers jours, elle a dit : "Ce n'est pas sympa maintenant." Et encore, je ne peux même pas arriver à penser cela. Puisque je ne suis plus étonnée. Seulement en colère.

Aujourd'hui, je suis allée à Jérusalem Ouest pendant environ une heure. En descendant la rue, en voyant des adolescents à moitié-nus avec leurs rubans oranges en solidarité avec les colons du gush katif, et j'ai seulement pensé : "Vous n'avez aucune idée."

Si les Palestiniens pouvaient voir cela, j'ai pensé, je ne suis pas sûr qu'ils seraient aussi patients qu'ils le sont. Bien qu'ils le sachent probablement déjà. Ils sont probablement déjà tellement habitués à ça, bien plus habitués que je le suis, que rien ne les étonne plus.

Certains ont une patience que je ne peux pas toujours tout à fait comprendre ("Ca passera aussi"), et d'autres préfèrent seulement la prévention ("Si je reste dans ma maison et ne laisse pas sortir mes gosses, alors tout serait tolérable").

Je vais dormir à Marda maintenant, pour être une présence au cas où l'armée reviendrait.

J'envoie ce post seulement pour que vous ayez un peu des nouvelles d'ici.
Réalisez que toute la souffrance du monde n'est pas ici.

C'est seulement mon petit coin. Et je fais seulement ce que je peux. Nous le faisons tous .

Et ce n'est jamais assez. Jamais assez.

Avec tristesse et colère,

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG pour ISM

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