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Cisjordanie - 13 octobre 2007
Par The Economist
Il y a deux mois, Heftsiba, une entreprise en bâtiment israélienne, a fait faillite.
L'une des raisons de ses ennuis était la publication, l'année dernière, d'un ordre de tribunal gelant le travail sur un grand projet de logements dans une colonie israélienne, située juste à l'intérieur de la Cisjordanie.
Il s'était avéré que le terrain avait été volé à des propriétaires privés du village palestinien voisin, Bilin.
Pourtant après la faillite, la même cour a statué que les immeubles et les futurs acheteurs - qui étaient entrés par effraction et occupaient les appartements après avoir appris la faillite imminente de Heftsiba – pouvaient rester.
Et cela a toujours été ainsi. Peu importe qu'Israël se moque du droit international en installant ses citoyens sur un territoire étranger occupé ;
Ce qui est remarquable, c'est la façon dont les colons ont constamment déjoué les propres lois d'Israël, à la poursuite de ce qui est pour eux les terres bibliques habitées par les intrus palestiniens.
Le cas de Bilin n'était juste qu'une variation sur une méthode éprouvée et testée : saisir la terre illégalement, établir "des faits sur le terrain" difficiles à inverser et puis légaliser la revendication de façon rétroactive par les tribunaux ou le gouvernement.
Le résultat est une Cisjordanie tellement criblée de colonies qu'il est difficile de voir comment on pourrait en enlever suffisamment pour qu'un Etat palestinien viable émerge.
Dans ce livre complet et éclairant, Idith Zertal, une historienne, et Akiva Eldar, un journaliste, expliquent comment quelques dizaines de milliers de personnes ont détourné l'état pour leurs propres objectifs.
Les colonies n'étaient pas à l'ordre du jour officiel après que la capture surprise par Israël des territoires palestiniens en 1967. Mais la pression des jeunes fervents religieux Sionistes a trouvé un écho laïc chez les militaires, qui ont fini par trouver des avantages sécuritaires dans le fait d'avoir des Israéliens en Cisjordanie .
De telles confluences d'intérêts ont été ce qui a conduit la propagation des colonies. Seulement rarement, quand un nouvel avant-poste était trop illégal et tout simplement sans intérêt stratégique, l'appareil de l'état a trouvé le moyen de les forcer à partir.
Avec des politiciens interférant constamment au nom des colons, l'efficacité de l'armée contre les violeurs de la loi a rapidement disparu.
Au cours des années, les attitudes officielles ont évolué. Les gouvernements Travaillistes qui ont dirigé le pays jusqu'en 1977 ont fermé les yeux sur les expropriations de terre pour des besoins "militaires" qui sont ensuite devenues des terres civiles.
Les coalitions plus à Droite qui ont suivi ont embrassé ouvertement les colonies, en concevant d'ingénieuses apparences légales.
Depuis les Accords d'Oslo de 1993 et 1995, Israël a évité d'établir des "nouvelles" colonies via des ruses administratives en agrandissant celles existantes, bien qu'il ait également ignoré les innombrables violations.
Quelque soit le gouvernement au pouvoir, le génie des colons a résidé dans l'exploitation de ses faiblesses et dans la réquisition des fonctionnaires bien disposés.
La colère des auteurs se porte principalement sur les pionniers religieux et leurs alliés laïcs, en particulier Ariel Sharon, dont le retrait des colonies de Gaza en 2005 n'était, disent-ils, rien d'autre qu'un moyen de renforcer la mainmise sur la Cisjordanie .
Mais personne n'échappe au blâme.
Shimon Peres, un vétéran de la politique israélienne, apparaît comme l'un des compagnons les plus utiles des premiers colons.
Yasser Arafat, l'ancien dirigeant des Palestiniens, et Mahmoud Abbas, leur président actuel, étaient toujours en exil à Tunis quand ils ont négocié le premier accord d'Oslo et ils n'avaient aucune idée du nombre de colonies en Cisjordanie .
Au grand dam de leurs conseillers locaux, ils n'ont accepté qu'une contrainte symbolique au sujet de la croissance de la colonisation.
Yitzhak Rabin, le premier ministre qui a signé Oslo et que les auteurs admirent simplement parce qu'il détestait les colons presque autant qu'eux, est fustigé pour avoir gouverné pendant la période ayant l'un des plus rapides taux de croissance des colons et pour avoir toujours nié leur influence.
Ce refus de se rendre à l'évidence a beaucoup à voir avec une incapacité à comprendre comment le sionisme religieux, avec sa croyance messianique que la création d'Israël accélére la Rédemption, était différent du Rabin traditionnel, laïc et nationaliste.
Pour les véritables croyants, une guerre constante avec les Arabes était essentielle pour éviter "l'assimilation (des juifs) dans l'immensité sémite".
Les coûts de cette idéologie pour Israël, sans parler des Palestiniens, ont été énormes.
L'assassin de Rabin en 1995 avait été inspiré par un colon, Baruch Goldstein, qui a tué 29 Palestiniens dans une mosquée d'Hebron en 1994.
Le massacre de Goldstein, selon un ancien conseiller de la direction des services de sécurité israéliens, a également incité le Hamas à commencer sa stratégie d'attaques-suicides contre les civils israéliens.
Et pourtant, les auteurs concluent, que le sionisme traditionnel doit être lui aussi blâmé. Ce fût l'état d'Israël du début, agressivement laïc, qui a réprimé le Sionisme religieux, préparant le terrain à sa renaissance violente, et à la dichotomie dans la nature d'Israël qui doit encore être résolue.
NOTE :
Le livre "LORDS OF THE LAND : The War Over Israël’s Settlements in the Occupied Territories, 1967-2007" d'Idith Zertal et Akiva Eldar qui vient de paraître dans sa version anglaise n'est toujours pas disponible en français. Voir sur Amazon.com
Source : http://www.economist.com/
Traduction : MG pour ISM
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