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Monde - 4 février 2009
Par Mary Rizzo
Il est en train de se passer quelque chose de très étrange, actuellement, à l’intérieur d’un petit cercle de personnes qui se complaisent à se considérer comme la pointe avancée de la lutte pour la Palestine ; nous faisons allusion ici à ces gens qui se classifient eux-mêmes en tant que juifs laïcs antisionistes, qui considèrent être des voix juives «indépendantes» et, partant, l’avant-garde du «mouvement pro-palestinien».
La censure sioniste sur un discours ‘consensuel’ demandant la fin
de l’occupation et des violations des droits de l’homme en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza : le tampon
Sioniste, identifié par la Magen David et les deux bandes
bleues symbolisant le Nil et l’Euphrate, frontières du «Grand Israël», oblitère le discours de l’orateur de la mention à l’encre rouge : «discours haineux».
A la suite de ce qui ne peut être qualifié autrement que d’événement international unique en son genre, d’une importance médiatique majeure, et peut-être, aussi, d’une certaine signification historique, ils protestent et ruent dans les brancards de colère contre l’intervention d’Erdoğan sur une tribune que partageaient le Secrétaire général de l’Onu, le chef de la Ligue arabe et le Président d’Israël.
Ces critiques malencontreuses vont, sur quelques sites marginaux et au sein de groupes de discussion microscopiques, jusqu’à pratiquement prendre fait et cause pour le Comité Juif Américain dans la critique d’Erdoğan.
Le fait intéressant, et extrêmement positif, qu’Erdoğan n’ait pas pu permettre au flot de bobards proférés par Shimon Peres de s’écouler sans réaction au cours de la conférence du Forum Economique Mondial (réuni à Davos) sur la question de Gaza semble leur avoir échappé, à tous autant qu’ils sont.
Ils semblent à peine avoir remarqué que le Premier ministre turc Erdoğan était en quelque sorte préparé au genre d’arguments qu’il allait entendre, au type de justifications qu’Israël avance pour ses frénésies de tueries, car il sortit une feuille de papier de son porte-documents, et il se mit à lire, sur cette feuille de papier (ou plutôt, il s’évertua à le faire, jusqu’au moment où le modérateur essaya de couper le sifflet au Premier ministre et à pousser l’assistance vers la salle à manger), trois citations : la première, tirée de la Torah, la seconde de Gilad Atzmon, et la troisième d’Avi Shlaim.
Traduction en français des propos Premier ministre turc Erdoğan
A l’évidence, la Torah fait autorité, et même si certains juifs athées se moquent bien que Dieu, c’est-à -dire quelqu’un dont ils affirment qu’il n’existe pas, soit cité, ce qui compte, c’est le message, en fin de compte. Ils ont décidé, en revanche, qu’Erdoğan a fait quelque chose d’horrible en citant Gilad Atzmon. Ah bon ? C’est avec le message, ou avec le messager, qu’ils ont un problème ?
Examinons tout d’abord le message : il disait rien d’autre que le fait que quiconque affirme défendre les Palestiniens devrait savoir, à l’heure qu’il est : «La barbarie d’Israël surpasse la cruauté ordinaire » Si quelqu’un est prêt à affirmer qu’Israël a eu recours à rien moins que la force disproportionnée la plus brutale, alors laissons-le parler, aujourd’hui encore, de « paix », ou espérer, à jamais, ladite « paix »…
Il est surprenant, aussi, que plutôt qu’affirmer qu’Erdoğan a «marqué un point», ils sont en train de ramener les Kurdes, l’Arménie et d’autres aspects atroces des affaires turques, passées ou actuelles.
C’est ce que font aussi les attaques contre Erdoğan dans les médias sionistes, juste actuellement, et cela est en train d’être renvoyé en écho par ceux-là mêmes qui ne cessent de clamer, depuis fort longtemps, qu’ils sont l’avant-garde du mouvement, bien qu’ils n’aient pas de qualités particulières pour le justifier, à moins que leur accréditation douteuse tienne au fait qu’étant juifs, ils peuvent ajouter leur nom à un appel ?
Il semble vraiment étrange qu’alors qu’il est question de la Palestine, ils semblent très heureux de le tirer vers l’antisémitisme, ce qui, à l’évidence n’a jamais été le cas du tout dans ce qu’ils s’acharnent à détruire, ou bien vers des arènes géopolitiques très éloignées d’Israël et de la Palestine.
Il n’y a AUCUNE différence entre la campagne sioniste et la campagne juive antisioniste. Toutes deux visent à décider quels doivent être les paramètres du discours, et à détruire le messager, tout en faisant de la question de savoir comment les juifs se sentent et comment ils pensent que le monde devrait parler d’eux LE seul, L’UNIQUE problème.
Il est de bon ton de se gausser du porteur du message, Erdoğan, au motif qu’il appartient à un parti islamiste. Bon : pourquoi être surpris ? On sait bien que c’est là un péché mortel, aux yeux de ces juifs, tant ceux qui sont sionistes que ceux qui sont antisionistes. Cela revient à dire automatiquement que c’est un régime religieux totalitaire qui est l’ennemi, d’où le soutien assorti de restrictions, ou la critique ouverte du Hamas et du Hezbollah. Pour savoir si tel est bien le cas en Turquie, ça n’est pas difficile : il suffit d’aller dans ce pays pour le découvrir.
