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Jérusalem - 4 septembre 2005
Par Joharah Baker
La route vers Bir Nabala a toujours été caillouteuse. Si le voyageur vient de Jérusalem ou de Ramallah, tourner en direction de Bir Nabala à l'intersection d'Al Ram n'a jamais été un voyage plaisant.
Les nids de poule et les sections non goudronnées de la route se sont avérés nuisibles aux voitures et les nuages de poussière omniprésents rendent le déplacement un exploit presque impossible.
Néanmoins, le voyage, aussi désagréable qu'il puisse être, n'a jamais été impossible. Niché entre Jérusalem et Ramallah, Bir Nabala a longtemps été une étape pour les populations des deux villes.
C'était jusqu'à ce qu'Israël ait décidé de construire son mur de séparation avec la Cisjordanie autour de Jérusalem, fermant l'accès à toutes les communautés palestiniennes situées autour, Bir Nabala inclus.
Selon le rapport du Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) de l'ONU datant de juin 2005, le mur de séparation créera "l'enclave de Bir Nabala".
Cette enclave inclut cinq villages, faisant tous partie de ce que le Département des Affaires aux Négociations de l'OLP considère comme étant la Métropole de Jérusalem : Bir Nabala, Al Jib, Judeira, la ville de Qalandia et le bas Beit Hanina. (voir la carte ARIJ du Mur prévu autour de l'Enveloppe de Jérusalem)
Avec le mur qui sépare son centre ville de toutes les régions de Cisjordanie et même des parties Est Arabes de Jérusalem, Bir Nabala, situé Ã environ 10 kilomètres au nord de Jérusalem sera pratiquement isolé et encerclé de tous les cêtés.
L'enclave, dans laquelle vivent plus de 15.000 personnes, sera reliée à Ramallah par des passages souterrains et une route clêturée des deux cêtés. La route de terre ci-dessus, qui relie actuellement les colonies Juives du Nord telles que Givat Zeev à Jérusalem, deviendra une route pour Israéliens seulement.
Les habitants de Bir Nabala, la plupart du temps détenteurs de papiers d'identité Cisjordanie ns, n'auront plus accès à Jérusalem sauf s'ils obtiennent des autorisations spéciales auprès des autorités israéliennes et passeront par le checkpoint de Qalandiya via Ramallah.
Même la ville d'Al Ram - actuellement à cinq minutes en voiture, sera pratiquement inaccessible aux habitants de Bir Nabala, sauf en faisant par un "détour" par Ramallah et en revenant.
"Nous ne savons toujours pas exactement ce qui va se passer," dit Yousef Abed, professeur de Sciences Sociales et d'Histoire Islamique et également coordinateur du Comité Populaire de Résistance au Mur, un comité populaire créé par des représentants des cinq villages. Toutefois, il en a une très bonne idée.
En examinant une grande carte aérienne du Nord de Jérusalem, Abed trace une ligne régulière orange qui représente le mur. Tel un serpent insidieux, le mur, une fois achevé, encerclera Bir Nabala de trois cêtés, avalant des centaines de dunums de terre.
Le secteur oriental de la ville, ou Al Mawahel, qui est actuellement relié Ã la route principale Jérusalem-Ramallah sera très probablement coupé en deux par une porte gardée par des patrouilles israéliennes.
"La majeure partie des gens vivant sur cette route possèdent des cartes d'identité de Jérusalem et ont pris un avocat pour que la porte ne les mette pas du cêté de Bir Nabala" dit Abed avec une pointe de ressentiment.
Le fait est que la porte séparera également des familles de Bir Nabala les unes des autres, des familles qui ne pourront se rencontrer qu'en passant par le checkpoint de Qalandiya.
Abed indique qu'il y a un total de 1.200 personnes soit 200 familles de Bir Nabala qui seront véritablement divisées une fois que cette porte sera installée.
Pendant des années, de nombreux Jérusalémites ont installés leurs maisons et leurs entreprises à Bir Nabala, étant donné que le logement y était moins cher et que les affaires sont souvent plus rentables en Cisjordanie qu'à Jérusalem-Est occupé par les Israéliens. Pourtant, maintenant, beaucoup reviennent à Jérusalem alors que l'ombre sinistre du Mur de Séparation plane au-dessus d'eux.
"Nous estimons que 2.000 détenteurs de papiers d'identité de Jérusalem ont déjà quitté Bir Nabala" dit Abed. C'est énorme, si vous considérez que plus de la moitié de la population de Bir Nabala, qu'Abed estime à environ 8.000, ne sont pas du village lui-même.
Pourtant, Abu Marwan, indique qu'il est prêt à se battre. Le propriétaire de la boutique "Technologie pour Moteurs Electriques" située au coeur de Bir Nabala, Abu Marwan reste calme. Père de trois enfants, cet homme d'affaires de Jérusalem dit qu'il n'abandonnera pas son magasin de Bir Nabala sauf si c'est absolument nécessaire.
"C'est ma sixième année à Bir Nabala" dit-il. "je ne pense pas déplacer le magasin. Sauf si je le dois."
