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Iran - 1 février 2012
Par Comaguer
Bulletin "Au fil des jours et des lectures" n°130, 30 janvier 2012
Seyed Hossein Mousavian est un diplomate iranien installé aux Etats-Unis depuis 2009 en résidence à la prestigieuse université de Princeton. Il faisait partie de l’équipe iranienne qui, en 2003, négociait avec l’Union Européenne un accord de suspension de toute industrie nucléaire en Iran, négociation qui n’a jamais abouti. En effet l’élection de Mahmoud Ahmadinejad à la Présidence en 2005 a mis un terme aux velléités iraniennes de renonciation à ses droits à une activité nucléaire dans le cadre du Traité de non prolifération nucléaire (TNP) dont il est signataire, avec le doit d’inspection de l’AIEA qui en est le corollaire. Seyed Hossein Mousavian, allié au clan des ayatollahs les moins hostiles à l’Occident conduit par Rafsanjani, pouvait difficilement trouver place dans la nouvelle équipe en charge du programme nucléaire mise en place par Ahmadinejad.
D’abord accusé d’espionnage, il fut finalement condamné pour atteinte aux intérêts nationaux mais il n’a pas beaucoup pâti de cette condamnation puisque le gouvernement l’a laissé partir aux Etats-Unis. On voit qu’il a eu un sort beaucoup plus enviable que les cinq experts nucléaires iraniens fidèles au régime et assassinés… Aux Etats-Unis, aucun officiel ne s’est réjoui de son arrivée, ç’aurait été le compromettre et reconnaitre que ses positions y étaient appréciées. On le gardait pour la bonne bouche !
Depuis 2005, l’Iran a mis en service sa première et unique centrale nucléaire à Busher. Cette centrale construite par la Russie qui, contractuellement, fournit le combustible et retraite les déchets, a une très longue histoire mais a fini par fonctionner en 2011.
Par ailleurs l’Iran a poursuivi son programme d’enrichissement d’uranium pour la production dans un réacteur de recherche de radioéléments à usage médical. Cet enrichissement réalisé par le procédé d’ultracentrifugation, procédé de très loin le plus utilisé dans le monde, permet d’obtenir de l’uranium enrichi à 20%, c'est-à-dire plus que l’uranium enrichi entre 3% et 5% utilisé dans le combustible des centrales nucléaires mais beaucoup moins que celui utilisé dans les bombes atomiques et nucléaires, au-delà de 90%.
Cette fermeté de l’Iran dans sa politique d’indépendance nucléaire, dans le respect du TNP et de l’AIEA, a fortement déplu en Israël et aux Etats-Unis non signataires du Traité mais disposant l’un et l’autre - bien que dans des quantités adaptées à leur taille respective - d’un armement nucléaire puissant.
Une première solution pour y mettre un terme aurait consisté à faire battre Ahmadinejad aux Présidentielles. Malgré une forte campagne nationale et internationale en faveur des « Verts » iraniens, la manœuvre a échoué. En attendant les prochaines présidentielles iraniennes fixées à 2013 et auxquelles Ahmadinejad n’a pas le droit de se représenter, la campagne pour faire tomber le régime iranien se poursuit inlassablement mais par d’autres moyens.
Son épicentre est comme toujours en Israël, qui voit dans le bloc constitué autour de l’Iran, en Palestine avec le Hamas, au Liban avec le Hezbollah et en Syrie, une menace sur le projet sioniste. D’où la tentative de déstabilisation du régime syrien et la campagne médiatique outrancière contre l’Iran qui met les menaces de bombardement nucléaire de l’Iran à la Une quasi quotidienne des médias dominants.
La nouvelle « fenêtre de tir médiatique » est la campagne présidentielle aux Etats-Unis. Il s’agit pour les sionistes de soumettre OBAMA à une énorme pression en faveur d’une action militaire irréversible en Iran en faisant agir le lobby sioniste et en lançant contre lui les plus extrémistes des sionistes républicains comme Gingrich. En effet, l’équipe de droite extrême qui gouverne Israël craint que dans un second mandat Obama soit plus libre de ses mouvements et choisisse, compte tenu du bilan négatif des guerres d’Irak et d’Afghanistan et des difficultés budgétaires réelles que connait le pays, d’avoir une approche moins guerrière du Moyen-Orient.
