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USA - 6 octobre 2004
Par Counterpunch
Nous rendons compte ci-après d’un échange par e-mails avec le célèbre historien israélien Benny Morris, initié par B. Morris, qui a écrit à CounterPunch.org afin de critiquer un article que nous avons publié on-line sur ce site ouèbe.
Cet article, intitulé ‘Je suis rentrée, le cœur brisé - Impressions de Palestine, pêle-mêle’ (voir ci-dessus) a été publié le 24 septembre 2004.
Notre échange de correspondance a été retranscrit littéralement, et nous vous prions d’excuser les fautes éventuelles, résultant de la rapidité inhérente à la communication électronique. K&B C.
Lire l'article "Je suis rentrée, le cœur brisé - Impressions de Palestine, pêle-mêle" de Kathleen & Bill Christison publié le 24 septembre 2004.
Le 25 septembre 2004
Chers Christisons,
Je suis tombé par hasard sur le récit de votre voyage récent en Israël / Palestine. A un moment, j’y ai vu le mot «honnêteté».
J’ai été également frappé par votre brève description de l’histoire de "Saffûriyyéh" - appelée aujourd’hui, comme originellement "Tzipori", ce qui signifie "mon oiseau" en hébreu. Vous mentionnez les Romains, les Arabes, les Croisés, etc., mais pas les juifs, bien que cette ville ait été juive durant des siècles, plus de mille ans avant que les Arabes ne déferlent depuis l’Arabie sur la Palestine, qu’ils conquirent, convertissant de force ses habitants à l’Islam.
C’est ça, votre "honnêteté" ?
Malheureusement, tout votre article est à l’avenant.
Bien à vous
Benny Morris
Le 26 septembre 2004
Cher Monsieur Morris,
C’est un grand honneur pour nous que de recevoir une missive d’une personne de votre qualité.
Vous avez parfaitement raison : nous avons omis de signaler que Saffûriyyéh a été juive, durant une partie de sa longue histoire, et c’est là une erreur de notre part. Mais vous semblez (vouloir) justifier l’expulsion des habitants palestiniens de cette localité, en 1948, la démolition de leurs maisons et la confiscation de leurs terres, au motif que les juifs ont souffert du fait des conquérants musulmans, quelque treize siècles auparavant.
Bien que nous ne soyons pas historiens, la notion qu’en 1948 les juifs "convoitaient" le territoire palestinien (c’est le mot que vous employez dans votre ouvrage « Naissance du problème des réfugiés palestiniens » [The Birth of the Palestinian Refugee Problem] et « redoutaient » (votre terme, encore une fois) que les Palestiniens ne revinssent chez eux au cas où ils (= les juifs) n’auraient pas confisqué leurs terres, démoli leurs maisons et emmené au loin par camions les quelques retardataires, nous semble un travestissement de la décence humaine.
Que des juifs aient souffert, un millénaire et demi auparavant, du fait des lointains ancêtres de ces Palestiniens, ou non (et les données factuelles, à ce propos, sont loin d’être claires), la destruction délibérée de l’existence de ces gens, parce que les juifs voulaient exercer leur exclusivisme, ressortit au racisme pur et simple.
Incidemment, nous présumons que vous ne pouvez pas ne pas avoir remarqué que le mot "honnêteté" apparaissait dans notre article afin de caractériser votre travail de recherche historique. De fait, nous avons cité vos œuvres à plusieurs reprises par le passé, généralement en des termes favorables, même si nous n’en faisons pas une règle générale.
Les deux livres de Kathleen, Perceptions de Palestine [Perceptions of Palestine] et La Blessure de la dépossession [The Wound of Dispossession] se sont largement appuyés sur l’histoire que vous avez écrites des événements de 1948.
Vous n’allez certainement pas apprécier la troisième référence, dans un autre article publié, plus tôt cette année, dans CounterPunch, mais vous devriez y jeter un coup d’œil, son titre est "Offending Valerie".
Le fait d’être un historien honnête ne signifie pas nécessairement que l’on est impartial dans son attitude vis-à-vis d’autres êtres humains.
Kathy & Bill Christison
Le 26 septembre 2004
La lettre que je vous ai écrite n’entendait rien « justifier » du tout. Mais votre occultation délibérée de la période juive de l’histoire de Saffûriyyéh semblait délibérément calculée afin de souligner le seul droit des Palestiniens à ce site – et à vrai dire à la totalité de la Palestine.
