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Gaza - 6 juin 2008
Par Joharah Baker
Joharah Baker écrit pour le Media and Information Programme at the Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH – www.miftah.org), site sur lequel cet article a été publié.
Depuis juin dernier, les histoires de malades ne pouvant pas quitter la Bande de Gaza, d’invasions militaires israéliennes et de coupures de fuel ont filtré hors de la bande côtière à flot continu. Le blocus imposé par Israël sur Gaza depuis que le Hamas a pris la direction en juin 2006 a occasionné des centaines de morts, un taux de chômage monté en flèche et le manque de nourriture convenable et de fourniture en eau. Le 29 mai, la punition collective imposée à 1,4 millions de Gazaouis prit encore une autre tournure. Sept étudiants exceptionnels ayant reçu une bourse du prestigieux Prix Fullbright pour faire des études universitaires aux USA ont été informés par le Département d’Etat américain que leur bourse d’études devait malheureusement être annulée.
L'éducation des Palestiniens, une menace pour Israël
La raison de cette soudaine décision n’avait rien à voir avec les mérites des sept étudiants- manifestement tous intelligents et grands travailleurs étant donné qu’ils avaient pu obtenir la bourse convoitée. Pour être plus précis, le coupable était, de nouveau, l’occupation israélienne, qui refuse aux jeunes adultes la permission de sortir de la Bande de Gaza assiégée.
Depuis le blocus, les Gazaouis sont virtuellement mis dans une cage de 360 km², sans pouvoir sortir, ni entrer en Israël ou en Cisjordanie par le point de passage de Rafah en Egypte. Ce dernier point de passage a été un sérieux sujet de controverse entre les Palestiniens, les Israéliens et les Egyptiens, qui avaient occasionnellement ouvert le point de passage pour quelques jours le temps de laisser entrer des centaines de personnes bloquées de l’autre côté.
Etant donné que la bourse Fullbright est aussi prestigieuse, il y a eu un relatif « grabuge » quand les lettres d’excuses sont arrivées. Une lettre reçue par un étudiant de Gaza disait « Nous sommes extrêmement désolés de ne pouvoir finaliser votre bourse d’études en ce moment, et nous espérons que vous renouvellerez votre demande l’année prochaine et pourrez finir vos études aux Etats-Unis ». Même la secrétaire d’Etat Condolezza Rice a été prévenue et a dû faire un commentaire. Pendant son voyage en Islande le 30 mai, Rice a calmement remarqué « qu’il y avait peut-être des raisons [pour le retrait de la bourse d’études], mais je veux voir pourquoi cela est arrivé ».
“Pourquoi cela est arrivé” est assez clair. Israël a un objectif majeur puisqu’il impose le blocus sur la Bande, qui est de se débarrasser du Hamas, de saper son pouvoir politique et militaire et d’installer à la place un gouvernement palestinien plus malléable, un qui sera plus arrangeant avec les constantes demandes israéliennes. En conséquence, ce blocus est étanche, laissant seulement sortir les « cas humanitaires urgents »
Le porte-parole de l’armée israélienne Peter Lerner a dit que la politique actuelle d’Israël est de délivrer des permis seulement pour les cas humanitaires et « les étudiants ne sont pas inclus dans la définition de l’aide humanitaire ».
Ce qui constitue l’aide humanitaire selon les israéliens n’est pas clair. Depuis que le blocus a été imposé il y a un an, on a enregistré 121 cas de Gazaouis morts après s’être vus refuser les permis de quitter la Bande pour recevoir des soins médicaux urgents.
Par ailleurs, avec la pénurie constante de fuel à cause du blocus israélien sur les produits pétroliers à Gaza, des centaines de milliers de Gazaouis restent des jours entiers sans électricité et les fruits frais et les légumes deviennent extrêmement rares et chers à cause de la fermeture hermétique des points de passage.
Toutefois, même si on ne considère que ce seul problème - le refus de laisser ces étudiants voyager aux Etats-Unis pour étudier – c’est une violation flagrante du droit intrinsèque à l’éducation. Comment sept brillants, jeunes ambitieux Palestiniens qui chercheraient seulement à s’améliorer eux-mêmes et par là leur pays pourraient-ils être une menace pour la sécurité d’Israël ?
Même la Secrétaire Rice a paru troublée par cette décision. « Si vous ne pouvez pas occuper les jeunes et leur donner de vrais horizons à leurs attentes et leurs rêves, je ne sais pas s’il y aura un futur pour la Palestine » a-t-elle dit.
