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Palestine - 7 janvier 2010
Par Nadia Hijab
Nadia Hijab est analyste indépendante et travaille à l'Institut des Etudes Palestiniennes.
Lors d’une visite à Ramallah l’an dernier, pendant les bombardements israéliens sur Gaza, je partageais mes craintes avec un bon ami palestinien. « Cela peut sembler fou, mais je pense que le véritable objectif des Israéliens est de les voir tous morts. » Mon ami m’a répondu de ne pas dire de sottises, que l’attaque était horrible, mais que ce n’était pas un meurtre de masse. Je lui ai dit que là n’était pas la question : c’était une population déjà très vulnérable après des années de siège, avec ses infrastructures pourries, son eau et sa nourriture contaminées. La guerre d’Israël pousserait sûrement la population au bord de la catastrophe, en particulier si le siège était maintenu – comme il l’a été.
En d’autres termes, Israël ne tuerait pas directement des dizaines de milliers de Palestiniens, mais il créerait les conditions pour que des dizaines de milliers meurent. Et la moindre épidémie pourrait « finir le travail ». Mon ami est resté silencieux, mais a pourtant hoché la tête, incrédule.
Deux choses ont changé depuis l’année dernière : davantage de gens ont commencé à qualifier de « génocide » ce qu’Israël fait à Gaza. Et non seulement Israël est directement accusé, mais aussi, de plus en plus, l’Egypte.
Est-ce un génocide ? La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide – un document clair et concis adopté par les Nations Unies en décembre 1948 – établit que « le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. »
Trois de ces actes s’appliquent à la situation à Gaza :
« (a) Meurtre de membres du groupe ;
(b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
(c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle. »
Des juristes sont en désaccord sur l’interprétation des articles de la Convention et il s’est avéré difficile, au cours des années, de définir les crimes de génocide, et encore moins de les empêcher ou d’y mettre fin.
Dans la ligne du précédent en Bosnie –seule qualification officielle de génocide à ce jour – il serait nécessaire d’établir l’intention délibérée pour qu’une accusation de génocide contre Israël soit valable en justice.
Le gouvernement d’Israël n’a pas, bien entendu, émis de déclaration d’intention.
Cependant, on peut dire que nombre d’officiels israéliens l’ont fait. Par exemple :
• Mettre les Palestiniens de Gaza “au régime” – Don Glass, conseiller en chef d’Ariel Sharon, en 2006.
• Les exposer à une "plus grande shoah (holocauste)" - Matan Vilani, ancien vice-ministre de la défense, en 2008.
• Diffusion d’édits religieux exhortant les soldats à ne faire preuve d’aucune pitié – les rabbins de l’armée israélienne pendant le conflit actuel.
De telles déclarations concordent avec au moins 3 des “8 stades du génocide” identifiés par Gregory Stanton, président de Genocide Watch, dans les années 1990 après le génocide du Rwanda : classification, déshumanisation et polarisation.
Il y a ensuite la destruction délibérée ou l’interdiction des moyens de subsistance, comme Israël le fait par la terre et la mer. Déjà, le Rapport Goldstone a dit que priver les Palestiniens de Gaza de leurs moyens de subsistance, emplois, logement et eau, liberté de mouvement et accès à une cour de justice, revenait à de la persécution.
Depuis l’attaque de décembre-janvier, de nombreux rapports officiels publiés par des organismes pour les droits de l’homme et l’environnement, ont détaillé l’impact de la guerre et du siège en cours contre la population, le sol, l’air et l’eau, dont l’augmentation des cancers, des malformations à la naissance et des morts évitables. Le taux de mortalité par le virus H1N1 à Gaza était de 9 à la mi-décembre, et de 13 une semaine après – une épidémie à puissance.
Le huitième stade de génocide qu’identifie Stanton est le déni des auteurs « qu’ils ont commis le moindre crime ». Comble d’ironie, Stanton dirigeait l’Association Internationale des Chercheurs sur les Génocides (IAGS) pendant le conflit, qui a clos la discussion sur les actions d’Israël en dépit des protestations, entre autres, d’Adam Jones, chercheur sur le génocide et auteur. Jones et 15 autres experts avaient signé une déclaration affirmant que la politique israélienne était “trop proche, de manière alarmante” du génocide pour être ignorée et appelant à la fin du silence.
Trop proche de manière alarmante est juste. Voici comment Raphaël Lemkin, l’expert juridique polonais et juif qui est à l’origine de la Convention contre le génocide, le définissait en 1943 : « Le génocide ne signifie pas nécessairement la destruction immédiate d’une nation (…). Il sous-entend plutôt un plan d’actions coordonnées visant à détruire des fondements essentiels de la vie de groupes nationaux, dans le but d’annihiler les groupes eux-mêmes. Les objectifs d’un tel plan sont la désintégration des institutions politiques et sociales, de la culture, de la langue, du sentiment national, de la religion et de l’existence économique de groupes nationaux, et la destruction de la sécurité personnelle, de la liberté, de la santé, de la dignité et même des vies des individus appartenant à ces groupes. »
Difficile de concevoir une meilleure description de ce qui se passe à Gaza.
Tous les Etats-membres des Nations Unies ont le devoir d’empêcher et de stopper les actes de génocide. Ce qu’il faut, c’est un pays assez courageux pour prendre la tête du mouvement, avant qu'il soit trop tard.
Source : Uruknet
Traduction : MR pour ISM
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