Mon avis – pour ce qu’il vaut – est que les deux peuples ont un droit juste et légitime à revendiquer la Terre d’Israël / Palestine, et cela, même si la nation arabe, à laquelle appartiennent les Palestiniens, compte (pas moins de) vingt-deux Etats, la Palestine doit être divisée en deux Etats, en suivant, en gros, les frontières de 1967. Malheureusement, les Palestiniens, traditionnellement, rejettent une telle solution (1937, 1947, 1978), et, en 2000, encore une fois, ils ont rejeté les propositions faites en juillet et en décembre par Barak et Clinton, qui offraient, précisément, une solution de cette nature.
Je pense que l’honnêteté requiert un minimum d’objectivité, un peu d’équilibre, un peu d’effort afin de voir les choses sous plus d’un angle, quelles que soient ses propres convictions politiques – et c’est là ce qui manquait cruellement à votre article.
Bien à vous
Benny Morris
Le 27 septembre 2004
Combien vous soulevez de points différents, dans un si bref message ! Nous n’avons jamais dit, ni même suggéré, que les Palestiniens ont «seuls, droit» à la Palestine, mais nous pensons fermement qu’ils avaient le droit à ne pas être évincés d’un quelconque lieu afin de libérer le plancher pour des juifs (ou qui que ce fût d’autre).
Cela concerne non seulement Saffûriyyéh – Tzipori, mais la totalité des quelque quatre cents autres villages où ils vivaient, jadis. Comme vous, nous pensons nous aussi que les deux peuples ont un droit légitime et juste à revendiquer la terre de Palestine – Israël, et que ce territoire devrait être partagé par eux deux.
Nous nous demandons, en revanche, comment vous pouvez concilier cette conviction avec votre déclaration, dans l’interview développée que vous avez accordée le 9 janvier 2004 au quotidien Ha’aretz : "Ben Gourion aurait sans doute mieux fait de «procéder à une expulsion généralisée et de nettoyer tout le pays – toute la Terre d’Israël, jusqu’au Jourdain. Il risque de s’avérer que ce fut là notre erreur fatale… En tant qu’historien, j’affirme qu’une erreur a été commise, en la matière."
Ou bien viendrez-vous nous dire, maintenant, que votre désir, pour paraphraser votre message, "d’effacer la période palestinienne de l’histoire de la Palestine" relevait du genre d’étourderie non intentionnelle que nous avions commise en oubliant de mentionner la période juive de l’histoire de Saffûriyyéh ? (Votre utilisation de l’expression "toute la Terre d’Israël" implique automatiquement – sans doute est-ce non intentionnel ? – l’effacement de l’histoire et des droits des Palestiniens.)
Mais, beaucoup plus grave, nous relevons aussi que vous avez omis sélectivement un élément fondamental de la preuve du contraire – sans doute l’événement politique le plus important de toute l’histoire de la Palestine – dans votre énumération des cas où les Palestiniens auraient rejeté une solution à deux Etats.
Il n’est pas difficile de comprendre, sauf, peut-être, pour des gens ne voyant les choses que d’un point de vue juif, pourquoi les Palestiniens ont eu besoin de tellement de temps avant de comprendre qu’ils étaient prêts à accepter le démantèlement et la division de leur patrie ; aussi vous avez raison lorsque vous affirmez qu’ils ont rejeté la formule à deux Etats en 1937, en 1947 et en 1978.
Mais est-ce seulement par étourderie que vous omettez de mentionner le changement fondamental intervenu dans la politique palestinienne, découlant de l’acceptation de deux Etats par les Palestiniens, en 1988 ?
Avez-vous vraiment oublié que cette décision de l’OLP – constitutive comme elle le fut du renoncement à toute revendication sur 78 % du territoire que les Palestiniens considéraient leur appartenir et de l’acceptation d’une indépendance (palestinienne) sur seulement 22 % (restants) du dit territoire – fut une concession massive faite au droit d’Israël à l’existence ?
Cette décision a été formellement confirmée lors de la signature de la Déclaration d’Oslo, en 1993, et elle n’a jamais été répudiée.
En dépit de votre désillusion au sujet des Palestiniens, après (les négociations de) Camp David, en 2000, toutes les négociations et toute la politique palestinienne subséquentes ont été fondées sur le principe posé du droit sacro-saint d’Israël à l’existence et sur l’affirmation que la solution à deux Etats est l’objectif poursuivi.
A Camp David, ce n’est pas Israël, que les Palestiniens ont rejeté : c’est un marché de dupes.
Nous n’avons pas le temps d’examiner la question dans ses moindres détails ici, mais vous devriez lire les récits du processus de paix faits par Charles Enderlin, Yossi Beilin, Rob Malley, Dennis Ross, Bill Clinton et Madeleine Albright.