Abu Marwan, qui admet avoir laissé son magasin de Jérusalem-Est pour installer son magasin à Bir Nabala afin d'éviter les taxes élevées imposées par les Israéliens dans la ville occupée, est optimiste et pense que ses affaires continueront, même avec le mur. "Peut-être que je ferai des affaires avec les villages voisins," il dit.
Cela semble être un coup dur étant donné la récession de l'activité depuis que l'Intifada a commencé il y a cinq ans. "Pour moi, les affaires ont baissé de 90% depuis l'Intifada" estime Abu Marwan.
"D'abord, cela a diminué lentement, mais maintenant que les gens sont effrayées par ce qui va se passer quand le mur sera achevé, l'activité a été réduite à un filet. C'est comme un robinet perméable" dit-il avec un demi sourire.
Et à la différence de la plupart des Jérusalémites, Abu Marwan n'est pas intimidé par la menace israélienne de confisquer les cartes d'identité de ceux qui n'ont pas leur "centre de vie" à Jérusalem.
"La carte d'identité de Jérusalem ne me définit pas," dit-il d'un air provoquant. "Même s'ils me l'enlèvent, ce n'est pas un problème." Pour lui, le seul véritable avantage à avoir le statut de résidence à Jérusalem est l'accessibilité à l'assurance-maladie dans les hêpitaux israéliens. "C'est la seule chose qui nous font véritablement y tenir."
Pour les habitants de Bir Nabala, les équipements médicaux deviennent rapidement un problème important. Quand le mur sera achevé, l'hêpital Al Maqassed et l'hêpital Augusta Victoria, les deux principaux hêpitaux arabes de Jérusalem-Est seront hors de portée.
Les hêpitaux de Ramallah deviendront leur seule solution viable, mais avec une seule voie d'accès à cette grande ville de Cisjordanie , on se demande s'il sera réellement facile et rapide d'y arriver.
Le passage souterrain, qui est actuellement en construction, passera au milieu de Bir Nabala, par les villes voisines de Judeira et de Qalandiya avant d'arriver sur Ramallah.
Les autorités israéliennes ont également indiqué qu'elles prévoient d'installer six portes agricoles dans l'enclave de Bir Nabala, ainsi les fermiers pourront avoir accès à leurs terres.
Ou au moins à la terre qui restera après qu'Israël aura terminé le Mur. Selon Abed et une copie de l'ordre militaire israélien T-10-05, 147 dunams de terres de Bir Nabala seront expropriées pour l'infrastructure du mur dans le secteur méridional de la ville.
360 autres dunums situés juste derrière le mur seront également expropriés. Bien que le mur ne soit pas construit sur cette terre, les gens ne pourront pas l'utiliser.
Ce n'est pas la première fois que des terrains de Bir Nabala sont confisqués par les autorités israéliennes.
En 1996, 800 dunams de terres appartenant à ce village ont été clêturés et appelés "Espace vert".
Sur la montagne au-dessous du tombeau de Samuel, des rangs d'oliviers et des champs sont devenus l'une des "réserves naturelles" d'Israël. Les terres - et les oliviers – appartenaient tous aux habitants de Bir Nabala, dont certaines appartenaient également à la famille d'Abed.
Les écoles sont un autre sujet d'inquiétude pour Bir Nabala. Tandis que quelques élèves fréquentent les quatre petites écoles gouvernementales du village, beaucoup poursuivent leurs études à l'extérieur.
Beaucoup d'écoles privées sont à Jérusalem, à Ramallah ou ailleurs à Dahiet Al Barid ou à Shufat.
Nur, une lycéenne timide et douce va à l'école Iman à Shufat. Par le passé, passer le checkpoint de Dahiet Al Barid ne lui a jamais posé de problème, d'autant plus qu'elle "n'avait pas l'âge" - les autorités israéliennes n'exigent pas des enfants de moins de 16 ans de porter des papiers d'identité.
Cependant, cet été, alors que Nur suivait les classes préparatoires pour l'examen de fin d'études du lycée, le Tawjihi, elle a été forcée de prendre les dangereuses routes arrières pour éviter le checkpoint afin de pouvoir accéder à son école.
Avec le début des cours la semaine dernière, Nur a essayé une stratégie différente. "On m'a dit que si vous vous prouvez que vous allez à l'école, ils ne vous font pas de tracas au checkpoint," dit-elle. En main sa lettre de l'école, Nur passe maintenant le checkpoint sans encombre.
Pourtant, une fois que le mur sera achevé et que la porte séparant Bir Nabala de la route principale vers Jérusalem sera fermée, Nur et ses soeurs - qui vont également aux écoles de l'autre cêté du checkpoint - peuvent seulement espérer qu'un certain genre de solution sera offert.
Avec la pression du Tawjihi qui est déjà difficile pour cette jeune fille studieuse, le mur est juste un fardeau supplémentaire.
"Ce qui est terrible, c'est de ne pas savoir" dit-elle. "Tout que nous pouvons faire, c'est espérer."
Source : www.palestinereport.org/
Traduction : MG pour ISM
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Le Mur
Joharah Baker
4 septembre 2005