Palestine - 19 janvier 2004

Des esprits indépendants : Ayad Morar et Martin Luther King

Par Adam Shapiro

Adam Shapiro est organisateur pour l’Internatinal Solidarity Movement

Ayed Morar, que tout le monde connaît ici sous le nom d'Abu Ahmad, dort cette nuit en prison et je me demande s’il pense à Martin Luther King jr.
Contrairement au Dr King, Abu Ahmad ne quittera pas la prison d’ici peu et il ne peut pas protester contre son emprisonnement en rendant publique l’injustice morale qui lui est faite, à lui et à son peuple, parce que les puissants du Monde font en permanence la sourde oreille à la détresse du peuple palestinien.

Comme le Dr. King, pourtant, Abu Ahmad est en prison pour avoir organisé et participé à une action directe non-violente contre la politique discriminatoire et violente menée contre son peuple pour des motifs ethniques.

Le Dr. King quitta finalement sa cellule de la prison de Birmingham et continua à conduire ce pays vers l’intégration raciale et la cicatrisation. Mais, pour Abu Ahmad, quand il sera relâché, probablement après un minimum de dix jours de détention administrative, ou peut-être même de trois mois, sans accusation, il sera toujours bouclé.

Abu Ahmad est originaire de Budrus, un village de Cisjordanie situé relativement près des frontières de 1967 avec Israël. Budrus est depuis longtemps un village paisible de fermiers, presque complètement dépendant des oliviers et des autres fruits et légumes qui poussent dans les champs fertiles.

L’année dernière, pourtant, le gouvernement israélien a fait irruption dans la vie du village de façon inédite avec la construction d’un mur qui a bloqué l’accès des villageois à leurs champs, les coupant du même coup des sources de leur gagne pain.

En décembre 2003, Abu Ahmad et d’autres gens du village ont organisé - et fait appel pour ça à l’International Solidarity Movement (ISM) - un mouvement populaire palestinien et international - pour trouver des méthodes de résistance par l’action directe et non violente (dans l’esprit du Dr. King) – et pour qu’il les rejoigne dans leur protestation contre le mur.

Pendant des jours des centaines de Palestiniens ont marché contre le mur, rejoints par des internationaux et des civils israéliens.
Alors l’armée israélienne a riposté.
En une journée des douzaines de personnes ont été blessé par des tirs à balles réelles et des balles en caoutchouc recouvertes d’acier. Le 26 décembre, un civil israélien, Gil Na’amati, a été pris pour cible par des soldats israéliens : un autre manifestant.

Et le 30 décembre, un parlementaire suédois a été arrêté avec huit autres internationaux.

Un peu plus tard le même jour, des jeeps militaires israéliennes fonçaient dans le village et arrêtaient des dizaines de Palestiniens, y compris la plupart des organisateurs. Abu Ahmad et ses amis du village ont continué, malgré tout, et la nuit où il préparait une nouvelle manifestation, le 14 janvier, il a été arrêté.

Le mur a fait de Budrus une prison virtuelle, comme pour d’autres villages et villes de Cisjordanie .
Gaza est déjà une prison virtuelle à ciel ouvert. Et « les mesures unilatérales » d’Israël sont bel et bien en marche dans toute la Cisjordanie .

Et cependant de plus en plus de Palestiniens, avec l’aide de l’International Solidarity Movement, d’autres internationaux et des militants de la paix israéliens, s’unissent dans une lutte pacifique contre l’occupation israélienne.

Comme le Dr King, le Civil Right Movement, le SNCC et d’autres militants du Civil Rights Movement, ces Palestiniens et leurs amis sont mobilisés à travers leur action contre l’injustice et la violence.

Comme Andrew Goodman, James Chaney et Michael Schwerner, les vies des militants de la paix Rachel Corrie, Tom Hurndall, Isaac Saada et Shaden Abu Hijleh ont aussi été fauchés trop tôt.

Et comme ces précédentes victimes, Abu Ahmad et d’autres recherchent un modèle fondamentalement différent pour renverser des décennies d’injustice au nom de la paix


Un de ces jours, quand nous-mêmes, comme les Américains, réfléchiront sur la vie d’un homme qui s’est consacré à la cause de l’égalité, de la liberté et de la justice, nous devrons aussi nous demander ce que le Dr. King aurait fait.

Serait-il resté les bras croisés devant la construction de barrières et de murs sur la 125è rue de New York coupant Harlem du reste de Manhattan ?

Aurait-il ignoré l’arasement de centaines de maisons de Compton faisant ainsi des milliers de sans-abris ?

Evidemment, le Dr. King aurait agi. Nous le pensons tous et espérons aussi que nous trouverons en nous le courage et la détermination de le rejoindre dans cette lutte. Le Dr. King savait que l’aspiration de tous les hommes et de toutes les femmes à la liberté et à la justice ne peut pas se mettre en prison, ni être lynché, ségrégé, isolé, emprisonné ou transféré.

C’est cet esprit que nous commémorons aujourd’hui. Cet esprit qui n’était pas emprisonné derrière les murs de la prison de Birmingham et cet esprit qui ne peut pas être étouffé par le mur qu’Israël construit en Cisjordanie ..

Un jour et pour finir, Abu Ahmad, comme le Dr. King, sera libre à son tour.


INTERNATIONAL SOLIDARITY MOVEMENT

Lire le témoignage de l'arrestation d'Abu Ahmad

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS