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Israël - 11 avril 2009
Par Khaled Amayreh
Après une seule semaine aux affaires, le nouveau gouvernement israélien découvre pour de bon qu’adopter une plateforme extrémiste au sujet de la question palestinienne est une chose, et la concilier avec les dures réalités politiques mondiales en est une autre, situation fâcheuse qui devient de plus en plus « la » caractéristique d'un gouvernement considéré le plus à droite, le plus boursouflé et le plus excentrique de l'histoire d'Israël.
Rencontre Obama (alors candidat aux présidentielles US) - Netanyahu (alors chef de l'opposition israélienne) à Jérusalem, le 23 juillet 2008 (photo AP)
En effet, avec jusqu’à 30 ministres et neuf vice-ministres sous ses ordres, le Premier ministre Binyamin Netanyahu essaie désespérément d'apporter un peu d'harmonie à son gouvernement.
Cependant, il est clair que cette tâche ne peut être qu’en partie réalisée étant donné le délicat équilibre des forces au sein de la large et potentiellement fragile coalition, ainsi que la vulnérabilité propre à Netanyahu d’être victime de chantage de la part de quelques-uns de ses partenaires de coalition qui pourraient renverser le gouvernement à tout moment de leur choix, selon leur humeur.
Cette semaine, la première « surprise » est venue d'Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires Etrangères va-t-en-guerre d'Israël, qui a clairement dit que pour ce qui le concernait, le mot « Annapolis » n’existait pas dans son lexique et que même son acceptation de la « feuille de route » soutenue par le quartette était conditionnée à la prise en compte de diverses réserves présentées par l'ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, qui ont rendu impraticable le plan original de conception israélienne.
« La conférence Annapolis n'a aucune validité, » a dit Lieberman, qui parlait à une cérémonie de passation de pouvoir au Ministère des Affaires Etrangères israélien le 1er avril. Il a ajouté que « il y a un document qui nous oblige et ce n'est pas la conférence Annapolis. »
Lieberman, qui, selon quelques sources israéliennes, en est à se voir lui-même comme « le second parmi ses pairs » vis-à-vis de Netanyahu, a affirmé qu'Israël n'était pas légalement lié par les accords Annapolis puisque « le gouvernement israélien n'a jamais ratifié l'accord, et la Knesset non plus. »
Les leaders israéliens et palestiniens étaient convenus de lancer des négociations « vigoureuses, suivies et continues » qui mèneraient à un accord de paix global, et de faire tous les efforts possibles pour le conclure avant la fin de 2008.
Tzipi Livni, leader de l’opposition, a fustigé Lieberman, l'accusant « de mettre en danger les intérêts nationaux vitaux d'Israël. » Elle a invité Netanyahu « à serrer la bride » à Lieberman.
Embarrassé par « la nature grossière et fruste » des remarques de Lieberman, Netanyahu est resté pratiquement silencieux, ce qui, selon les observateurs, reflète sa réticence à contrarier Lieberman, qui aurait prévenu qu'il « causerait des ennuis à la moindre ingérence d’en haut dans mon ministère. »
Le porte-parole de Netanyahu a pourtant déclaré que « les déclarations individuelles par des ministres du Cabinet ne reflètent pas nécessairement l'avis du gouvernement. » Il a souligné que les « prochaines semaines » seraient consacrées à l’établissement d'une politique pour l'avancement du processus de paix. « Aujourd'hui, nous allons établir un cabinet de sécurité politique et dans les prochaines semaines, nous terminerons la formulation de notre politique pour faire avancer la paix et la sécurité. »
Laconique et vague, apparemment pour faire plaisir à tous les partis, y compris Lieberman et l'administration Obama, Netanyahu a dit qu'il rechercherait des arrangements permettant aux Palestiniens « de se gouverner » mais sans mettre en danger la sécurité israélienne.
Il n'a pas prononcé les mots « Etat palestinien » ou « solution à deux Etats ». Netanyahu a indiqué en diverses occasions que n'importe quel arrangement de paix avec les Palestiniens devrait permettre à Israël de conserver le contrôle des frontières palestiniennes, des passages frontaliers, de l'électricité, des ressources en eau, de l'espace aérien, des ports et des aéroports. Autrement dit, l'occupation resterait intacte, d'une façon ou d'une autre.
Les leaders palestiniens ont rejeté avec colère « les remarques anti-paix » des représentants gouvernementaux israéliens, qualifiant le nouveau gouvernement en Israël de « raciste et fasciste ».
Le Président de l'autorité palestinienne (PA) Mahmoud Abbas a prévenu que le gouvernement israélien devrait accepter la création d'un Etat palestinien, arrêter la construction de colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem Est et enlever les barrages routiers d'armée qui paralysent les activités économiques palestiniennes. « Sinon, il ne peut y avoir aucun processus de paix, » a dit Abbas pendant une rare visite à Bagdad cette semaine.
