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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

La Palestine, l’arabité et l’islam politique

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Tout d’abord, expliquons le terme d’« islam politique » (1). La formation, puis l’utilisation, de cette expression est récente en langue arabe. Il s’agit principalement d’une traduction importée des langues occidentales dans lesquelles cette expression décrit des mouvements islamiques ayant des programmes politiques ou s’intéressant à des questions politiques. L’activité de ces mouvements ne se limite donc pas à une action islamique de prédication, d’invitation à la dévotion, de moralisation de la vie ou de bienfaisance. Notons qu’il s’agit en réalité de mouvements politiques, déployant leur action dans la sphère politique.

La Palestine, l’arabité et l’islam politique

Si cette distinction est recherchée, le terme « islam politique » perd son sens véritable. Il permet simplement la distinction entre des mouvements islamiques ayant des programmes politiques ou s’intéressant aux questions politiques et d’autres mouvements islamiques évitant d’examiner les questions d’ordre général ou politique. En revanche, si cette expression est utilisée pour désigner des mouvements spécifiques, il s’agit d’une fuite en avant pour ne pas les nommer. Ici, le but est de les récuser.

Conférer un caractère politique à un mouvement constitue-t-il, en soi, un défaut ou un point faible ? Le fait de rejeter la politique au nom de l’Islam n’est-il pas justement contraire à l’Islam ? Assurément, cette posture apolitique n’a rien à voir avec la compréhension et l’histoire de l’Islam.

Les marxistes qui utilisent cette expression, oublient que le qualificatif « politique » peut s’appliquer à la totalité des actions y compris les plus banales comme allumer l’interrupteur d’électricité dans une maison. En effet, cette action peut-être considérée comme politique car, en fin de compte, la facture est payée à une compagnie d’électricité qui joue elle-même un rôle politique. Nous pourrions multiplier ce type d’exemple.

Nous estimons important de mettre les points sur les « i » concernant le mouvement islamique. Notre objectif est de critiquer des politiques et non pas de parler d’un « islam politique » qui engloberait des mouvements ayant des programmes et des positions politiques bien différents.

Nous traiterons dans ce travail deux points centraux : premièrement, celui de l’histoire des rapports entre les mouvements islamiques et la question palestinienne ; deuxièmement, celui de la question palestinienne et des révolutions arabes, et de leurs suites.

1. Les mouvements islamiques et la question palestinienne

Depuis que la question palestinienne se pose, les oulémas musulmans, aux niveaux palestinien, arabe et islamique, l’ont toujours défendue. Ils se sont opposés au projet colonialiste et sioniste cherchant à coloniser la Palestine, à y favoriser l’émigration juive et à y fonder un État national pour les juifs. De nombreuses conférences traitant de ces sujets ont été organisées en Palestine et dans d’autres pays. 

Les mouvements nationalistes et panarabes comme pour le mouvement communiste, au moins jusqu’en 1947, défendaient les mêmes positions sur la question palestinienne.

Lorsque les mouvements islamistes, et à leur avant-garde – le mouvement des Frères musulmans créé en 1928 –, commencèrent à se former, leur position était catégorique quant au refus du projet sioniste, au soutien accordé à la résistance du peuple palestinien et au soulèvement du monde arabe.

Il y a eu un consensus contre la décision – contenue dans la résolution 181 (2) – de « partage » de la Palestine prise par l’ONU. En 1948, il y eut également un consensus pour appeler au jihad contre la création d’un État sioniste. En raison de leur engagement, les Frères musulmans jouèrent un rôle particulièrement important dans la guerre de 1948.

Les courants panarabes et nationalistes en général s’opposèrent également à ce partage. Ils s’engagèrent contre l’application de cette résolution. Le Parti Baath rejeta pareillement la résolution 181. Il participa à la guerre de 1948.

Durant cette période qui débuta avec le vote de la résolution du plan de « partage » en 1947 et s’étendit jusqu’à la guerre de 1948, il n’y eut aucune exception parmi les partis arabes, si ce n’est celle des Partis communistes. Ces derniers soutinrent la position de l’Union soviétique qui vota en faveur de la résolution 181 (3). Certains de ces Partis communistes condamnèrent même l’entrée en guerre des armées arabes et leur combat contre la création de l’entité sioniste.

La période allant de 1949 à 1967 s’inscrivit directement dans la continuité de l’orientation islamique, panarabe et nationaliste du rejet de la résolution 181 sur le « partage » de la Palestine et du refus de la reconnaissance de l’entité sioniste. Il existait un consensus national sur la nécessaire libération de la Palestine usurpée en 1948, sur le droit au retour et le refus de la sédentarisation des réfugiés palestiniens.

La première transgression de ce consensus national, qui s’exprima durant cette période, fut la revendication d’exécution des résolutions internationales de l’ONU relatives à la question palestinienne. Notamment la résolution relative au « partage » de 1947 et les résolutions liées au droit au retour des refugiés palestiniens (4). Cette position fut défendue par l’Égypte et par la Syrie libres par le biais des décisions de la Conférence de Bandung et d’autres événements internationaux. Néanmoins, ces deux pays refusaient la paix ou les négociations tout comme ils s’opposaient à la reconnaissance de l’entité sioniste. Ils œuvraient également à la mise en place d’une armée de libération.

Les mouvements populaires, qu’ils fussent islamiques, panarabes ou nationalistes, persistaient à refuser la résolution 181 sur le « partage » de la Palestine. Ils rejetaient également la revendication d’application des résolutions de l’ONU en insistant sur la nécessaire préparation des armées arabes en vue de la libération de la Palestine.

La seconde transgression du consensus national se déroula en 1968 avec la reconnaissance de la résolution 242 (5), après la défaite de la guerre des « Six Jours » en 1967. Néanmoins, cette reconnaissance était compensée par le soutien aux trois « non » exprimés lors du Sommet de Khartoum en août-septembre 1967 : non à la paix, non aux négociations, et non à la reconnaissance de l’entité sioniste. En plus de ce triple refus, il existait la résistance palestinienne qui endossa, dès 1968, un rôle clé dans le conflit. Il existait également un soutien arabe officiel mais aussi populaire, un soutien islamique populaire et un soutien global, notamment celui de l’opinion publique internationale.

La troisième dangereuse transgression du consensus national fut réalisée par Anouar el-Sadate lors de sa visite au sein de l’entité sioniste. Cette visite marquait le début de négociations directes, sous l’égide des États-Unis, entre les sionistes et certains dirigeants arabes. Ces négociations aboutirent à la conclusion du traité israélo-égyptien, en 1978-1979, suite aux accords de Camp David. Les agissements d’Anouar el-Sadate représentaient un reniement des trois « non » de Khartoum car il négocia, fit la « paix » et reconnut l’entité sioniste. Par ce reniement, Anouar el-Sadate bouleversa l’ensemble du plan national de résistance.

La quatrième transgression du consensus national fut l’œuvre de l’OLP qui conclut les Accords d’Oslo, en septembre 1993, consécutifs à la Conférence de Madrid et aux négociations bilatérales s’étant tenues entre 1991 et 1993.

La cinquième transgression du consensus national se matérialisa par la signature de l’accord de « Wadi Araba » (6) par la Jordanie en 1994. Ajoutons à cela, la normalisation des relations entre certains États arabes (7) et l’entité sioniste. Cette normalisation aboutit à l’ouverture dans ces pays de bureaux de communication de l’entité sioniste.

Toutes ces transgressions du consensus national ont brisé les rangs des forces nationalistes, patriotiques et de gauche. Elles ont également brisé l’unité des forces palestiniennes. Des oppositions s’exprimèrent entre partisans et opposants de ces transgressions. Parmi les partisans, certains acceptèrent ces transgressions par obligation tout en maintenant l’objectif de la résistance et de l’opposition à la colonisation. D’autres partisans de ces transgressions prirent cette position par stupidité afin de protéger la soi-disant « paix » avec les sionistes.

Les forces islamiques demeurèrent opposées à toutes ces transgressions du consensus national. Elles s’exprimèrent en faveur de la résistance. Elles se renforcèrent suite à la victoire de la Révolution islamique en Iran qui avait placé la question palestinienne et l’élimination de l’entité sioniste à la tête des objectifs stratégiques de la République islamique d’Iran.

Depuis la guerre d’agression de l’entité sioniste contre le Liban en 1982, une résistance islamique s’est développée sous la direction du Hezbollah et des mouvements de résistance islamique en Palestine. Elle passa à l’étape de l’intifada à la fin de l’année 1987, avec le développement de la résistance islamique dirigée par le Hamas et le Jihad islamique.

