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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Au Revoir au prêtre courageux de Gaza

Par

Stuart Littlewood est l’auteur du libre Radio Free Palestine, dans lequel il raconte le calvaire des Palestiniens sous occupation. www.radiofreepalestine.co.uk pour plus d’informations.

J’ai appris que Frère Manuel Musallam, le prêtre catholique de Gaza, a finalement pris sa retraite à 71 ans. Il sera difficile à remplacer. Beaucoup d’entre nous craignaient que sa mauvaise santé ne le force à raccrocher sa soutane l’année dernière, mais il est revenu dans la mêlée pour être au milieu de sa communauté pendant les heures les plus sombres, lorsque les psychopathes d’Israël, avec un signe de tête approbateur de l’Amérique et de l’Union Européenne, ont lâché leur blitzkrieg pour tenter d’écraser les Gaziotes isolés et affamés.

Au Revoir au prêtre courageux de Gaza


De gauche à droite : le Sheik Hussein, Monsieur Ahmed As-Soufi, un représentant du Fatah, le Père Manuel et le Dr Attala Abu Siba, Ministre de la Culture du gouvernement élu du Hamas. (Photo MG-ISM)

C’est simplement la continuation de la guerre religieuse haïssable des fanatiques sionistes pour déloger de la Terre Sainte les Musulmans et les Chrétiens. Et ils sont heureux de puvériser et de mutiler des femmes et des enfants palestiniens pour avoir le contrôle exclusif. Mais qui s’en préoccupe ? Certainement pas ceux qui sont haut placés, à Washington et à Londres, dont le lobby israélien tire les ficelles, une espèce méprisable pour qui la vie, le droit et les droits humains ont si peu de valeur qu’ils ont permis – non, encouragé et équipé – aux racistes et aux voleurs de terre de bombarder, déposséder et nettoyer ethniquement des civils palestiniens, depuis 61 ans, en toute impunité. L’ennui, c’est que les Palestiniens ne se soumettent pas.

J’ai eu le privilège de rencontrer le vieil homme d’église bourru en 2007, lorsque la vie était déjà insupportable après 18 mois de blocus et de sanctions sévères. Pendant 9 ans, Frère Manuel n’a pas quitté la Bande pour aller voir sa famille, de peur que les Israéliens ne le bloquent à son retour et laissent son église et son école sans prêtre. Nous étions les premiers visiteurs du monde extérieur qu’il ait vus depuis de nombreux mois.

Il a fréquemment parlé des tourments et des terribles conditions infligés au peuple gaziote. Il a dit clairement ce que d’autres hommes d’église – et bien sûr les hommes politiques et les diplomates – ont peur de dire. Il a dit aux journalistes qu’en 14 années de prêtrise, il a vu la situation humanitaire empirer dramatiquement. « Nos précieux arbres ont été déracinés. Nos bâtiments ont été détruits. Nos rues ont été détruites. Notre terre a été incendiée par les bombes et nous ne pouvons plus rien produire. Nous ne sommes plus que des consommateurs maintenant. Le matériel et les voitures sont vieux. Tout a besoin d’être renouvelé. » Et il avertit que les gens deviennent plus agressifs. « Il y a beaucoup plus de haine contre la situation dans laquelle ils se trouvent – en particulier parmi les jeunes. »

Frère Manuel fut aussi très troublé par l’exode des Chrétiens pour échapper à l’oppression israélienne interminable et chercher une vie meilleure ailleurs, reflétant l’inquiétude exprimée par beaucoup d’autres que la Chrétienté accepte d’être «nettoyée religieusement »de la Terre Sainte, avec à peine un murmure ou une protestation. Il a vu le contingent des Chrétiens de Gaza se réduire à 5.000 âmes, sur une population de 1,5 million d’individus entassés.

Il parle aussi avec angoisse des 1.400 de Gaziotes tués dans la dernière blitz, les plusieurs milliers de sans abri et les centaines de milliers qui n’ont pas d’eau, pas de sanitaire, pas de nourriture ni de soins médicaux – parce que les infrastructures déjà débordées ont été complètement soufflées par les armes et les explosifs fournis par les USA.

En Janvier, au plus fort de l’accès de folie meurtrière d’Israël, le Frère Manuel a envoyé ce message, depuis les ruines fumantes, à quiconque écouterait :

« Notre peuple à Gaza est traité comme des animaux dans un zoo. Ils mangent mais continuent d’avoir faim, ils pleurent mais personne n’essuie leurs larmes. Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, pas de nourriture, seulement la peur, la terreur et le blocus… Nos enfants vivent dans un état de traumatisme et de crainte. Ils en sont malades, et aussi de la malnutrition, de la pauvreté et du froid… Les hôpitaux n’ont pas de quoi donner les premiers soins de base, et maintenant, des milliers de blessés et de malades affluent et ils opèrent dans les couloirs. La situation est triste et effrayante. »

Et, dans ce qui ressemble à de l’exaspération, il ajoutait :

« Puisse la compassion du Christ ranimer notre amour pour Dieu, même si actuellement, il est ‘en soins intensifs’. »

Quelques jours plus tard, il écrivait :

