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Salfit - 22 avril 2005
Par Hanna
La semaine dernière, j’ai vécu ma première attaque de colons. "Ce n’était rien m’a dit mon ami Arafat après coup, et je sais ce qu’il voulait dire : comparé à d’autres attaques où des gens ont été blessés et même tués. Ici, les fermiers palestiniens ont seulement été forcés de quitter leur terre. Tout simplement. Très facilement.
Mais que peuvent-ils faire ?
Ils n’ont pas d’armes (à moins de compter leurs outils agricoles pour des armes, comme une femme me l’a dit en plaisantant) ; seuls les colons et les soldats israéliens ont des armes authentiques.
Nous sommes allés à AsSawiya (à ne pas confondre avec AzZawiya) parce que les fermiers avaient besoin de labourer leurs terres, terres qu’ils n’ont pu labourer pendant quatre ans, où l’armée leur a donné l’autorisation d’aller dimanche.
Toute cette situation est absurde.
Le village existe depuis des siècles mais depuis une vingtaine d’années, ils ont vu les colons israéliens venir s’installer sur leur terre, la détruire ou la voler et empêcher les fermiers de continuer leurs vies.
Durant les trois dernières années, ils ont vu ce nouvel avant-poste de la colonie d’Eli empiéter encore plus sur leur terre avec l’aide du gouvernement israélien qui, selon même ses propres lois expansionnistes, devrait arrêter la construction de nouveaux avant-postes.
Quand les fermiers palestiniens veulent aller sur leur terre où qu’elle se trouve près des colonies ou des avant-postes, ils sont attaqués, battus et hassés de leur terre par les colons. Aucun colon de cette région n’a été poursuivi et la police a constamment refusé d’examiner les dépositions et les preuves et de donner suite aux affaires.
Maintenant l’armée israélienne a décidé de "protéger" les fermiers palestiniens. La façon dont elle leur donne des permis pour aller sur leur terre quelques jours par an (pourquoi les gens ont-ils besoin de permis pour accéder à leur propre terre et qu’en est-il pour le reste de l’année ?) et elle promet de protéger les fermiers pendant qu’ils labourent (pourquoi ne font-ils pas partir les colons des lieux illégaux qu’ils habitent au lien de chercher à minimiser les effets de la violence prévisible de ces colons contre les Palestiniens ?).
Même la protection de l’armée est discutable. Ce qui nous est arrivé dimanche est conforme, apparemment, à ce qui arrive habituellement : les colons arrivent, menacent ou attaquent les Palestiniens, et l’armée répond en disant aux Palestiniens qu’ils doivent quitter leur terre pour éviter de se faire attaquer.
Mais commençons par le commencement. Quatre militants de « Rabbis for Human Rights » - ( Rabbins pour les Droits de l’Homme) et moi sommes arrivés à AsSawiya et avons rejoint mon ami Arafat, sa mère et d’autres fermiers. Nous sommes montés par la montagne jusqu’à la terre, et Arafat nous a montré du doigt leurs nouvelles canalisations qui apportent l’eau au village ainsi que la source d’eau douce que les colons ont polluée il y a quelques années en se baignant et en nageant dedans.
Nous sommes arrivés là où les gens voulaient travailler et à distance nous pouvions voir les avant postes.
L’armée n’était pas visible (même si c’était le jour prévu pour la protection militaire).
Les fermiers se sont dispersés et ont labouré pendant une vingtaine de minutes avant que deux colons armés n’approchent et ne commencent à hurler aux familles de cesser leur travail, de redescendre, de quitter leur terre.
La plupart des fermiers connaissant le danger, ils ont instantanément tout remballé. A peine deux minutes plus tard, d’autres colons sont arrivés et d’autres encore ont suivi.
Les colons n’étaient armés que de jumelles, pas de fusils, mais ils se comportaient plus agressivement et plus violemment que les colons armés (qui appartenaient apparemment à la force de sécurité de l’avant-poste bien que sans uniforme et bien qu’ils soient visiblement des gardes de sécurité autoproclamés.
Des colons se sont mis à bousculer les fermiers.
