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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Interdiction d’entrée : expulsion des témoins de l’occupation israélienne et unilatéralisme

Par

Maureen Clare Murphy est rédactrice de la section Arts, Musique et Culture à Electronic Intifada. Avant d’être expulsée en mai dernier, elle avait vécu pendant un an et demi à Ramallah et travaillait pour l’organisation humanitaire Al-Hag.

Dans une nouvelle tentative israélienne pour isoler les Palestiniens du reste du monde, on apprend que l’armée israélienne va déclarer la Cisjordanie fermée aux nationaux étrangers.
La Bande de Gaza leur est déjà virtuellement inaccessible ; ceux qui désirent entrer doivent, des semaines à l’avance, demander aux autorités israéliennes ces insaisissables permis.
Le résultat est que le calvaire de la population civile palestinienne sous occupation israélienne est de plus en plus invisible à la communauté internationale.

Les nouvelles mesures d’expulsion des nationaux étrangers (y compris les palestiniens ayant des passeports étrangers), ceux qui travaillent dans la société civile palestinienne, étudient dans les universités palestiniennes, et ceux qui vivent avec leur famille palestinienne, laissent craindre que les Palestiniens de Cisjordanie n’auront plus aucune visite dans leur prison à ciel ouvert.

Bien entendu, c’est le prétexte de « sécurité » qui justifie cette politique d’isolement.

Le quotidien de droite israélien Maariv rapporte : "Selon le projet, l’IDF (Israël Defense Force) va déclarer que la Judée et la Samarie (la Cisjordanie ) sont fermées à tous les nationaux étrangers. Interdire l’entrée aux (…) militants a pour but de prévenir la subversion politique et la participation des membres des mouvements aux actes de terrorisme, et pour limiter les frictions avec les colons juifs".


Toutefois, Israël a depuis longtemps interdit l’entrée à des foules d’internationaux, qu’ils soient ou non des militants – politique qui a été intensifiée ces derniers mois.

Au mois d’avril, après que j’ai vécu pendant un an et demi à Ramallah avec un visa de tourisme que je devais renouveler tous les trois mois, on m’a empêchée d’entrer en Cisjordanie par la Jordanie, par le Pont Allenby sous contrôle israélien, sans aucune explication. Du côté jordanien du pont, les officiers de sécurité disaient que de nombreux titulaires de passeports internationaux – américano-palestiniens en particulier – avaient été refoulés.


J’ai réussi à revenir avec un visa d’un mois, après avoir obtenu un nouveau passeport auprès de l’Ambassade des Etats-Unis en Jordanie, mais j’ai été expulsée à l’aéroport de Tel-Aviv un mois et demi plus tard.

Là, on m’a informée que j’étais "persona non grata" parce que soupçonnée d’essayer "de m’installer illégalement en Israël", en dépit du fait que je vivais à Ramallah, Cisjordanie .

Dans toute autre pays, rester trop longtemps avec un visa de tourisme serait une raison compréhensible d’expulsion.

Toutefois, les Palestiniens n’ont aucun contrôle sur leurs frontières, et Israël a mis fin à l’ancien système qui permettait aux détenteurs d’un passeport étranger travaillant ou vivant en Cisjordanie et à Gaza d’avoir un permis de travail, ou un visa spécial qui leur permettait de rester pour un séjour prolongé.


Sans possibilité de me faire entendre ni d’avoir recours à aucune action légale, les autorités israéliennes m’ont simplement remis un bout de papier qui n’avait rien d’officiel et m’ont poussé dans un avion pour Toronto. De plus, le document était en hébreu, une langue que ni moi ni l’officier canadien de l’immigration – à qui j’essayais de m’expliquer une fois arrivée là-bas – ne comprenions.


Contrôle de tout mouvement

La menace d’expulsion par Israël est la grande peur existentielle suspendue au-dessus de la tête de tous les expatriés des territoires palestiniens occupés.

Les conversations avec d’autres expatriés finissent toujours par la relation de nos récentes expériences de "course au visa", lorsque nous nous précipitons pour faire un saut en Jordanie ou dans un autre pays et que nous revenons pour obtenir un nouveau visa touristique B-2 de trois mois.

