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Gaza - 26 octobre 2004
Par B. Michael
Article paru dans le quotidien israélien, Yediot Aharonot, le 15 octobre 2004 et traduit de l’hébreu en anglais par The Other Israel. traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier pour www.Quibla.net
Tous ces enfants, je les ai tués dans la bande de Gaza. Et, tous, je les ai tués par erreur. J’explique :… je savais qu’il y avait des enfants, là, et je savais que j’allais en tuer quelques-uns. Mais comme je savais que ce serait "par erreur", cela ne m’a pas particulièrement tracassé.
Tout le monde peut se tromper, n’est-ce pas ?
Seul celui qui ne fait rien ne commet pas d’erreur… Errare humanum est…
Tout le monde peut se tromper : nous ne sommes, tous autant que nous sommes, que des êtres humains.
Deux enfants tués par jour, cela fait, plus ou moins, quatre parents endeuillés par jour. Pourquoi : plus ou moins ?
Parce que certains de ces enfants étaient frères et/ou sœurs. Alors, là, ça fait deux enfants tués pour un couple de parents endeuillés.
Cela vaut peut-être encore mieux, car ces parents étaient déjà endeuillés, de toute manière, alors ils le sont simplement doublement et cela épargne, peut-être, à un autre couple de parents d’être endeuillés ?
Mais c’est peut-être aussi pire, parce qu’être endeuillé, c’est pire qu’être mort, alors : être doublement endeuillé, c’est deux fois pire qu’être mort.
Tiens, du coup, moi, je ne sais plus vraiment quoi choisir…
Tous ces enfants, je les ai tués dans la bande de Gaza. Et, tous, je les ai tués par erreur.
J’explique :… je savais qu’il y avait des enfants, là, et je savais que j’allais en tuer quelques-uns. Mais comme je savais que ce serait "par erreur", cela ne m’a pas particulièrement tracassé.
Tout le monde peut se tromper, n’est-ce pas ?
Seul celui qui ne fait rien ne commet pas d’erreur… Errare humanum est… Tout le monde peut se tromper : nous ne sommes, tous autant que nous sommes, que des êtres humains.
C’est ce qu’il y a de tellement charmant, dans mes petites erreurs : c’est elles qui font que je me sens tellement humain, tellement faillible… pas vrai ?
Ces trente enfants, je les ai tués en commettant toutes sortes d’erreurs. A chaque petite victime, son erreur bien à elle. Il y en a un dont j’ai pensé, par erreur (bien entendu…) qu’il n’était pas un enfant. Et il y en a eu un que j’ai buté parce qu’il s’entêtait à rester exactement à l’endroit que j’avais pris pour cible.
Et puis il y avait cet autre, là, qui lançait des pierres, et qui ne faisait pas du tout ses six ans. Et puis celui qui, vu d’en haut, ressemblait à un terroriste recherché. Ou à une roquette Qassam. Ou à un terroriste tenant une roquette Qassam.
Et puis il y a eu ces gamins qui ont reçu dans la tête – par erreur – les éclats de l’obus que j’avais balancé sur leur maison. Et il y a eu cette gamine qui s’était cachée – par erreur, sans doute – sous son lit, juste au moment où j’ai fait sauter le lit, pour faire sortir la bande de terroristes qui s’était planquée dans la maison. Mais cette gamine-là, elle ne compte pas : c’était son erreur, pas la mienne…
Je me souviens : le plus dur, ce furent mes premières erreurs. J’ai tiré et tiré et tiré, et puis un beau jour ils sont venus me dire que j’avais dézingué un gamin.
Je suis devenu tout pâle, j’avais la bouche sèche, mes genoux jouaient des castagnettes et je n’ai pas très bien dormi, cette nuit-là. Mais, avec le temps, et mes erreurs, tout est devenu plus facile. Aujourd’hui, je commets mes erreurs sans pratiquement ressentir aucun effet secondaire.
Par chance, mes amis, mon entourage… personne n’a fait tout un tintouin autour de mes erreurs les plus minimes.
Tiens, tout juste la semaine dernière : après avoir tué une fillette (par erreur), je lui ai balancé deux erreurs supplémentaires dans la tête, histoire de bien confirmer que j’étais en train de faire une erreur.
Et puis tout le reste de mon chargeur y est passé : il était encore bourré d’erreurs. Naguère, j’aurais bien été infoutu de faire ça…
Je dois à la vérité de signaler que des gens me disent que je fais une erreur en faisant cet aveu. Ils disent que je n’ai jamais mis les pieds à Gaza, que je n’ai pas tiré une seule balle, que je n’ai pas bombardé, que je n’ai pas balancé d’obus de mortier et que je n’ai pas tiré à vue. C’est vrai : je n’ai rien fait de tout ça.
Mais qui a payé les balles ?
Moi.
Qui a acheté le flingo ?
Et financé l’obus de mortier ?
Et le missile ?
Moi. Moi. Et encore : moi !
Et, aussi, qui ne pâlit plus à chaque nouvelle erreur ?
Qui a la bouche qui ne devient plus sèche à chaque fois qu’un nouvel enfant est porté en terre ?
Qui a les genoux qui ne flanchent même plus quand un énième bébé anonyme gît, mort, dans un berceau ensanglanté ?
Qui va se coucher et dort à poings fermés même quand le nombre d’erreurs atteint trente en deux semaines.
Moi. Toujours : moi !
ALORS : S’IL VOUS PLAÎT : NE VENEZ PAS ME DIRE QUE JE N’AI PAS TUE !
Source : www.quibla.net
Traduction : Marcel Charbonnier pour Quibla.net
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