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ISM France - Archives 2001-2021

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Jérusalem -

Hussein de Lifta

Par

Ces faits historiques concernant Lifta sont extraits du livre « Tout ce qui reste » de Walid Khalidi. Tous les autres sont des souvenirs que m’a raconté mon beau-père. Aujourd’hui il habite un camp de réfugiés à Ramallah, Palestine, et il aspire toujours et rêve de revenir chez lui. Il a 87 ans et l’esprit toujours aussi décapant qu’une lame de rasoir
Il y a peu le gouvernement israélien a publié des ordres de "confiscations de terre" pour des dizaines de familles qui vivent près de l’Université Hébraïque.

Hussein de Lifta

Photo : maison disparue du vullage de Lifta - Poica

Je m’appelle Hussein R.

Je suis né en 1917 dans le village de Lifta, banlieue de Jérusalem, en Palestine.

Je voudrais commencer par vous parler de ce village que j’aime tant.

Mon village se trouvait sur les pentes raides d’une colline, était situé au nord-nord ouest et surplombait Wadi Salman.

La route Jérusalem-Jaffa courait au sud-ouest de là, et des chemins de terre faisaient le lien avec les autres villages environnants.

Bien que l’identification du village ait été discuté par les spécialistes de la bible, on pense que Lifta s’est implanté à Mey Neftoach (Mef Nephtoah), une source proche de Jérusalem (Josué 15-9, 18-15).

Le site a gardé ce nom au cours de la période romaine et s’appela Nephto au cours de la période Byzantine.


En 1956, Lifta était un village du district de Nahiya à Jérusalem avec une population de 396 personnes.

Les maisons du village ont été principalement bâties en pierres et contournaient toute la colline. Le village s’est agrandi notablement à la fin du Mandat (britannique) On a aussi beaucoup bâti au bas de la colline, vers le sud et le sud-ouest, en lisière de la route Jérusalem-Jaffa.

La population de Lifta était principalement musulmane . Ses habitants chrétiens aussi étaient en gros une vingtaine sur 2 550 personnes au milieu des années 1940.

Le village possédait une mosquée, lieu de pèlerinage à Shaykh Badr (un sage local) et quelques boutiques centrales. Il y avait aussi une école élémentaire de garçons et une école de filles fondées en 1945. En plus il y avait deux cafés et un club social.

Le village était en effet une banlieue de Jérusalem, et ses liens économiques avec cette ville étaient très forts. Les fermiers de Lifta vendaient leur productions sur les marchés de Jérusalem et bénéficiaient des services de la ville.

Leur eau potable provenait d’une source de Wadi al-Shami. Leurs terres étaient plantées de céréales, de légumes et de fruits avec des oliviers et des vignes ; les oliviers s’étendaient sur 1044 dunums.

En 1944-45, c’est au total 3 248 dunums qui étaient plantés de céréales.



Ma famille, comme la plupart des familles de notre village, était une famille de fermiers. Mon père est mort quand j’avais trois ans.
Ma mère a élevé mes sœurs et moi-même avec l’aide de parents ;

En 1925, ma mère est morte de maladie quand j’avais huit ans.

Notre village était un lieu superbe et tranquille. Je n’avais que vingt ans à cette époque, mais à cet âge, la plupart des jeunes gens veulent se marier et avoir des enfants ;

J’ai retardé le mariage pour travailler et pouvoir aider mes sœurs. Ma fiancée, Adiba et moi devions nous marier plus tard dans l’année. Notre vie était tendue cette années à cause du combat, de la violence et de l’incertitude qu’on sentait autour de nous.



Les villages de la région ont été attaqués et pillés tous les soirs par la Haganah, le groupe Stern et l’Irgoun.

C’était des groupes impitoyables et très bien armés. Nous avions terriblement peur pour notre vie parce que notre village se trouvait sur la route stratégique de Jérusalem, ce qui en faisait une cible privilégiée pour l’agresseurs sioniste. Nous vivions aussi en bon voisinage avec le village voisin de Deir Yassin et partagions l’école avec eux.
L’éducation était très importante dans notre village depuis longtemps.

En fait, le village s’enorgueillissait d’avoir la toute première école de filles de toute la région.



Les gens de Deir Yassin avaient même signé un accord de non agression avec les sionistes de la Haganah.

Ca n’a pas empêché le Groupe Stern, l’Irgoun et la Haganah de les attaquer ; quand l’attaque a pris fin, l’un des pires massacres de l’histoire de cette guerre avait été réalisé.

L’histoire de la Haganah indique qu’ils ont lancé le massacre "sans s’occuper si c’était des hommes, des femmes, des enfants ou des personnes âgées .
Ils ont terminé le travail en chargeant certaines des « prisonniers tombés entre leurs mains sur des voitures et des camions et en plastronnant avec eux dans les rues de Jérusalem dans une "parade de victoire au milieu des cris de joie des masses juives.
Après quoi, ces "prisonniers" sont repartis au village et on été exécutés. Parmi les victimes il y avait des hommes, des femmes et des enfants, pour un total de 250 personnes
".



Durant cette période dangereuse et incertaine, nous avons décidé d’essayer au moins de nous protéger, nous et nos biens des terroristes sionistes qui répandaient la mort et la destruction dans toute la Palestine, surtout dans les petits villages ruraux.

Les responsables du village de Lifta après s’être réunis décidèrent que nous achèterions des fusils pour défendre nos habitations. C’était risqué parce que les anglais avaient une vieille loi selon laquelle tout palestinien pris avec une arme serait exécuté sommairement et sa maison détruite !

Nous avons pu nous procurer 4 vieux fusils de l’époque turque et des munitions. On a alors décidé de patrouiller dans le village avec nos fusils. J’ai participé à ces patrouilles, quoique je n’aie jamais auparavent porté de fusil de ma vie, et j’ai tiré pour la première fois.

J’ai beaucoup de très bons souvenirs de cette époque où mes copains et moi nous étions de garde, surtout la nuit, quand nous nous pressions les uns contre les autres pour partage une tasse de thé et des cigarettes roulées à la main. C’est de cette époque que je fume et malheureusement je fume toujours aujourd’hui, à la grande tristesse de mon médecin et de ma famille.



Le matin du 28 décembre 1947, j’ai pris un léger petit déjeuner avec du thé, du fromage et des olives.
Puis je me suis lavé, rasé et suis allé au café qui se trouvait sur la route principale.
Les hommes du village ont décidé que nous devions nous installer dehors pour que les sionistes nous voient bien en passant et n’essaient pas d’agresser.
Un groupe d’une vingtaine d’hommes , pour la plupart âgés étaient assis dehors sur des chaises basses et buvaient du café en jouant aux cartes.

Un peu plus tard dans la journée nous avons remarqué un bus qui s’arrêtait devant le café.

Des hommes sont descendus du bus, mais nous n’en pensions pas grand chose, souvent des gens s’arrêtaient pour demander leur chemin, nous avons pensé que ces gens aussi étaient égarés et allaient nous demander leur direction. C’était arrivé souvent.


Comme on allait s’en apercevoir, ce n’était pas des hommes ordinaires : c’était des membres de groupes sionistes terroristes. Ils ont sorti des fusils allemands de fabrication Sten de dessous leurs manteaux et se sont mis à asperger le café et les clients.
Ca a continué jusqu’à ce qu’ils aient vidé leurs canons, après quoi ils nous ont jeté des grenades à main, ont sauté dans leur bus, et sont partis.

J’avais sauté sur le sol dès qu’ils s’étaient mis à tirer et j’étais resté tranquille ; je me souviens avoir vu que mon cousin avait été atteint à la poitrine, qu’il s’était relevé et avait vacillé. Il était tombé directement sur moi. Il était mort en tombant.


Après le départ des terroristes, je me suis dégagé de lui et me suis mis debout. J’étais couvert de sang, mais pas blessé. J’ai perdu des parents et des amis dans cette affreuse attaque terroriste.

Des morts et des blessés, il y en avait partout.
C’est le message de paix que nous avaient adressé les sionistes "amoureux de la paix" qui voulaient vivre avec nous, côte à côte.
Les sionistes convoitaient depuis longtemps notre village parce qu’il était très proche de la route Jérusalem-Jaffa et ils nous avaient ainsi averti de devoir nous en aller.