Vous n’y trouverez aucune preuve – en dépit de la très mauvaise opinion qu’ont d’Arafat les trois derniers cités – d’un rejet par Arafat de la solution à deux Etats, comme vous l’alléguez. Non. Tout simplement, Arafat ne pouvait pas accepter les offres israéliennes d’un Etat palestinien qui aurait été discontinu, indéfendable et non-viable. Les Palestiniens essayaient encore de négocier une formule à deux Etats décente lorsque Barak perdit les élections et Clinton quitta la Maison Blanche.
Nul doute que vous soyez au courant du récit fait par l’ancien directeur du ministère israélien de l’Intérieur, Amos Malka, d’une campagne de désinformation délibérée visant à donner l’image d’un Arafat, contrairement à la réalité, opposé à la solution à deux Etats ?…
Quant au sujet délicat de l’équilibre et de l’objectivité, nous sommes tout à fait d’accord pour dire qu’il faut savoir envisager une situation sous plusieurs perspectives.
Mais équilibre + objectivité + une perspective ouverte, voilà qui n’entraîne en aucun cas la conclusion que les deux côtés, soit ont à-demi raison, soit ont autant raison l’un que l’autre.
Un traitement équilibré d’une question ne requiert en rien que l’on partage au milieu l’objet du différend entre les deux parties, en particulier lorsque l’une d’entre elle a déjà fait une concession aussi majeure que l’a été l’acceptation palestinienne du partage 78 % (pour Israël) / 22 % (le reste, pour la Palestine).
Après avoir étudié, des années durant, les perspectives des deux camps, nous avons abouti à la conclusion que, bien que les deux peuples aient un droit légitime et juste à revendiquer la Palestine – Israël, ils n’ont pas tous deux un droit juste et légitime à revendiquer la Cisjordanie , la bande de Gaza et Jérusalem Est.
Dès lors qu’on accorde à Israël le droit exclusif à posséder 78 % du territoire de la Palestine / Israël, il n’a aucun «droit» automatique sur l’un quelconque des territoires occupés, à moins que les Palestiniens ne leur concèdent, de leur plein gré, des parties de ces territoires au cours de négociations (conformément à ce qu’ils ont déjà déclaré qu’ils feraient).
Quel que soit l’avenir des territoires occupés, il faut, assurément, prendre en considération la sécurité d’Israël, mais un véritable équilibre et une authentique équité, dans toute négociation post-Oslo requerra, certes, que tous les partenaires condamnent au plus tôt le terrorisme palestinien, mais qu’ils condamnent aussi l’existence même de l’occupation israélienne, y compris les colonies réservées aux seuls Israéliens, les routes réservées aux Israéliens, la construction du mur de séparation en territoire palestinien, les confiscations de terres, les démolitions de maisons, la destruction de terres agricoles, de puits, les assassinats, les tirs mortels des snipers, les bombardements aériens, les incursions de blindés dans les villes palestiniennes, etc.
Enfin, un point de détail, que nous ne soulèverons que parce que vous l’avez fait vous-même : l’idée que la "Nation arabe", comme vous dites, "possède vingt-deux autres Etats" est l’exemple même du non-argument. Primo – pinaillons un peu – comme vous le savez sans doute, il n’y a pas 22 pays arabes : il y a 22 pays membres de la Ligue arabe, y inclus l’OLP, qui n’est pas un Etat, et des pays non-arabes tels la Somalie, Djibouti, les Comores et la Mauritanie. Deuxio, et c’est plus dans notre sujet, les Palestiniens sont originaires de Palestine, et personne ne doit s’attendre à ce qu’on puisse les forcer à déménager ailleurs, pour quelque motif que ce soit.
Les juifs ont refusé d’être installés en Ouganda ou dans un quelconque autre pays que celui de leur héritage biblique. Attendre des Palestiniens qu’ils renoncent à leur héritage parce qu’Israël veut leurs terres, voilà qui représenterait une insupportable injustice.
Kathy & Bill Christison
Le 28 septembre 2004
Ce que vous écrivez est en grande partie vrai. Mais beaucoup d’Israéliens, j’en fais partie, ne sont pas du tout convaincus que les Palestiniens soient réellement en faveur d’une solution à deux Etats, dans la proportion 78 % / 22 % ou dans n’importe quelle autre proportion. Ils pensent, en revanche, que les Palestiniens veulent la destruction d’Israël, et son remplacement par un seul Etat arabo-musulman.