La République islamique d’Iran, la résistance islamique au Liban et en Palestine se sont donné pour objectif la libération de la Palestine. Elles ont adopté la stratégie de résistance armée. Elles ont refusé catégoriquement la stratégie des compromis, des négociations et de la normalisation.

Telle était la position de tous les mouvements islamiques, sans exception, aux niveaux arabe, islamique et mondial. Les Frères musulmans se trouvaient à l’avant-garde de ces mouvements. La position des mouvements islamiques peut être résumée comme suit : libération totale de la Palestine, refus de la reconnaissance de l’entité sioniste, et au-delà, son élimination en s’appuyant sur une stratégie de résistance armée.

Jusqu’aujourd’hui, aucun mouvement islamique n’a déclaré avoir abandonné cette stratégie. Elle n’est donc pas remise en cause malgré les soupçons émis par certaines personnes s’appuyant sur des déclarations de Mohamed Morsi prononcées au nom du Parti de la liberté et de la justice – la branche politique égyptienne du mouvement des Frères musulmans. Les propos de Mohamed Morsi furent énoncés lorsqu’il était candidat à la présidence puis suite à son élection à la présidence de la République arabe d’Égypte. Mohamed Morsi avait déclaré qu’il respecterait les accords internationaux, dont ceux de Camp David, et que l’échange d’ambassadeurs avec l’entité sioniste serait maintenu.

Face à ces critiques, les Frères musulmans égyptiens ont répondu qu’il était nécessaire de différencier, d’un côté, leurs positions et leurs invariances sur la question palestinienne et, de l’autre, les obligations incombant au Président égyptien, et à son gouvernement, d’appliquer les accords internationaux.

Évidemment, cette justification est loin d’être convaincante. De même, la contrainte d’appliquer et de respecter les Accords de Camp David ne peut en rien être considérée comme une obligation. Cela même lorsque nous accédons à la présidence ou au gouvernement de l’Égypte. Néanmoins, rien ne nous permet de conclure que les Frères musulmans aient renoncé à leur position de principe concernant la question palestinienne ou qu’ils aient perdu leur dignité. Ils continuent de clamer leur attachement à leurs positions et à leurs slogans historiques.

2. Les révolutions de 2011-2012 et la question palestinienne

Les événements qui se sont déroulés en Tunisie puis en Égypte permirent de renverser les deux hommes se trouvant à la tête du régime et leur entourage immédiat. Ces événements marquèrent le passage à deux nouveaux régimes. Ils permirent également de mettre fin à ce que nous appelions l’« axe de la modération arabe » mené par Hosni Moubarak et l’Arabie saoudite. Les politiques de la Ligue arabe étaient totalement soumises à cet axe par l’intermédiaire de son secrétaire général de l’époque Amr Moussa. Ce changement accentua le bouleversement des rapports de force en défaveur des États-Unis et de l’entité sioniste.

Les révolutions arabes se sont appuyées sur le slogan « le peuple veut la chute du régime », c'est-à-dire la chute des politiques conduites par ce régime. Ce slogan s’appliquait notamment à la question palestinienne et à la position de ces régimes quant à la résistance à l’occupation sioniste. Depuis 2001, les régimes tunisien et égyptien étaient entrés dans une phase de connivence avec les politiques étasunienne et sioniste. Cette connivence s’est clairement manifestée lors des guerres de 2006 au Liban et de 2008-2009 à Gaza. Toute la responsabilité de l’attaque sioniste fut imputée au Hezbollah puis au Hamas. Ces derniers ont dû tenir tête à l’Arabie saoudite, à un grand nombre de pays arabes et au secrétariat général de la Ligue arabe jusqu’à ce que deux sommets arabes condamnent les deux agressions sionistes.

D’un point de vue objectif, en prenant en compte les rapports de force actuels, et en faisant abstraction des slogans énoncés par les révolutions ou les politiques mises en place par les gouvernements de transition, le seul renversement du régime de Hosni Moubarak et l’effondrement de l’« axe de la modération arabe », ont constitué un changement allant dans le sens des Palestiniens et contre celui des États-Unis et de l’entité sioniste.

La situation arabe a imposé d’insister tout particulièrement sur les affaires intérieures et sur l’introduction de modifications internes à chaque pays. Elle a provoqué une trêve dans les conflits avec l’extérieur. Toutes ces orientations s’inscrivaient dans la continuité des slogans révolutionnaires qui insistaient particulièrement sur les affaires intérieures. Les slogans du peuple exprimant la volonté de libération de la Palestine se manifestaient uniquement par intermittence.