Par ailleurs, Israël ne joue guère selon ses propres règles. Si des étudiants ne constituent pas « un cas humanitaire », cela semble peu probable que des hommes d’affaires le soient aussi. Cela n’a pas été le cas la semaine dernière quand 122 hommes d’affaires de Gaza ont pu aller à Bethléem à la Conférence sur l’investissement en Palestine, bien sûr avec l’agrément d’Israël. En conséquence, ce n’est pas réellement ce qui concerne les mesures pour la sécurité d’Israël mais ce qui pourrait servir ses intérêts. Donner un coup de pouce à des hommes d’affaires non Hamas à Gaza pourrait certainement aider à gonfler les parties de l’économie qui ne sont pas connectées au mouvement islamique.
Pas de doute, cela n’est pas une consolation pour les sept étudiants qui ont vu leurs espoirs déçus de voyager aux Etats-Unis pour rejoindre une des universités du pays. Le Département d’Etat a dit qu’il pourrait renvoyer les bourses à des étudiants de Cisjordanie plutôt que gaspiller tout-à-fait, ajoutant que les Gazaouis seraient éligibles pour la Fullbright l’année prochaine si Israël persiste à leur refuser un ticket de sortie.
Les israéliens d’une façon ou d’une autre croient que l’éducation palestinienne est réellement une menace pour leur sécurité, si on en juge par le passé. Depuis le début de l’occupation illégale israélienne de la Cisjordanie , de la Bande de Gaza et de Jérusalem Est, toutes les universités palestiniennes ont été fermées sur ordre militaire israélien à un moment ou à un autre. Les universités palestiniennes ont été fermées depuis janvier 1988 à avril 1992 après le début de la première intifada. Pour l’université de Birzeit, c’est la quinzième fermeture militaire de l’université depuis 1979.
Depuis ce temps-là, toutes les 10 universités de Cisjordanie et de la Bande de Gaza ont été fermées par intermittence par les autorités israéliennes, toujours avec l’excuse que les campus sont « le lit du terrorisme ». Bien sûr, les universités sont représentatives de l’ensemble de la situation politique, sociale et économique de toute société, la Palestine ne faisant pas exception. Aussi, bien qu’une activité politique soit présente et que des factions rivalisent pour des sièges au conseil des étudiants dans une claire représentation de la scène politique plus large, ce n’est pas une excuse pour priver ces étudiants de l’éducation qu’ils ont le droit de recevoir.
Malheureusement, de la même façon que pour toutes les autres dimensions du conflit israélo-palestinien, la communauté internationale est aveugle aux injustices qu’Israël inflige aux Palestiniens. La fermeture des institutions d’enseignement par le pouvoir militaire est une atrocité dans tous les cas, encore plus si elle est répétée, interrompant le cursus d’enseignement de centaines de milliers de palestiniens.
Heureusement pour les sept récipiendaires de la Fullbright à Gaza, Israël a changé son fusil d’épaule. L’organisation israélienne pour les Droits de l’Homme Gisha a rapporté dimanche tard que « le consulat US a dit ce soir aux candidats Gazaouis à la Fullbright qu’il a restauré le fonds pour le prestigieux programme scolaire et qu’il "travaille dur" avec le gouvernement israélien pour sécuriser les permis de sortir de Gaza pour aller au Consulat US à Jérusalem et par la suite quitter Gaza pour voyager aux Etats-Unis ». Le porte-parole du Département d’Etat Sean Mac Cormack a dit que le revirement US est dû à l’ordre de la Secrétaire d’Etat Condolezza Rice, qui avait entendu parler du fiasco de la bourse vendredi.
Cela montre que lorsque les Palestiniens jouent la carte du droit, l’embarras est causé aux Etats-Unis, tout d’un coup Israël trouve lui-même qu’il n’a pas le choix et doit faire des concessions*.
* Cette conclusion on-ne-peut-plus simpliste laisse accroire que "jouer la carte du droit" apporte quelque reconnaissance des droits des Palestiniens de la part de l'entité sioniste et des USA. L'histoire des 60 dernières années de lutte du peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits montre que le recours "au Droit" n'a strictement eu aucun résultat. (note ISM)
Source : Palestine Chronicle
Traduction : MM pour ISM
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Joharah Baker
6 juin 2008