Il ne fait aucun doute que Lieberman et consorts vont être un handicap dans les relations publiques pour un Netanyahu expert en la matière. Néanmoins, les positions politiques de Lieberman ne posent guère de problèmes à Netanyahu, puisqu’il les partage dans une très grande mesure. Les réserves principales de Netanyahu résident sur le style de Lieberman, « impudent et si peu diplomate » pour exprimer ses positions, qui nuisent à l’image du gouvernement israélien à l’Ouest, en particulier aux Etats Unis.
Quelques commentateurs israéliens mettent le Premier ministre israélien en garde contre l'adoption d'une approche simpliste sur la question palestinienne, par laquelle le gouvernement israélien utiliserait les mots agréables de bonne volonté en s’adressant à l'administration Obama, tout en restant fidèle à la même vieille politique extrémiste en Cisjordanie , comme le vol de la terre palestinienne et la construction de davantage de colonies juives sur le territoire occupé.
Cette semaine, le Président Obama a précisé à nouveau que son administration était toujours partie prenante de la solution à Deux Etats et qu'il attendait que le Premier ministre israélien honore l'engagement israélien aux accords d’Annapolis.
Parlant pendant sa visite en Turquie cette semaine, Obama a dit la chose suivante en ce qui concerne le processus de paix israélo-palestinien : « Que les choses soient claires. Les Etats-Unis soutiennent fortement le projet de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. C'est l’objectif partagé par les Palestiniens, les Israéliens et les gens de bonne volonté partout dans le monde. C'est le but que les partis ont accepté dans la Feuille de Route et à Annapolis. Et c’est le but que je poursuivrai activement en tant que président. »
Les remarques d'Obama ont fait perdre leur calme à quelques responsables israéliens, et l’un d’entre eux, en colère, a dit : « Nous avons toujours su qu'Obama s'avérerait être hostile à Israël. » Un autre fonctionnaire, le Ministre de l'Environnement Gilad Erdan (Likud) a ouvertement défié le président des EU, disant que « Israël ne reçoit pas d'ordres d'Obama. »
Erdan, tristement célèbre pour ses vues anti-arabes racistes, a dit : « La politique israélienne est faite en Israël, pas à Washington, » ajoutant que « en votant pour Binyamin Netanyahu, les citoyens d'Israël ont décidé qu'ils ne deviendraient pas le 51ème Etat des Etats-Unis. »
Une impasse potentielle avec Washington ne va probablement pas être en faveur d'Israël. Obama est un président très populaire et se servir du puissant lobby juif contre le président pourrait, en ce moment, avoir un effet boomerang sur Israël et sur ses partisans dans l'arène américaine. L’AIPAC elle-même est sous le feu de plusieurs milieux aux USA pour exercer trop d'influence sur la politique américaine et la politique étrangère. De plus, certains signes indiquent qu'Obama ne va pas tranquillement se soumettre au lobby juif, même si et quand ce lobby décidera de se retourner contre le président au nom d'Israël.
Il y a quelques semaines, on a rapporté qu’Obama aurait dit à un responsable chinois de premier rang que les EU sont "les Etats-Unis d'Amérique, pas les Etats-Unis d'Israël."
En fait, il y a déjà plusieurs signaux venant de Washington qui ne sont pas de bon augure pour Israël, du moins pour l'actuel gouvernement de droite.
Tout d'abord, l'administration Obama a déjà prouvé qu’elle ne sera pas aux ordres d'Israël, comme le fut l'ancienne administration Bush.
L'approche moins belliqueuse envers l'Iran adoptée par l'administration Obama a envoyé un message significatif à Israël, à savoir que la politique américaine envers le Moyen-Orient et le monde musulman en général serait faite à Washington, pas à Tel-Aviv, et que les intérêts américains seront toujours prioritaires lors de la formulation de cette politique.
Ensuite, les dernières ouvertures qu’Obama a faites vers le monde musulman pendant sa visite en Turquie cette semaine sont certainement de mauvaises nouvelles pour Israël. Israël a été le principal bénéficiaire de l'invasion américaine et de l'occupation de l'Irak, ainsi que la prétendue guerre contre le terrorisme. Donc, suggèrent les observateurs, même la plus magique des formules de relations publiques n'aidera pas Netanyahu tant qu'il continuera à s'accrocher à ses positions radicales « jabotinskiniennes » quant au conflit avec les Palestiniens.
Source : Al Ahram
Traduction : MR pour ISM
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Khaled Amayreh
11 avril 2009