Israël - 3 mars 2005

Il tirera et il ne pleurera pas

Par Gideon Levy

L’affectation du général de division, Dan Haluz, à la tête de l’Etat Major est l’affectation de l’homme approprié, au moment approprié. Les Forces israéliennes de Défense méritent un homme sans inhibitions morales, après les trois ans d’activité d’un chef d’Etat Major dont les actes se caractérisaient par très peu d’inhibitions morales.
L’affectation de Halutz servira alors à faire tomber les restes du masque de moralité que portent les Forces Israéliennes de Défense.

Les protestations de la gauche contre l’affectation d’Halutz étaient inutiles, comme l’a été l’orage qui avait éclaté après sa déclaration, à propos du largage d’une bombe d’une tonne sur une maison d’habitation de Gaza : après cet événement, il avait dit que tout ce qu’il avait ressenti était « une petite secousse dans l’aile de l’avion » .

D’un point de vue moral il n’y a pas de différence entre Halutz « homme de droite » et son prédécesseur Ya’alon « Homme de gauche ». Ils sont tous les deux responsables de la politique brutale contre les Palestiniens.

Dans ses déclarations, Halutz représente fidèlement la politique conduite au cours des récentes années par les forces aériennes et les Forces israéliennes de Défense, qui n’avait plus place pour les déclarations morales dans notre guerre contre la terreur. Selon sa politique, larguer de lourdes bombes sur une maison est une méthode légitime et juste, et tuer des civils innocents, enfants compris, n’a aucun rapport avec la terreur palestinienne.


Ce caractère moralisateur doit cesser. Aussi, un chef d’Etat-Major tel que Halutz, qui dit réellement ce qu’il pense au sein des Forces Israéliennes de Défense, est préférable à un chef d’Etat-Major qui se cache derrière de fallacieux prétextes de moralité, comme le fait Ya’alon.


Pourquoi le ressenti d’un pilote quand il lâche une bombe d’une tonne sur un bâtiment résidentiel est-il même important ? Tant qu’il le fait ses sentiments et ses déclarations ne pèsent d’aucune sorte de poids.
Même si Halutz avait dû souffrir dans son cockpit, à cause de ses victimes, ça ne pouvait pas avoir d’importance. Ca ne pouvait pas non plus avoir d’importance pour l’image morale de ses forces aériennes.


Les tueries semées par la bombe que le Général d’Etat Major Halutz a ordonné de larguer exprime mieux que tout ce qu’exprimait sa déclaration sur « l’aile (de l’avion) secouée ».
Quiconque a vu les ruines laissés par cette bombe, dirigée contre Salah Shhadeh dans le quartier de Daraj à Gaza le 22 juillet 2002, et ceux qui ont rencontré les survivants le jour suivant, ne s’intéressait plus aux déclarations d’ Halutz.

Quiconque a vu le berceau qui a volé en morceaux de Ayman Mattar, dont le petit corps n’a été découvert que deux jours après le largage de la bombe, ne sera pas réconforté par une quelconque excuse morale. Mohammed Mattar, qui a travaillé pendant trente ans en Israël, debout au milieu des ruines de sa maison ayant perdu sa fille, sa belle-fille et quatre de ses petits-enfants, ayant lui-même été blessé avec trois autres de ses fils, ne risque pas d’être réconforté par un commandant moins arrogant que Halutz.

Quiconque a vu les appartements en ruines a appris aussi que les Forces Israéliennes de Défense et les forces aériennes ont menti de façon éhontée quand elles ont commencé par déclarer publiquement qu’il n’y avait que des « cabanes » à l’endroit où la bombe avait explosé ; qu’il était impossible de savoir que des gens y vivaient.
La véritable image morale des forces aériennes est là, dans les ruines du quartier de Daraj, plus que dans toutes les déclarations réunies de son chef.


Ce qu’Halutz pense dans le fond de son cœur est donc sans importance.
Ce qui importe, c’est ce qu’il fait. De ce point de vue, on peut affirmer qu’il sera exactement aussi moral que son prédécesseur.


Que Ya’alon surgisse soudain comme un chevalier de la morale dans son armure éclatante et comme le héros de la gauche est une honte Au cours son mandat (celui de Ya’alon) la politique de l’IDF à l’égard des Palestiniens a été plus cruelle que par le passé.

Et surprise des surprises – au moment où il a été licencié par le Ministre de la Défense, l’ancien partenaire de cette politique, le chef du mouvement des kibboutz, ces bastions de moralité, ont protesté contre ce licenciement.

Et sur cette page même, Ya’alon a été appelé par Ari Shavit comme « le chef d’Etat-Major d’intégrité » rien de moins (« Ha’aretz, 24 février).

L’homme qui a été responsable de dizaines d’assassinats ciblés, de la destruction de centaines de maisons et de l’emprisonnement de toute une population est décrit « comme un homme qui incarne la morale d’Israël et une intégrité en train de disparaître sous nos yeux mêmes »


Quelle morale ? Quelle intégrité ? Quel Israël ?

Cette autosatisfaction n’aura plus de place avec l’affectation d’un chef d’Etat-Major qui ne présentera pas une morale trompeuse de l’extérieur.

Halutz n’est pas un kibboutznik (habitant de kibboutz) de Grofit, ni un ex soldat de Nahal, ni un commis de laiterie occasionnel. C’est un soldat professionnel.
Le temps est venu de se débarrasser de ceux qui tirent en pleurant, de ceux qui mettent en œuvre une politique de barbare et bénéficient d’une image humanitaire.

Halutz tirera et il ne pleurera pas, les kibboutzniks ne manifesteront pas pour lui et les experts auront du mal à le dépeindre comme un modèle. C’est mieux comme ça.


L’affectation de Halutz servira alors à faire tomber les restes du masque de moralité que portent les Forces Israéliennes de Défense.

Quand l’homme au sommet de la pyramide est celui qui formule ses principes moraux d’une manière aussi inhumaine et aussi dure, il devient difficile pour les Forces Israéliennes de Défense de continuer à tenir des séminaires sur les droits de l’homme, la dignité humaine, la liberté et la pureté des armes, ou de commander à un philosophe un code éthique.

L’affectation de Halutz, par conséquent, ferme la boucle à l’intérieur des Forces Israéliennes de Défense.

Elles seront maintenant dirigées par un chef d’Etat-Major qui exprime la véritable image morale des Forces Israéliennes de Défense avec des mots précis.

Maintenant c’est l’agressivité et l’arrogance qui parleront non seulement sur le terrain, mais dans les bureaux du chef d’Etat-Major

Source : www.haaretz.com/

Traduction : CS pour ISM-France