J’en ai vu un donner des coups de pied extrêmement violents à un âne, mais l’âne est resté imperturbable. Un homme m’a montré plus tard sa chemise déchirée et m’a dit qu’un colon l’avait frappé à l’épaule. Comme il n’y avait pas de témoin, la police n’a pas pris la déposition.
Les fermiers ont commencé à redescendre la colline, suivis (chassés) par les colons.
Finalement, une jeep militaire est montée. La plupart des colons sont partis provisoirement (bien que certains soient revenus peu après) et les Palestiniens se sont sentis soulagés.
Les colons armés se sont approchés des soldats et ont commencé à discuter. Les uns et les autres se sont passés les bras pardessus les épaules tandis qu’un soldat demandait où se trouvait un autre colon : d’évidence ils se connaissaient.
Arafat a voulu parler avec les soldats, pour dire : "Où étiez-vous ? C’est le jour prévu pour que nous labourions et nous étions à labourer sur notre terre. Pouvons-nous revenir tout de suite et continuer notre travail ?"
La réponse a vraiment été déroutante : "Vous devez attendre que l’armée soit là."
N’étaient-ils pas l’armée ? Apparemment c’était d’autres soldats et d’autres responsables qui étaient assignés à cette tache et ils n’étaient pas encore arrivés, aussi les Palestiniens devaient-ils continuer à redescendre de leur terre, parce que Dieu interdit en fait que ces soldats demandent aux colons de retourner dans leurs demeures (illégales).
Quand "l’armée" et la police ont fini par arriver, les colons, les fermiers palestiniens et les accompagnateurs israéliens ont commencé à négocier. J’étais assise avec les femmes et nous bavardions, et le temps passait.
Nous avons dû rester assises là pendant une heure avant que l’armée ne finisse par annoncer (ou plutôt ne demande à Arafat d’annoncer) qu’ils auraient la permission de retourner labourer leur terre le reste de la journée.
Deux pièges :
1) Ils ne pourraient pas aller sur la terre qu’ils voulaient labourer, la terre qu’ils avaient commencé à travailler précédemment.
Ils devaient rester dans la zone la plus basse, et même la plus éloignée de l’avant-poste.
2)°Tous les hommes à l’exception des enfants et des hommes âgés) devaient présenter et faire contrôler leurs cartes d’identité. Un soldat s’est avancé et a dit qu’il allait vérifier les cartes d’identité, mais un colon s’est immédiatement emparé de ce boulot. C’est vrai, le colon israélien armé de l’avant-poste illégal d’une colonie illégale tenait un carnet dans sa main et commençait à noter les numéros des cartes d’identité de tous les hommes palestiniens qui étaient venus labourer ce jour-là. D’autres colons s’étaient mis à prendre des photos des fermiers. Tout cela n’était probablement qu’un moyen pour leur faire peur, mais qui sait ce qu’ils sont capables d’imaginer quand ils veulent blesser les gens – ils ont des relations et ce qu’ils font n’a généralement aucune répercussion.
Finalement, les fermiers ont pu labourer sur une partie de leur terre.
J’ai bavardé quelques heures avec deux garçons palestiniens, dont l’un m’a dit qu’il parlait couramment l’hébreu. Généralement, il n’y a que des hommes palestiniens ayant travaillé en Israël qui parlent hébreu, alors je lui ai posé la question : "Mon frère est marié à une juive israélienne, m’a-t-il dit, et elle me l’a appris."
Une jeep militaire est arrivée à l’avant-poste, et des soldats ont patrouillé pendant les heures suivantes, pour faire en sorte que les colons ne reviennent pas. Les fermiers étaient soulagés et ça a été une mince victoire, mais je me suis sentie écoeurée de ce que labourer dans la hâte et la crainte une terre qui n’est pas celle qui en a le plus besoin, soit une "victoire" dans le contexte de l’occupation.
Peut-être les moments les plus difficiles de cette journée, pour moi, à un niveau personnel, ont été ceux où j’ai fait attention aux accompagnateurs israéliens et où je les ai observés dans leur interaction avec toutes les parties.