Nous craignons que le « virage » de l’OLP, en 1988, n’ait été que simplement tactique, et non réel et sincère. Arafat l’a dit et répété à tellement de gens, alors que ses propos étaient enregistrés à son insu, et le Hamas et le Jihad islamique – qui représentent une grande majorité, sinon la plupart, des Palestiniens – disent la même chose, publiquement et constamment.
Je ne connais pratiquement aucun dirigeant palestinien qui accepterait de déclarer, ouvertement et sans circonlocutions, que "les juifs ont un droit légitime à la Palestine, comme les Palestiniens" et que "le sionisme et Israël sont des entités légitimes" - et c’est ça, le fond du problème.
C’est la raison pour laquelle les porte-parole palestiniens, à l’exception de Sari Nusseibéh, qui ne représente malheureusement personne, mis à part une poignée de Palestiniens raisonnables et civilisés, insistent sur le « droit au retour », sur son acceptation par Israël et la communauté internationale, et sa mise en application. Il s’agit là du test au papier tournesol des intentions réelles et ultimes des Palestiniens vis-à-vis d’Israël.
Et, aussi longtemps qu’ils maintiendront ce « droit au retour » (des réfugiés palestiniens chez eux, ndt) et qu’ils s’en feront les avocats, cela voudra dire qu’ils ne sont pas sincères dans leurs préconisations d’une solution à deux Etats, et qu’ils ne recherchent une telle « solution » qu’afin d’en faire un tremplin tactique qui leur permettra d’exiger le démantèlement ultime d’Israël et son remplacement (la mise en application du droit au retour ferait nécessairement d’Israël un pays arabe).
Et je suis convaincu, comme je l’ai indiqué au cours de mon interview à Ha’aretz (mais je n’ai pas été cité intégralement), qu’il est malheureux que la guerre de 1948 ne se soit pas conclue d’une manière plus décisive sur le plan démographique, soit, tous les juifs étant jetés à la mer (comme les Palestiniens et les pays arabes avaient l’intention – et comme ils entreprirent – de le faire, ce qui a abouti à la création du problème des réfugiés), soit tous les Palestiniens étant repoussés en Jordanie, où ils auraient créé leur Etat.
Le Moyen-Orient aurait été un endroit meilleur et les deux peuple sauraient bénéficié d’une histoire plus heureuse.
Benny Morris
Le 28 septembre 2004
Vous avez mis le doigt sur la véritable tragédie de ce conflit : le fait que des Israéliens, comme vous, et bien d’autres, ne croient pas les Palestiniens ni ne leur font confiance, et aussi le fait que beaucoup de Palestiniens ne croient pas les Israéliens ni ne leur font confiance.
Vous avez sans doute raison lorsque vous dite que la décision prise par les Palestiniens en 1988 n’était pas profondément sincère, mais qu’ils l’ont prise en raison de nécessités tactiques. Mais, bien entendu, on pourrait dire la même chose de la décision prise par Israël en 1993 de reconnaître l’OLP et de négocier avec elle. Les uns comme les autres – vous, les Israéliens et vous, les Palestiniens – vous préféreriez, incontestablement, et de très loin, que l’autre ne soit pas là.
Mais cela n’implique pas nécessairement que l’un quelconque des deux camps ne serait pas crédible lorsqu’il se dit prêt à vivre en paix avec l’autre.
Contrairement à votre allégation, selon laquelle «pratiquement aucun dirigeant palestinie », à votre connaissance, n’a dit ouvertement et directement que les juifs ont un droit légitime à revendiquer la Palestine ou qu’Israël est une entité légitime, Yasser Arafat a déclaré, en décembre 1988, ceci : « L’OLP recherchera un règlement global entre les parties concernées par le conflit arabo-israélien, c’est-à-dire l’Etat de Palestine, Israël et les Etats voisins… sur la base des résolutions 242 et 338, et d’une manière… respectant le droit à l’existence en paix et en sécurité, pour tous…
Je demande aux dirigeants d’Israël de venir ici, sous l’égide des Nations unies, afin que nous puissions forger cette paix, ensemble. Je leur dis que notre peuple, qui recherche la dignité, la liberté et la paix, pour lui-même et la sécurité pour son Etat, souhaite la même chose à tous les pays et tous les partenaires impliqués dans le conflit arabo-israélien. Ici, je souhaite m’adresser spécifiquement au peuple israélien dans toutes ses composantes et forces vives…
Je lui dis : "Venez, faisons la paix !". Vous allez peut-être affirmer que cela n’était pas sincère, mais cela constitue, assurément, une affirmation ouverte et sans fioritures de la légitimité de l’Etat d’Israël…
D’après vous, les gens sont beaucoup moins enclins à croire Israël que les Palestiniens, parce qu’il est le partenaire en possession de tout le territoire, et donc, il est celui auquel des concessions territoriales devraient être demandées, en vue d’un accord de paix quelconque. Israël n’a jamais donné signe de la moindre intention d’autoriser la création d’un Etat palestinien viable, et il s’est encore moins exprimé, il a encore moins agi concrètement, d’une manière sincère et sérieuse, l’idée d’un partage de territoire avec les Palestiniens, si bien que les Palestiniens ne disposent d’aucune déclaration israélienne, fût-elle purement formelle, susceptible de leur laisser espérer de quelconques concessions de la part d’Israël.
