Gaza - 10 mai 2007

Entrée d'Al-Qaeda

Par Khaled Amayreh

Depuis un certain temps, les responsable Islamistes et nationalistes palestiniens ont averti que l'embargo économique des Israéliens, Américains et Européens contre le gouvernement palestinien élu démocratiquement, y compris contre le gouvernement d'unité nationale récemment formé sur une base large, menait la société palestinienne vers l'extrémisme.

Photo Hatem Omar/Maan Images : Fondamentalistes du groupe extrémiste "Salafiste" dans le camp de réfugiés de Rafah

Cette semaine, la crédibilité de ces avertissements a été confortée quand un groupe, considéré comme étant affilié à Al-Qaeda, ou au moins comme épousant son idéologie, a attaqué une fête d'école à Rafah, à l'extrème sud de la Bande de Gaza, tuant une personne et blessant cinq autres.

Les attaquants n'ont pas visé les écoliers ou leurs professeurs, mais plutôt les organisateurs et la police, tuant le garde du corps d'un chef local du Fatah.

Le groupe avait auparavant mis en garde publiquement l'école gérée par l'ONU contre la tenue de l'événement, parce que la fête impliquait "des adolescents et adolescentes, ce qui est interdit dans l'Islam".
L'école et les autres responsables locaux n'ont apparemment pas pris les avertissements au sérieux, et n'ont pas mis en application les précautions de sécurité nécessaires pour empêcher toute attaque, en pensant que les Salafis (Musulmans Sunnites Ultra orthodoxes) ne porteraient pas leur attaque.

L'attaque a été condamnée dans l'ensemble des Territoires Palestiniens Occupés comme étant un crime totalement injustifié.

Le Hamas a qualifié les attaquants de personnes "dévoyées" qui "versaient le sang des Palestiniens de façon légère et facile".
Le Fatah a qualifié les malfaiteurs "de représentants des" forces obscures" et de "meurtriers".

L'attaque de Rafah ainsi que d'autres récents incidents sporadiques, y compris le kidnapping toujours irrésolu du correspondant de la BBC à Gaza, Alan Johnston, sont considérés comme des signes inquiétants pour l'avenir.

A la différence du Hamas, qui en comparaison ressemble à un groupe de boy scouts, les groupes affiliés à Al-Qaeda ne cherchent pas, ou ne s'intéressent pas à la popularité et leurs actions ne sont pas influencées par l'opinion publique.
Cela signifie qu'ils veulent poursuivre leur ordre du jour et mettre à exécution les objectifs qu'ils se sont fixés, peu importe la façon dont ils sont perçus par la société

Il est difficile d'établir la force numérique des Salafis, en particulier de leurs militants dans les territoires occupés.

Cependant, il est bien connu qu'ils sont concentrés dans la Bande de Gaza et qu'ils gagnent du terrain également en Cisjordanie .
Il n'y a aucun doute que l'une des principales raisons de leur apparition dramatique est "l'échec de la démocratie" dans la société palestinienne, principalement en raison du rejet occidental des résultats des élections en 2006 qui ont porté le Hamas au pouvoir.

Depuis le tout début, les Salafistes avaient cherché à convaincre le Hamas de s'abstenir de participer aux élections, en expliquant que l'Occident, en particulier l'Amérique, n'était pas sincère au sujet de la démocratie et que les puissances occidentales ne l'utilisaient que pour affaiblir l'Islam et servir leurs propres intérêts impérialistes.

Et quand les Etats-Unis, Israël, l'Union Européenne et la plupart des régimes arabes ont imposé un blocus économique, financier et politique particulièrement dur au gouvernement palestinien dirigé par le Hamas, ce qui a poussé la majorité de la société palestinienne au bord de la pauvreté, les Salafistes et d'autres, comme Hizb Al-Tahrir, sont allés voir les anciens partisans à une participation du Hamas aux élections, et leur ont dit : "Ne l'avions-nous pas dit ?"

On suppose que beaucoup, sinon la plupart, de ceux qui ont rejoint les rangs d'Al-Qaeda, en particulier dans la Bande de Gaza, sont réellement des anciens partisans et membres du Hamas qui sont arrivés à la conclusion que le véritable but de l'Occident était de détruire l'Islam, de ne pas promouvoir la démocratie, et que le seul moyen d'arrêter cela étaitt le Jihad.

Le refus actuel de l'Occident, y compris de l'Union Européenne, à lever l'embargo contre le gouvernement d'unité nationale renforce et probablement justifie ces convictions chez de nombreux Palestiniens (et évidemment chez de nombreux autres Arabes dans les pays voisins), facilitant ainsi le recrutement de plus en plus de convertis à la cause d'Al-Qaeda.