Mousavian va donc pouvoir servir, comme en témoigne l’interview accordée la semaine dernière au quotidien de gauche italien il manifesto et largement diffusée.
Mousavian intervient sur deux sujets : le nucléaire sur lequel, vus ses antécédents, il peut donner l’impression de l’autorité, et la question du détroit d’Ormuz.
Sur le nucléaire, il alimente la campagne sioniste en soutenant que la capacité technique iranienne démontrée d’enrichir l’uranium à 20% conduit nécessairement le pays à l’enrichissement à 90% et donc à la bombe atomique. Cette première affirmation mérite l’attention. Il n’y a effectivement pas de saut technologique pour passer de l’enrichissement à 20% à l’enrichissement à 90%. Il faut simplement plus de moyens, plus de centrifugeuses, plus de temps et plus d’argent. Par contre, le passage de l’uranium enrichi à 90% à la bombe suppose la maîtrise d’autres techniques puisqu’il faut un détonateur pour faire démarrer la réaction en chaine. Or il faut savoir que la plupart des essais nucléaires menés par les puissances nucléaires ont été consacrés à la mise au point de ces détonateurs, technologie complexe qui n’a rien à voir avec l’enrichissement de l’uranium. Bien que diplomate de formation, Mousavian ne peut pas ignorer cette réalité mais son silence valide les appels à la destruction préventive de l’industrie nucléaire iranienne et les raisonnements de ceux qui affirment que l’Iran aura la bombe dans six mois.
Cette impasse faite, Mousavian peut sans crainte affirmer qu’aucun obstacle technique n’existant plus, la décision de construire la bombe n’est plus qu’une décision politique. La conclusion saute alors aux yeux : pour empêcher cette décision politique, il faut éliminer sans tarder ceux qui pourraient la prendre, c'est-à-dire l’équipe d’Ahmadinejad.
Sur la question du détroit d’Ormuz, Mousavian hurle là encore avec les loups. L’affirmation selon laquelle la fermeture du détroit d’Ormuz serait une catastrophe pour l’économie pétrolière internationale entre dans la catégorie des petites phrases qui font vaciller dans l’instant les cours de la spéculation internationale sur les matières premières, mais qui méritent un examen attentif.
Du point de vue du droit international maritime, le détroit d’Ormuz est un passage libre entre les eaux territoriales de l’Iran au nord et celles du sultanat d’Oman au sud. L’Iran a signé mais n’a pas ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Pour autant il se conforme à ses principes et serait en droit d’intervenir si les navires empruntant le détroit l’attaquaient. Dans la vie de tous les jours, les navires de la V° flotte US (les USA n’ont pas signé la Convention mais sont très vigilants sur son respect par les autres), dont le QG est à Bahreïn, vont et viennent librement dans le détroit d’Ormuz. Donc la fermeture éventuelle du détroit ne serait que la conséquence et la riposte iranienne à une agression militaire.
Du point de vue logistique il faut souligner que, bien que l’Iran ait plusieurs centaines de kilomètres de côte sur la mer d’Arabie, tous les ports pétroliers iraniens sont à l’intérieur du Golfe Persique. Donc si l’Iran fermait le détroit d’Ormuz, il ne pourrait plus vendre son pétrole et son gaz. Les Saoudiens ont eux à Yanbu un débouché sur la Mer Rouge, et les émirats viennent d’achever la construction du pipeline Habshan-Fujairah qui évite le détroit et aboutit à Fujairah, sur la Mer d’Arabie, et celle d’un gazoduc qui rejoint le même port. Même si ces solutions de rechange ne permettent pas de remplacer intégralement le passage par Ormuz, l’Iran serait donc la principale victime avec l’Irak de la fermeture du détroit.
Au total, l’interview de Hossein Seyed Mousavian apparait pour ce qu’elle est : un coup de main à la politique d’Obama qui consiste à calmer temporairement la direction sioniste extrémiste et à poursuivre la déstabilisation du régime iranien, opération complexe, incertaine, à incidence géopolitique planétaire, qui ne doit pas être lancée brutalement par les énervés de Tel Aviv.
Suprême habileté, MOUSAVIAN s’est déclaré indépendant de « verts » iraniens et soucieux de rester dans son rôle d’expert. Une bonne recrue pour la Maison Blanche !
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Source : Comaguer
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