Ce sont les Israéliens, et non pas les Palestiniens, qui ont à même de tester la sincérité du partenaire, car si Israël acceptait l’installation d’un Etat palestinien sur la majorité de la superficie de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, il serait parfaitement capable de se défendre dans le cas (improbable) où les Palestiniens menaceraient ou violeraient un éventuel traité de paix, de toute manière. Il n’en va pas de même des Palestiniens, qui n’auraient aucune possibilité de se défendre contre une quelconque violation israélienne.
Les Israéliens pourraient toujours compter sur le vieux shibboleth [= la bonne vieille méthode] de Reagan consistant à « croire sur parole, puis à vérifier ». Les Palestiniens, dépourvus de toute garantie concrète contre les violations israéliennes, ne pourraient le faire en aucun cas.
L’idée que les Israéliens seraient menacés par l’exigence palestinienne que soit reconnu le «droit au retour» des réfugiés palestiniens est absurde.
Tout d’abord, vous avez tout simplement tort lorsque vous affirmez que « tous les porte-parole palestiniens, excepté Sari Nusseibéh… insistent sur le « droit au retour », son acceptation par Israël et la communauté internationale, et sa mise en application [les guillemets sont de vous] ».
Depuis, au moins, les négociations de Camp David de l’an 2000, le leadership palestinien affirme, avec constance, qu’il n’exige pas la mise en application effective du droit au retour, mais bien qu’il soit fait droit aux réfugiés, au moyen d’un ensemble d’arrangements, allant du retour en Israël d’un nombre de réfugiés relativement peu élevé, et faisant l’objet d’un accord concerté, grâce à leur réinstallation accompagnée de compensations financières dans les pays où ils résident ou encore dans des pays tiers, ou au rapatriement des réfugiés à l’intérieur de l’Etat palestinien.
Il veut que les Israéliens reconnaissent un minimum de leur responsabilité dans la création du problème des réfugiés, mais ils reconnaît le droit d’Israël à réguler le nombre et l’identité des réfugiés palestiniens autorisés à revenir en Israël, et dans quelles conditions. Il a explicitement admis l’insistence d’Israël à maintenir le caractère juif de son Etat. Arafat a écrit un commentaire, à ce sujet, dans le New York Times.
L’idée qu’Israël serait impuissant à arrêter le déferlement d’une foule de trois à quatre millions de réfugiés voulant envahir Israël, ou celle que le leadership palestinien le fomente, n’est que paranoïa à l’état pur.
Nous comprenons bien le fond de ce que vous avez exposé dans Ha’aretz – même si vous n’avez pas été cité intégralement J… – mais nous ne saurions admettre l’idée qu’en épurant entièrement le territoire de la Palestine de l’un ou l’autre peuple, en 1948, on aurait résolu le problème et on aurait hérité d’un Moyen-Orient paisible jusqu’à ce jour. (Dans votre interview, soit dit en passant, vous n’avez en rien suggéré que l’épuration ethnique des juifs aurait pu – voire même aurait dû – être une éventualité envisageable. Vous avez simplement indiqué que l’élimination des Palestiniens aurait bien arrangé les juifs…).
Au contraire, nous pensons que, même s’ils avaient été chassés, tous, de l’autre côté du Jourdain, en Jordanie, les Palestiniens revendiqueraient de la même manière leur droit au retour ; la Jordanie n’est pas leur patrie, et ils n’auraient jamais admis être totalement dépossédés, pas plus qu’ils n’ont accepté d’être dépossédés partiellement.
Semblablement, si les Juifs avaient été totalement repoussés à l’extérieur de la Palestine, en particulier au lendemain de l’Holocauste, le cri d’indignation qui se serait élevé dans le monde entier aurait été assourdissant.
Et vous nous permettrez de douter que les juifs auraient été le moins du monde, à défaut d’heureux, satisfaits de cette indignation. Ni qu’ils s’en seraient contentés.
Source : www.counterpunch.org/
Traduction : Marcel Charbonnier
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