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Palestine - 13 mars 2006
Par Mounir Shafiq
Munir Shafiq, écrivain palestinien
A peine les élections du conseil législatif palestinien achevées par la victoire importante du Hamas, plaçant ce mouvement dans une situation plus que confortable avec une majorité incontestable, difficile à ébranler par le jeu parlementaire, que les déclarations et les plumes se sont précipitées pour évoquer l'impasse du Hamas, ou de la terrible impasse dans laquelle se retrouvera le Hamas "à moins que...."
"A moins que..." est aussi varié que le sont ceux qui ont émis ces déclarations ou écrit les articles, aussi varié que sont leurs motivations et leurs souhaits. Peu d'entre eux ont cependant perçu une issue à cette impasse sans nécessairement remplir les conditions incluses dans le "à moins que..."
Ces conditions tournent autour de la nécessité de prendre en compte la situation internationale, ce qui signifie accepter les demandes de l'administration américaine et de l'Union européenne, ou les pressions des décisions internationales pour arriver à la reconnaissance de tous les accords signés par la direction palestinienne, depuis les accords d'Oslo jusqu'aux accords et les engagements les plus récents.
Mais la question qui se pose en premier est : est-ce que l'impasse supposée dans laquelle se trouverait le mouvement Hamas est-elle due à la situation dans laquelle l'a placé la volonté palestinienne, exprimée dans les urnes, est-ce que cette impasse est-elle une théorie incontestable, évidente, ou bien peut-être être discutée et a besoin d'être prouvée ?
"La majorité" l'a considérée comme évidente et que toute discussion doit tourner sur le fait comment le Hamas peut-il sortir de cette impasse.
Mais si nous abordons la question sous autre angle, en affirmant que le résultat des élections et l'arrivée de Hamas à cette position dirigeante du peuple palestinien ne représentent pas une impasse en soi, au contraire, que cette position est meilleure que la situation précédente, par plusieurs aspects, le principal étant la demande internationale faisant pression sur l'Autorité palestinienne et le président palestinien Mahmoud Abbas, pour "démanteler et désarmer" le Hamas, même si cela devait être réalisé par une main de fer et faire écouler le sang, sans retenue.
Cette demande internationale, pour ceux qui considèrent que la volonté internationale est un destin implacable, est précisément l'impasse à laquelle a pu échapper le Hamas, victorieux, avec les résultats des élections, la preuve étant que la demande internationale consiste à présent à réclamer de Hamas la reconnaissance de l'Etat d'Israël, puis cette demande a reculé pour exiger une proclamation de la reconnaissance et du respect des accords et des engagements de l'Autorité palestinienne, au moins.
Même si cette demande n'est pas moins grave pour le Hamas que la première, la situation a quand même changé puisqu'il s'agit à présent de donner du temps à Hamas pour s'adapter.
Si nous comparons, à partir de cet angle, les deux situations, celle du Hamas avant et celle après les élections, la théorie sur l'impasse du Hamas ou sur la difficile situation dans laquelle se trouve Hamas "à moins que..." est totalement erronée, car le Hamas est sorti de son impasse antérieure encore plus puissant et qu'il se trouve face à de nouveaux défis, qui peuvent devenir des impasses, mais pas nécessairement, la preuve étant que ceux qui disent "à moins que..." supposent qu'il est possible de sortir de l'impasse si certaines conditions sont remplies.
Ainsi nous pouvons affirmer que considérer que le Hamas est dans une impasse avant même qu'il ne définisse sa politique future, en fonction du bond opéré dans sa situation, qui est actuellement en sa faveur, n'est pas précis, car la conception même de l'impasse doit être précisée, et doit distinguer entre celui qui ne peut choisir qu'entre deux maux, et celui qui a plusieurs choix.
Ceci dépend évidemment de la situation objective et des rapports de force, et non pas de la pure volonté.
Le Hamas, du point de la situation objective actuelle, et du rapport de forces, a plusieurs choix et n'est pas contraint de choisir entre deux maux.
Le Hamas est actuellement maître de l'initiative, et toutes les parties, notamment celles qui se sont habituées à prendre des initiatives, attendent ses décisions, attendent de voir ce qu'il va faire pour qu'elle puissent définir leur attitude, ce qui signifie qu'elles lui donnent les chances nécessaires mais aussi engagent des discussions directes, ou indirectes avec lui.
Il est évident que celui qui a l'initiative n'est pas en situation d'impasse (mais peut l'être plus tard) alors que celui qui attend l'initiative lui, est en situation d'impasse.
Il n'est pas nécessaire d'ouvrir les dossiers des impasses dans lesquelles se trouvent les Etats concernant la question palestinienne, en premier lieu l'Etat sioniste, qui n'a toujours pas de direction, ou les Etats-Unis qui sont plongés dans des crises de la tête au pied, sans parler des impasses des autres Etats pour arriver jusqu'au Fateh, et à tous ceux-là nous pouvons dire qu'ils sont dans des impasses, "à moins que...."
Quant au Hamas, il peut confirmer à nouveau ce qu'il était avant les élections, où les conditions étaient encore plus difficiles, ce qui signifie qu'il peut ne pas répondre aux conditions des "à moins que..."
Ensuite, il est nécessaire de poser une autre vision du processus officiel et populaire palestinien qui prend en compte l'échec du processus politique antérieur qui a mené à la situation palestinienne actuelle, alors que nous faisons face à une seconde nakba, plus terrible que celle de 1949...
Il suffit pour s'en convaincre de constater le mur, les colonies, la confiscation d'al-Quds, les menaces contre la mosquée al-Aqsa, la colonisation dans la vallée du Jourdain, la proclamation des différents dirigeants de l'Etat sioniste que la situation actuelle sera la base pour une solution définitive, la "solution des deux Etats", que ce soit par l'accord ou par le désengagement unilatéral comme l'a proclamé Olmert pour le programme électoral de Kadima.
Sont responsables de cette situation, d'abord les politiques israélienne et américaine dans le cadre du quartet, mais aussi, les politiques palestinienne et arabes, qui n'ont pu réussir à stopper ce processus sur le terrain, et qui n'ont aucun programme ou stratégie pour y mettre fin, autre que la poursuite de la méthode précédente, non pas pour se préparer à aller de l'avant, mais par incapacité et fourvoiement.
Là, le Hamas peut avancer son projet modéré mais solide, qui s'appuie sur les conclusions de son expérience passée et sur les constantes de la question palestinienne, qui propose une stratégie de résistance et de défi, en s'appuyant sur les masses, palestiniennes, arabes et musulmanes, et l'opinion internationale, en s'appuyant sur l'unification des rangs palestiniens, et en donnant vie à nouveau à la solidarité arabe, musulmane et tiers-mondiste.
Dans cette optique, Hamas n'est pas dans l'impasse mais plutôt dans une tentative de dépasser les difficultés et les défis de la nouvelle situation.
Comment se retrouver dans l'impasse, c'est précisément en suivant la voie des conseils des "à moins que...", c'est-à-dire agir comme l'a fait le Fateh et intégrer le processus imposé par les Etats-Unis, le quartet et le gouvernement israélien.
A ce moment-là, il y aura impasse du Hamas avec lui-même, avec le peuple qui a voté pour lui, mais aussi avec tous ceux qui lui conseillent d'emprunter cette voie.
Source : al-Sharq - Qatar
Traduction : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine
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