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Palestine - 29 janvier 2011
Par Refaat Alareer
Refaat Alareer est professeur d'anglais à l'Université islamique de Gaza.
La récente diffusion, par Al Jazeera, des documents cachés portant sur les six dernières années de négociations israélo-palestiniennes montre à l'observateur que les Palestiniens de la rue ne sont pas les principaux acteurs dans l'élaboration de leur avenir, et que les négociateurs ne font pas sérieusement leur boulot. Les documents révélés ont choqué certains d'entre nous, et ont été considérés comme de vieilles informations par d'autres, qui avaient été pris pour des tenants des théories conspirationnistes. Deux choses en particulier ont laissé la majorité d'entre nous sans voix : la future carte palestinienne a été dessinée sur une serviette de table (oui, une serviette de table) et l'offre super-généreuse de la plus grande Jérusalem de l'histoire faite (non, pas aux Palestiniens), aux Israéliens.
Le feu vert pour les colonies a été donné, non par les Américains, mais par les Palestiniens qui étaient censés lutter pour nous et pour nos droits. Des colonies illégales comme French Hill, Ramat Alon, Ramat Shlomo, Gilo, Talpiot et le Quartier Juif, dans la vieille ville de Jérusalem, ont été cédées à Israël. Quelques 120.000 colons juifs vivent dans ces secteurs, constitués de terres prises à des fermiers palestiniens, dont les parents et les arrière-arrière-grands parents en étaient propriétaires, les avaient labourées et plantées pendant des milliers d'années. Même les Israéliens se sentent faibles et embarrassés lorsqu'ils abordent les raisons pour lesquelles ils s'en sont emparés.
Et maintenant, d'un trait de plume sur une quelconque serviette de table, peut-être d'énormes pans de Palestine se sont volatilisés. Juste comme ça. Et le négociateur chef (grand, suprême, ou autre) s'est réjoui de ce qu'il a appelé "l'échange", qui consistait en réalité à abandonner des parties de la ville sainte de Jérusalem pour des bouts de terre quelque part dans le désert.
Le lecteur pourrait penser que nous, Palestiniens, sommes une bande de pauvres imbéciles, avec des négociateurs amateurs qui n'ont que deux ou trois ans d'expérience sur le terrain. Non ! Nous avons autant de spécialistes, dans chaque domaine nécessaire à de tels pourparlers, que n'importe quel pays développé. Et ceux qui ont fait ces concessions honteuses ont plus de 20 ans d'expérience. L'ironie est que les experts n'ont pas été choisis pour participer aux négociations, pas plus que les négociateurs n'ont obtenu la permission des Palestiniens.
Et la serviette de table ! C'est une autre saga dégoutante. Je ne connais rien aux négociations, mais quand je veux négocier, je prends un stylo et un morceau de PAPIER. La carte sur la serviette de table, ou "mapkin" (1), montrait les échanges proposés par Israël dans le secteur de Jérusalem. Israël garderait toutes ses principales colonies - Ma’ale Adumim, Ariel, Kedumim et autres – aucune n'a été incluse dans l'offre aux Palestiniens. En un mot, notre avenir, nos terres, nos lieux saints, nos espoirs et nos rêves se trouvaient sur ce morceau de tissu !
Et devinez quoi ? En échange, les Israéliens nous ont donné – rien du tout ! Ils n'ont fait aucune concession. Ils n'ont fait aucun geste. Ils n'ont fait montre d'aucun signe de compréhension ou d'échange qui aurait pu être appelé "un cadeau". Maintenant, je demande, jusqu'où devons-nous aller dans les concessions avant que les Israéliens ne commencent à penser enfin à nous donner quelque chose ? Combien de fois devrons-nous nous battre et nous immoler en sacrifice sur l'autel israélien avant que les Israéliens n'admettent enfin que nous sommes pacifiques et que nous méritons un Etat indépendant ? Combien d'autres années d'expérience faudra-t-il à l'équipe des négociateurs palestiniens pour qu'ils apprennent qu'ils doivent prendre les choses au sérieux, et emporter du papier lorsqu'ils vont discuter de notre futur Etat, au lieu de gribouiller sur un morceau de tissu ? Quand décideront-ils que les masses populaires ont le droit de savoir ce qui se passe dans la pénombre des chambres des hôtels cinq-étoiles ?
Il y a un point que tant Israël que la communauté internationale négligent, ou préfèrent négliger. Même si la Palestine ou sa presque totalité est donnée aux Juifs, nous, Palestiniens, nous n'approuverons jamais de telles concessions honteusement répréhensibles. Et ces gens-là ne nous représentent tout simplement pas ! Nous n'avons signé aucun document. Nous ne leur avons pas envoyé de serviettes de table. Nous ne leur avons pas donné le feu vert pour commencer à abandonner quoique que ce soit comme ça leur chante.
Tout ce que j'espère, en fin de compte, c'est que la serviette de table n'ait pas été griffonnée avec un crayon ni jetée dans quelque toilettes cinq-étoiles. Et si on l'a perdue, ces "négociateurs" pourris devraient se méfier des Othellos qui pourraient mettre un terme à leurs virées sur le dos et la tête du peuple le plus déterminé et endurant, qui les étouffera non pas avec un oreiller moelleux mais avec la première serviette sale trouvée dans quelque décharge lointaine.
(1) Jeu de mot anglais intraduisible en français, constitué de : "napkin", serviette de table, et "map", carte.
Source : In Gaza, My Gaza!
Traduction : MR pour ISM
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Refaat Alareer
29 janvier 2011