Le développement de telles organisations dans les Territoires Palestiniens Occupés, et probablement chez les Palestiniens en Jordanie, au Liban et en Syrie, aura de graves implications sur la cause palestinienne elle-même, étant donné l'approche presque nihiliste adoptée par ces personnes.

En effet, Al-Qaeda croit en une ultime confrontation existentielle avec l'ennemi. Il considère ce dernier comme étant, non seulement les Etats-Unis et Israël, mais tout groupe ou gouvernement ou personne qui l'empêchent d'atteindre ses objectifs.

A la lumière de cela, la liste des ennemis potentiels d'Al-Qaeda inclut le Hamas et le Jihad islamique, ainsi que les Frères Musulmans qui rejettent de nombreux aspects de l'idéologie d'Al-Qaeda.

Par conséquent, on peut craindre que l'apparition d'Al-Qaeda ou de groupes analogues en tant qu'acteurs politiques significatifs dans l'arène palestinienne, cela puisse redéfinir l'ensemble de la lutte des Palestiniens pour se libérer de l'occupation israélienne.

D'ailleurs, c'est une conclusion presque prévisible qu'Israël bénéficiera du renforcement d'Al-Qaeda parmi les Palestiniens, en particulier à court terme, car cela permettra à Israël de prétendre qu'il a une cause commune avec l'Occident dans le combat contre le "terrorisme islamique ", en obtenant ainsi une excuse supplémentaire pour consolider son occupation et le vol de la terre palestinienne.

Comme cité précédemment, le renforcement d'Al-Qaeda en Palestine se dera aux dépens des mouvements islamiques tels que le Hamas, un mouvement relativement modéré qui est ouvert aux compromis.

Par conséquent, il est probable que le Hamas entreprendra une campagne pour informer les Palestiniens contre les dangers de l'idéologie nihiliste d'Al-Qaeda, en particulier suite aux récents échanges virulents avec acrimonieux récents avec le second dans la hiérarchie d'Al-Qaeda, Ayman El-Zawahri. Il a sévèrement critiqué le Hamas pour avoir signé l'accord de La Mecque avec le Fatah le 8 février, qu'il a qualifié de "trahison".

En fait, des intellectuels Musulmans affiliés au Hamas ont déjà commencé à tenter de convaincre plusieurs activistes Salafistes que leur façon de penser n'est pas compatible avec l'Islam authentique.

En début de semaine, un certain nombre de responsables religieux Musulmans ont cherché à convaincre les soi-disant kidnappeurs du journaliste de la BBC, Johnston, que sa détention était incompatible avec la Sharia, ou la loi islamique, puisque Johnston était un "Mustaaman" ou un non-Musulman, un membre d'Ahl Al-Ketab (le Peuple du Livre) qui était venu à Gaza, pas en tant que combattant, mais en tant que journaliste pour faire partager la souffrance des Palestiniens au monde extérieur. Et qu'il l'avait fait avec la permission de l'Autorité Palestinienne. Par conséquent, son enlèvement était immoral et donc illégal du point de vue islamique.

Les kidnappeurs auraient répondu que la Grande-Bretagne, tout comme les Etats-Unis et Israël, étaient en guerre avec les Musulmans, en citant l'occupation anglo-américaine de l'Irak, et que cela justifiait le kidnapping de Johnston en tant que citoyen britannique.

Les intellectuels affiliés au Hamas ont répliqué que les choses au niveau de la tradition avaient changé depuis l'époque où tous les citoyens et habitants d'un pays suivaient leur roi. Ils ont expliqué que beaucoup de Britanniques étaient contre l'occupation de l'Irak et avaient déjà forcé leur premier ministre Tony Blair à démissionner

Auparavant, il avait été révélé que les kidnappeurs demandaient 5 millions de dollars au gouvernement britannique, ansi que la libération d'une supposée femme kamikaze par les autorités jordaniennes. Cependant, ces demandes ont été écartées comme étant des "spéculations" par Ahmed Youssef, le conseiller politique du Premier Ministre palestinien Ismail Haniyeh.

Youssef a déclaré qu'il pensait que Johnston serait libéré dans quelques jours, ou dans quelques semaines, au maximum.

De toute façon, ce qui est très clair, c'est que la trahison des Palestiniens par l'Occident et la poursuite du blocus contre le gouvernement palestinien mène de nombreux Palestiniens vers Al-Qaeda.

Cela devrait être pris comme un avertissement sérieux pour l'avenir,si la tendance actuelle continue et si les politiques américaines, israéliennes et européennes continuent à nourrir les causes de l'extrémisme et du terrorisme au Moyen-Orient en rétrécissant les horizons des Palestiniens et en donnant réellement carte blanche à Israël pour qu'il achève son objectif de dépossession, aux dépens des Palestiniens

Source : http://weekly.ahram.org.eg/

Traduction : MG pour ISM