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Qalqilia - 8 juillet 2008
Par Rory McCarthy
Il a été appelé «Mur», «Barrière de sécurité» et «obstacle» contre les terroristes. Quand il sera fini, il fera 300 km et aura coûté à Israël environ 4 milliards de dollars.
Pour les uns, il signifie la sécurité, pour les autres, il est le moyen de ruiner leur futur. Il y a quatre ans cette semaine, la cour internationale de justice a déclaré que la barrière israélienne de sécurité était illégale parce qu'elle passait dans le territoire palestinien. Aujourd'hui, Rory McCarthy explore les vies des gens de chaque côté de la barrière et toute cette semaine, The Guardian examinera ses implications pour le règlement du conflit le plus sérieux au Moyen Orient.
Il y a un mois, Mazooz Qadumi a expédié le dernier paquet de demandes des habitants de Jayyous pour l'autorisation d'accès à leurs terres arables dans ce coin fertile de la Cisjordanie occupée. La réponse des militaires israéliens est arrivée ce matin : deux pages de noms et de commentaires griffonnés.
De nouveau, le message est peu encourageant. Cette fois, parmi les 32 personnes qui ont demandé une autorisation, seulement quatre ont reçu des laissez-passer et ceux-ci sont temporaires, seulement pour trois petits mois et effectifs seulement de l'aube au crépuscule.
«Je dois dire à tous ces gens qu'ils ont été refusés et qu'il n'y a rien que je puisse faire pour ça. Je dis juste aux gens de ne pas abandonner et d'essayer de nouveau», a dit Qadumi, qui travaille à la municipalité de Jayyous. « Et à la fin, s'ils ne peuvent pas aller sur leur terre, leurs récoltes périront ».
Le régime des laissez-passer fait maintenant partie intégrante de la vie à Jayyous. En juillet 2003, les autorités israéliennes ont achevé leur «barrière de sécurité», qui coupe en deux le coeur de Jayyus, coupant le village de ses terres arables et de ses serres.
Là où autrefois Jayyous était un village de 13 000 dunums (1300 hectares), 8 600 dunums, dont les six puits d'eau de source du village, se sont retrouvés derrière la barrière, accessible seulement à quelques-uns et seulement à travers deux portes - qui ouvrent chacune une heure trois fois par jour. Les terres du village derrière [la barrière] comportent 12 000 oliviers et 25 000 arbres fruitiers.
Israël maintient que cette barrière est purement pour la sécurité.
«Évidemment la barrière peut créer quelques difficultés pour ceux qui vivent là, qu'ils soient juifs ou arabes, mais nous devons mettre la vie humaine comme priorité numéro un et puisqu'elle sauve la vie humaine nous trouvons cela important » a dit Arye Mekel, porte-parole du ministère des Affaires Étrangères. Il a ajouté que les autorités essayaient de réduire le plus possible les cas où elle gêne les gens (sic).
Une de ceux qui sont gênés par la barrière est Lutfiyah Khalid, une femme célibataire de 40 ans. Bien qu'elle ait eu un laissez-passer dans le passé, elle a été refusée trois fois, toujours sous couvert de «sécurité» - aucun détail supplémentaire n'est jamais donné.
D'autres sont refusés parce que les militaires israéliens considèrent qu'ils n'ont «aucune connexion avec la terre» ou parce qu'ils nient qu'ils aient aucune terre arable à l'ouest de la barrière – de nouveau aucun détail n'est donné. Il y a 3500 personnes dans le village : seulement environ 170 ont des pemis.
« Je ne peux vraiment pas expliquer ce qu'ils essaient de faire en agissant ainsi » dit-elle. «C'est une occupation au vrai sens du terme et bien sûr cela nous affecte économiquement – nous vivons de cette terre depuis toujours».
Sa famille possède 30 dunums de terre du côté ouest de la barrière, plantés d'oliviers, de goyaviers et avec de grandes serres pour les tomates et les concombres.
Khalid est l'une des cinq frères et soeurs mais dans sa famille seulement deux ont un laissez-passer pour aller sur leur terre : sa mère, qui à 70 ans, est trop faible pour travailler, et un frère. Déjà la famille a dû vendre une de ses serres, avec une perte de plusieurs milliers de francs, parce qu'ils ne pouvaient pas maintenir les récoltes.
«C'est une politique de confiscation de notre terre pour nous pousser à émigrer», dit-elle. «mais plus ils nous rendront la vie dure, plus nous resterons».
«C'est une guerre psychologique » a ajouté Qadumi.
Le tracé de la barrière donne aussi de la place pour l'expansion de Zufin, une colonie juive établie en 1989 sur la terre traditionnelle de Jayyous.
La zone juridictionnelle de Zufin est déjà dix fois plus grande qu'une zone couramment construite. Les groupes israéliens pour les droits de l'Homme, dont B'Tselem et Bimkom, ont argué que la «première considération» pour le tracé de la barrière autour de Jayyous n'était pas la sécurité, mais de faire de la place pour l'expansion de la colonie.
Après une longue bataille juridique, la haute cour israélienne a ordonné la révision du parcours de la barrière, mais il est probable qu'environ 6000 dunums de la terre de Jayyous vont rester du côté «israélien» et que Zufin pourra en effet s'accroître sur cette terre.
C'est un schéma qui se répète tout le long de la barrière et, en utilisant des lois qui datent du mandat britannique, les autorités israéliennes revendiquent le droit de confisquer la terre qui n'est pas cultivée depuis plus de trois ans. Les Palestiniens craignent que s'ils ne peuvent pas atteindre leur terre, ils la perdent pour toujours.
Souvent, c'est la bureaucratie de l'occupation qui est le plus difficile. Il faut six documents pour un permis : une copie d'une carte d'identité israélienne, une copie du précédent permis, un document certifiant l'héritage de la terre, la preuve de la municipalité approuvée par un tribunal que la terre n'a pas été vendue, une carte de la terre, et un Tabu ou un Ikhraj Qayd valides, le document de propriété original datant de l'époque ottomane ou jordanienne. Ce n'est pas toujours suffisant.
Shareef Omar, 65 ans, a environ 190 dunums de terre à l'ouest de la barrière. Il a un permis de trois mois, qui court jusqu'en juillet et il ne sera peut-être pas renouvelé – l'année dernière ses demandes de permis ont été rejetées pendant plusieurs mois. Aucun de ses trois fils n'a de permis, pas plus que son petit-fils.
Omar a hérité sa terre de son père mais à cause des différences entre les façons jordanienne et israélienne d'enregistrer les noms il est quasiment impossible de convaincre les militaires israéliens que la terre peut éventuellement passer par ses fils à son premier petit-fils. C'est un problème de plus en plus courant.
« Qu'arrivera-t-il à cette terre ensuite ? » a demandé Omar. «Cette question me rend vraiment très soucieux pour le futur. Après tout ce temps ils finiront par trouver de nouveaux moyens de nous priver de nos permis» dit-il.
« Si Jayyous perd plus de 70% de sa terre ce la signifie que vous demandez aux gens de Jayyus d'émigrer et de quitter le village parce que vous ne pouvez pas continuer » dit Omar. « Si nous perdons cette terre comment pouvons-nous résister ? Comment pouvons-nous continuer ? Et ils parlent de paix ? »
Source : The Guardian
Traduction : MM pour ISM
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