Cette évolution s’est accompagnée d’une division dans les rangs des forces et des courants qui s’étaient réunis sur le terrain et qui avaient participé ensemble à la chute des régimes et à la victoire des révolutions. Lors de la phase de transition, l’adhésion rapide à un processus électoral parlementaire et présidentiel, a joué un rôle fatal. Il a permis l’approfondissement des fissures dans les rangs des forces et des courants ayant mené les révolutions.

La guerre à Gaza en novembre 2012, les expressions politiques, militaires et combatives de la part de la résistance sous le commandement du Hamas et du Jihad islamique, et le fait que ces mouvements aient réussi à imposer les conditions de la résistance lors de l’accord de cessez-le-feu, confirment que le rapport de force n’est plus à l’avantage des États-Unis et de l’entité sioniste. Les modifications se sont produites dans le sens du renforcement de la cause et de la résistance palestinienne. Ce renforcement apparaitra de manière plus évidente si une troisième intifada éclate en Cisjordanie afin de repousser l’occupation, de démanteler les colonies et de libérer al-Quds sans condition.



(1) Note de la traductrice : Cette analyse a été écrite avant le coup d’État des généraux égyptiens. Elle garde toute sa pertinence et permet de mieux comprendre ce coup de force. En revanche, la conclusion optimiste de Mounir Shafiq semble obscurcie par les dernières évolutions.
(2) NDT : Le 29 novembre 1947, le plan de « partage » de la Palestine fut approuvé par l’Assemblée générale de l’ONU, à New York par le vote de la résolution 181, par 33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions. Les Palestiniens ne furent, bien évidemment, jamais consultés dans la mise au point de ce projet de colonisation. Le plan prévoyait la partition de la Palestine en trois entités, avec la création d’un État juif et d’un État arabe, la ville d’al-Quds et sa proche banlieue devaient être placées sous contrôle international.  Le plan fut rejeté par les Palestiniens car il organisait, au nom de la légalité internationale, leur spoliation.
(3) NDT : Dans un article de la Revue française de Science Politique, Renata Fritsch écrit : « Après avoir dénoncé, en 1946 et dans les premiers mois de 1947, le sionisme comme un complot impérialiste britannique contre les peuples arabes, l’URSS accomplit une véritable volte-face dès que le gouvernement britannique eut annoncé sa décision de renoncer à son mandat sur la Palestine. Elle prit alors le parti des Juifs contre les Arabes, appuya le projet de partage de la Palestine et fut même la première puissance à reconnaitre le nouvel État d’Israël de jure. Pendant le conflit armé qui, en mai et juin 1948, opposa les pays arabes à Israël, l'U.R.S.S. lui apporta son soutien et lui fournit même des armes, par l'intermédiaire de la Tchécoslovaquie ». Cf. Renata Fritsch, « La politique de l’Union soviétique », In. Revue française de Science Politique, 1969, pages 402-413. URL : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1969_num_19_2_393160
(4) NDT : Notons que la revendication de l’application des résolutions de l’ONU et du « droit international » qui sont souvent perçus comme le summum de la « radicalité » subversive pour les mouvements de « solidarité » avec la Palestine en Occident, sont vus comme le premier pas vers la capitulation face à la colonisation sioniste par un Palestinien comme Mounir Shafiq. Cette différence d’appréciation nous montre que la lutte pour décoloniser la Palestine passe aussi par une décolonisation du mouvement de « soutien » avec la Palestine.
(5) NDT : Votée le 22 novembre 1967, la résolution 242 demandait, notamment, le retrait des troupes d’occupation sionistes des « territoires occupés » et d'établir une « paix » durable « garantissant la sécurité de tous », des occupants comme des occupés. En reconnaissant cette résolution limitant l’occupation sioniste aux seuls territoires conquis en juin 1967, les États arabes entraient de plain-pied dans un processus de « normalisation » de la colonisation sioniste de la Palestine et de la nation arabe.
(6) NDT : Également connu sous le nom du traité de paix israélo-jordanien. Les relations entre les deux pays sont ainsi normalisées et les « contestations » de territoires sont résolues par ce traité. 
(7) NDT : Parmi ces États arabes, citons : le Maroc, la Tunisie ou encore le Sultanat d’Oman.



Source : Arab Renewal.info

Traduction : Souad Khaldi

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