En Turquie, les femmes se voient interdire de porter le hijab (c’est fondamentaliste, cette interdiction ?) dans la fonction publique, cela, pour ne citer qu’un exemple parmi bien d’autres de la nature laïque de ce pays. Oh, il y a aussi cet autre problème : Erdoğan est un bourgeois.
Eh bien, il semblerait que les seuls bourgeois acceptables soient ceux qui sont exactement comme eux, c'est-à -dire des marxistes laïcs. Ou des progressistes laïcs. Ou des juifs athées. Ou des juifs laïcs progressistes… bon, vous voyez ce que je veux dire…
Eh bien, s’étonnent-ils, comment cet Erdoğan a-t-il pu avoir connaissance d’un écrivain aussi « obscur », qui se retrouve dans son porte-documents et donc amené d’Ankara à Davos, et là , directement sur l’avant-scène ? Les contempteurs d’Erdoğan ne savent peut-être pas que les articles de Gilad Atzmon circulent largement, et pas seulement dans les médias alternatifs, mais qu’ils ont fait leur entrée dans le discours public, par la grande porte. Un de ses articles a d’ailleurs été cité dans son intégralité sur la chaîne satellitaire turque SkyTurk.
En me baladant à Florence, aujourd’hui, j’ai trouvé un de ses articles traduits en italien glissé sous les essuie-glaces des bagnoles ; mettez la radio, et vous l’entendez : on l’interroge sur ce qui se passe à Gaza. Je suppose que c’est génial, d’être publié dans Socialist Unity, mais si c’est pour dire qu’Atzmon est marginal, obscur, hé bien, cet argument a une bonne fois pour toutes mordu la poussière.
Ce n’est pas une question de fierté, même si nous devons reconnaître que cela vous rend fier d’entendre vos arguments ou ceux de vos amis et alliés être utilisés pour démolir le honteux mur de mensonges de Peres, alors qu’ Erdoğan aurait tout aussi bien pu ne pas réagir du tout. Cela vous fait un bien incroyable. Cela vous dit que vous êtes bon à quelque chose. Si nous pouvons le faire, sans être financés par quiconque, ou sans faire le boulot de quiconque, alors, c’est que la voix de tout un chacun peut être entendue.
Et, de fait, Erdoğan a fait une quantité incroyable d’heureux. La quasi-totalité des Turcs et des Palestiniens ont admiré son courage et sa détermination. A son retour dans son pays, il y a été accueilli à l’égal d’un «leader mondial». Pourtant, certains voudraient saper cela en le qualifiant de démagogie motivée, à leurs dires, par l’approche des élections turques.
Arrêtons-nous un instant, et réfléchissons. Si, en Israël, le fait d’être aussi assoiffé de sang que possible afin de gagner des voix relève de la tactique électorale, et si le fait, en Turquie, d’exprimer la protestation humanitaire en faveur d’un peuple vilipendé est le «choix gagnant», alors, dans lequel de ces deux pays préféreriez-vous vivre ?
Et si, effectivement, le peuple, dans son entièreté, pense qu’Israël est en train de tuer, et de tuer d’une manière qui dépasse toutes les bornes, alors le discours d’Atzmon n’a strictement rien de marginal, ni d’extrémiste : le discours d’Atzmon est au cœur du sujet. Personne n’a besoin de bombarder les gens avec de l’information, ou des lettres, ou des campagnes, pour qu’ils sachent comment appeler les choses telles qu’ils les voient.
Ils n’ont pas besoin que telle ou telle association juive leur dise qui écouter, et comment penser, en les coinçant dans une sorte de préjugé bizarre selon lequel s’identifier avec ces propos serait, d’une manière ou d’une autre, dommageable pour les juifs et antisémite, et comme le diraient certains des «leaders» du mouvement en question, contreproductif pour le mouvement lui-même ou la cause qu’il prétend défendre.
De fait, la conclusion à retirer de cela, c’est que ces écrits doivent toucher les nerfs, toucher les sentiments les plus profonds d’intérêt humain, et non pas ceux de l’opportunisme personnel ou de l’expédience politique.
La diffusion des écrits de Gilad Atzmon s’est opérée par une prolifération spontanée ; il n’y a aucun service de presse, ni aucun groupe de lobbying politique, il y a juste une personne, assise derrière son ordinateur personnel, et il y a la diffusion de l’information, à partir de là .
Le "mouvement" [pro-palestinien] est pourri, s’il est incapable de reconnaître que le moment est venu de mettre de côté leurs préventions ou leurs conflits personnels avec Atzmon, de reconnaître que quelque chose de magnifique vient de se produire et que les militants humanitaires dans le monde entier le sentent bien, et le savent. Persister dans la campagne visant à faire taire Atzmon non seulement ne pourrait qu’être encore MOINS efficace qu’auparavant, mais cela ferait tomber la dernière feuille de vigne dissimulant que ces gens opèrent en leur qualité de crypto-sionistes.
Leur programme d’action, et celui du Congrès Juif Américain, sont une seule et même chose.
Source : http://www.uruknet.info/
Traduction : Marcel Charbonnier
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