« Des centaines de personnes ont été tuées, et bien davantage ont été blessées dans l’invasion israélienne. Notre peuple a enduré le bombardement de ses maisons, ses cultures ont été détruites, ils ont tout perdu et beaucoup sont sans abri. Nous avons enduré les bombes au phosphore, qui ont causé d’horribles brulures, surtout aux civils. Comme les premiers Chrétiens, notre peuple traverse une période de grande persécution, une persécution dont nous devons nous souvenir pour les générations futures, comme une affirmation de foi, d’espoir et d’amour. »

Les dirigeants occidentaux ont tourné le dos pendant que leur « allié » ignoble, avec qui ils affirment partager tellement de valeurs, perpétrait ceci et d’autres atrocités contre les Chrétiens et les Musulmans. C’était leur devoir d’intervenir, mais ils ne l’ont pas fait, à la honte infinie des citoyens ordinaires américains, britanniques et européens.

Comme si cette infamie n’étaient pas suffisante, l’aide humanitaire et les matériaux de construction pour Gaza sont toujours bloqués par Israël et la communauté internationale est trop lâche pour assurer leur passage. « La destruction est de plus en plus profonde, » disait Frère Manuel. « La situation empire. Beaucoup, beaucoup de familles souffrent. »

Mais la résilience des Palestiniens est étonnante. Le Patriarche Fouad a récemment rendu visite à l’école du Frère Manuel à Gaza pour participer à une cérémonie de remise des prix qui fut par la suite décrite comme « un hymne à la vie et à l’espoir… A peine quelques mois après la folie sanguinaire qui s’était abattue sur la ville, des chansons, des danses, des costumes colorés, des sourires des enfants, la joie des étudiants récompensés, des parents et des familles fières ont montré que la vie n’est pas morte à Gaza. »

Cette école catholique est aussi très appréciée par les familles musulmanes et beaucoup d’entre elles y envoient leurs enfants. Je me souviens d’un accueil formidablement chaleureux d’élèves des deux fois, dans la salle de réunion où un immense portrait du Pape veillait sur la cérémonie. Sur le mur adjacent, était accroché un portrait tout aussi grand de Yasser Arafat.

Je voulais savoir comment le Frère Manuel s’était entendu avec le gouvernement Hamas, et comment les deux religions ont interagi et se sont tenues ensemble en face de l’ennemi commun. Il se trouve que le Premier Ministre Ismail Haniyeh est un imam et leurs relations furent très bonnes, tous les deux étant des hommes de foi et de courage. Tant l’un que l’autre sont avant tout des Palestiniens – passionnément – et c’est sans aucun doute aussi important dans leur relation que la courtoisie professionnelle.

“Le Pape devrait voir Gaza, et il pleurerait comme jamais auparavant”

Le seul hommage officiel que j'ai vu jusqu'ici adressé au Frère Manuel dit « qu’il a fait un travail formidable au cours des nombreuses années où il a été à Gaza, où il a apporté beaucoup de soutien à la communauté chrétienne et à beaucoup d’autres. »

C’est tout ? C’est tout ce que l’Eglise trouve à dire sur un de ses serviteurs les plus remarquables, qui a servi Dieu et la communauté pendant de nombreuses années périlleuses dans le trou à rats le plus tristement célèbre au monde ?

Par deux fois j’ai envoyé un email au Patriarche latin lui demandant une copie des nouvelles diffusées sur le départ à la retraite de Frère Manuel, mais je n’ai reçu aucune réponse. Triste spectacle quand l’Eglise ne salue pas ses héros. C’était il y a cinq jours.

La portée des relations publiques du Vatican est pour le moins branlante, le meilleur exemple étant la décision du Pape Benoit XVI de ne pas passer par la Bande de Gaza lors de son voyage en Terre Sainte. Espérons que Sa Sainteté arrive à trouver le temps entre ses visites au Mémorial Yad Vashem et au Mur des Lamentations, et son flirt avec la fine fleur du régime sioniste pour venir dire bonjour à Frère Manuel et reconnaître le dévouement et le courage de cet homme extraordinaire.

Le Vatican décrit la visite comme un pèlerinage, ce qui suggère habituellement un voyage aux desseins à la portée morale élevée.

Verrons-nous le Pape rejoindre la file des Palestiniens au terminal de Bethléem qui va à Jérusalem, et attendre trois heures humiliantes que cela prend souvent avant d’être autorisé à se traîner à travers le parc à bestiaux entouré d’acier pour faire sa journée de travail ? Ou être refoulé par pur désir de vous emmerder ?

Tentera-t-il de faire l’expérience du processus de déshumanisation dernier cri au passage d’Erez, et sera-t-il obligé de se déshabiller comme beaucoup d’autres ? Après cela, il devrait voir Gaza et pleurer comme il n’a jamais pleuré auparavant. Il aurait au moins quelque chose de moralement significatif à dire aux dignitaires d’Israël.

Quant au Frère Manuel, je doute que Dieu en ait fini avec lui. Il y a une montagne de boulot à faire, et les hommes capables sont difficiles à trouver.

_____________________

Sur le Père Mussalam, lire également :
Père Manuel Mussalam : « Je serai le dernier à quitter Gaza »
Par MG, ISM-France, 28 janvier 2009

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