Peu après l’attaque terroriste contre le café de Lifta, les groupes Izi de Menahem Begin et le Groupe Stern de Ytizak Shamir ont essayé à plusieurs reprises de nos faire partir par la terreur.
Nous n’avions aucun moyen de nous défendre efficacement.

Beaucoup de gens ont commencé à fuir en masse.
Nous avons pris ce que nous pouvions emporter et sommes partis vers les régions arabes de Palestine. Nous avons vécu sous les tentes et dans les rues. Ceux qui avaient des parents ailleurs sont partis vivre avec eux.
Avec ma sœur, nous sommes allés chez ma tante à Beit Hanina. Nous pensions rester là jusqu’à ce que les choses se calment et que nous retournerions chez nous. Nous pensions que ça ne durerait que quelques jours, peut-être quelques semaines.


En février 1948 le village avait été complètement vidé et tous ses habitants avaient été transporté en camion à Jérusalem-Est.

Peu de temps après que notre village ait été vidé de ses habitants, Ben Gourion a décidé que toutes les maisons en bordure de la route seraient démolies.

Ils ont démoli nos maisons, nos commerces, et nos fermes. La plupart d’entre nous n’avait pas eu le temps de revenir.
J’étais parti travailler en Jordanie et suis resté là-bas pendant quatre ans, travaillant dans la construction et me faisant un foyer dans les villages de tentes qui hébergeaient les nombreux réfugiés palestiniens qui avaient fui leurs maisons.

L’année que j’ai passée en Jordanie, j’ai été très seul et je travaillais très dur.
Nos employeurs ont profité de l’occasion pour employer les réfugiés palestiniens en Jordanie parce qu’’ils savaient combien nous avions un besoin désespéré de travail. Nous faisions la plupart des travaux les plus éreintants et les plus subalternes.


En 1953, je suis revenu à Ramallah en Cisjordanie , où s’étaient installés beaucoup de gens de Lifta. La plupart d’entre eux ont fait du camp de réfugiés de Ramallah leur foyer.
J’ai finalement épousé avec ma fiancée en 1953.

Nous avons construit notre maison dans le camp de réfugiés de Khadoura.

J’ai travaillé dans des carrières de pierres pendant plus de trente ans avant de rentrer en Palestine, dont vingt ans comme travailleur en Israël. Mes mains ont travaillé et taillé des milliers de pierres au travers des années.
Mes quatre filles sont mariées et m’ont donné 26 petits-enfants et ce n’est pas fini !



J’ai maintenant 87 ans. Je vis en réfugié depuis que nous avons été obligés de quitter nos maisons, il y a 56 longues années.

Ma maison familiale existe toujours à Lifta même si je n’ai pas l’autorisation d’aller la voir.


Il y a des projets en cours pour détruire les anciens maisons qui restent à Lifta et pour construire des "maisons de luxe" pour les immigrants Juifs fortunés tandis que les vrais propriétaires vivent toujours dans des camps de réfugiés surpeuplés et fourmillants.
Le Droit au retour est un droit individuel.

Libre à chaque réfugié individuellement de savoir si il ou elle préfère revenir ou obtenir des dédommagements.




PS : Ces faits historiques concernant Lifta sont extraits du livre « Tout ce qui reste » de Walid Khalidi. Tous les autres sont des souvenirs que m’a raconté mon beau-père. Aujourd’hui il habite un camp de réfugiés à Ramallah, Palestine, et il aspire toujours et rêve de revenir chez lui. Il a 87 ans et l’esprit toujours aussi décapant qu’une lame de rasoir

Il y a peu le gouvernement israélien a publié des ordres de "confiscations de terre" pour des dizaines de familles qui vivent près de l’Université Hébraïque.

Ces familles sont tout ce qui restait des habitants de Lifta qui s’accrochent toujours à leurs terres ancestrales.

L’Université Hébraïque et Yad Vashem, le mémorial de l’Holocauste, ont été construits sur es terres volées de Lifta. On dirait que les Sionistes sont en train de « finir le travail » qu’ils ont commencé en 1948 en volant le peu de terre qui reste aux mains de leurs propriétaires légitimes.

Source : www.hanini.org

Traduction : CS pour ISM-France

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