La plupart des gens venus avec les "Rabbins pour les Droits de l’Homme (RHR)" étaient bien, mais tout le monde n’avait pas la même analyse politique ni la même familiarité avec la terre et les gens qu’Arik, le responsable de RHR.
A un certain moment, après que les hommes aient tous rassemblé leur matériel et soient partis là où l’armée leur avait dit d’aller, quelques femmes étaient toujours là, essayant de rester sur leur terre et d’argumenter avec les colons et les soldats.
Un des accompagnateurs (un homme) m’a dit : "Les femmes ne comprennent pas la situation. La chose la plus importante aujourd’hui c’est de labourer la terre, pas de faire une déclaration politique. Quand ils ne labourent pas pendant trois ans, une vieille loi ottomane dit que la terre ne leur appartient plus."
"Je crois que les femmes comprennent très bien que ces lois ne mènent les Palestiniens nulle part. tout simplement parce que le fait de travailler leur terre ne veut pas dire que les colons ne construiront pas d’avant poste et ne la voleront pas (la terre)."
Plus tard, j’ai entendu l’homme parler avec quelqu’un au téléphone, un homme probablement, et parler des femmes d’un ton condescendant et amusé.
Un exemple pire encore, c’est qu’un autre accompagnateur israélien faisait exactement comme les militaires – disant aux palestiniens de ne pas aller à la terre qu’il voulait parce que ce serait une attaque "provocatrice", intervenant au milieu d’une attaque et affrontant les Palestiniens en leur hurlaient de partir de la colline au lieu de demander aux colons de s’en aller et ordonnant aux fermier d’aller à un endroit particulier pour leur "protection", poussant même Arafat vers l’homme qui voulait le faire partir.
Je lui ai dit que je pensais qu’il était complètement à côté de la plaque, qu’Arafat savait exactement ce qu’il faisait et qu’il avait bien plus d’expérience des attaques de colons que cet homme n’en avait, etc.
Ca n’a rien changé à sa conduite.
Il est venu me voir plus tard et m’a dit : "J’ai vu trop de morts et de tragédies dans ma propre famille, c’est pourquoi je suis ici pour arrêter les confrontations violentes et peu importe ce que ça suppose."
-Très bien, ai-je dit, c’est un comportement tout à fait approprié quand vous êtes en Israël. Mais quand vous êtes ici, votre boulot c’est de suivre le peloton des Palestiniens et de faire ce qu’ils vous demandent, pas de les bousculer et de leur dire ce qu’ils doivent faire.
Si vous ne voulez pas écouter les Palestiniens, il faut faire votre travail chez vous, pas ici.".
Je ne pense pas qu’il puisse avoir idée que les fermiers le percevaient plus comme un oppresseur que comme un accompagnateur. Et honnêtement, je ne pense pas que ça le préoccupait.
Son travail n’avait rien à voir avec les Palestiniens ; il le faisait pour lui-même.
C’est toujours la même chose dans un tas de situations d’oppression, quand un des oppresseurs arrive et cherche à dicter aux oppressés ce qu’ils doivent faire, et ce qui est le mieux pour eux.
Les gens ne peuvent pas ou ne veulent pas sortir de leurs propres têtes.
Ce qui me rappelle un e-mail que j‘ai lu la semaine dernière plus amusant qu’injurieux. Quelqu’un a envoyé un message au serveur d’une liste de militants israéliens intitulé : "Dimanche, présence israélienne nécessaire à Yanoun" (Yanoun est un petit village que terrorisent en permanence les colons de la colonie d’Itamar).
Un Israélien a répondu à toute la liste que : "Le titre de ce mail est un quelque peu ironique et presque marrant. En fait, on n’a ABSOLUMENT PAS besoin dimanche de la présence israélienne à Yanoun."
Où cela nous mène-t-il ?
En ce moment, j’entends de plus en plus parler d‘attaques de colons – on encercle les hommes et on menace de les tuer, d’empoisonner leur terre, de lâcher des sangliers sauvages dans les jardins palestiniens et bien d’autres choses.
"Et c’est nous qu’ils appellent des terroristes" comme beaucoup de Palestiniens me l’ont dit récemment
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : CS pour ISM
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