Ceux qui travaillent pour une agence des Nations Unies ou une importante association internationale obtiennent souvent des permis de travail ; mais pour ceux d’entre nous qui ont récemment travaillé dans la société civile palestinienne, il n’y a aucun moyen connu pour avoir ce permis sans faire partie d’une grande organisation.
Et pour les quelques courageux qui ont essayé de forger de nouvelles tactiques et ont fait les demandes de permis individuellement, même le meilleur des avocats ne pourrait garantir un résultat.


Dans la période post-Accords d’Oslo, les internationaux travaillant dans la société civile palestinienne pouvaient déposer une demande de permis de travail auprès de l’administration civile israélienne en Cisjordanie via l’Autorité palestinienne. Mais cette possibilité n’existe plus depuis longtemps.

Une amie européenne qui travaille dans un organisme civil palestinien a téléphoné récemment au DCO (District Commander Officer) au check-point de Beit El, qui héberge un bureau de l’administration civile israélienne pour la Cisjordanie .


On lui a répondu que pour pouvoir passer le check-point, elle devait avoir un permis de travail délivré par Israël et qu’elle devait en faire la demande auprès du Ministère israélien des Affaires sociales.
Et l’officier israélien a ajouté : « Je peux vous dire tout de suite que ça sera impossible parce qu’ils vous le refuseront, dès qu’ils sauront que vous travaillez pour un organisme qui travaille dans les territoires.”


Les internationaux travaillant avec des organisations palestiniennes ont très peu d’options pour passer les frontières contrôlées par Israël de manière "légitime".
Certains choisissent de mentir sur leurs activités lorsqu’on leur demande le motif de leur visite, sachant que la moindre mention du mot "Palestinien" les mettra sur les listes rouges israéliennes.

Les optimistes comme moi pensent que dans le doute, il vaut mieux dire la vérité.
N’étant pas très douée dans l’art du mensonge, je me suis fait un point d’honneur à ne pas ressentir que le fait de travailler avec une organisation de Droit de l’Homme palestinienne respectable était rien moins que légitime.

Mais nous savons tous que notre sort sera décidé de façon arbitraire, car il n’y a aucune procédure établie et transparente qui garantisse d’entrer.


Parmi les expatriés qui vivent à Ramallah, on connaît les histoires des épouses de Palestiniens titulaires de la carte d’identité de Cisjordanie qui ont dû se procurer le visa touristique B-2 plusieurs fois par an.

Ces femmes ont acquis le statut de légendes au sein de la communauté des expatriés car la situation précaire des détenteurs de passeports internationaux (les Palestiniens vivant dans la diaspora inclus) qui sont mariés et ont une famille avec des Palestiniens détenteurs de la carte d’identité de Cisjordanie ou de Gaza est très réelle.

Des milliers de familles palestiniennes vivent dans la crainte perpétuelle que l’un des membres de la famille soit déporté – une inquiétude partagée par mon commerçant du coin de la rue dont la femme, qui a un passeport américain, fait l’aller et retour en Jordanie tous les trois mois, et un ami dont la belle-sœur américaine, qui a dépassé son visa de cinq ans, sait que si elle part, elle ne pourra plus jamais revenir.

Récemment, la crainte a été confirmée : de très nombreuses familles dont l’un des membres avait un passeport étranger se sont retrouvées séparées par l’interdiction d’entrée de l’un des membres. Beaucoup d’entre elles sont des familles de la classe moyenne dont le père, qui faisait partie de la diaspora palestinienne, est revenu au pays après les Accords d’Oslo pour participer à son développement.

Comme me le signalait un fonctionnaire palestinien détenteur d’un passeport européen, « Ceci est particulièrement symbolique puisque, en choisissant de revenir en Palestine, ces personnes représentent l’optimisme des années Oslo et personnifie le projet d’établissement d’un Etat. » Si cette tendance continue, une grande partie de la classe moyenne palestinienne pourrait être dispersée, emportant avec eux leurs investissements et leurs entreprises, laissant l’économie palestinienne encore plus instable.


Au-dessus de tout ça, il y a les innombrables Palestiniens qui un jour sont partis (ou ont été forcés de le faire) et ne sont plus autorisés à revenir à cause du passeport de leur pays d’adoption.

Ceci fut le cas du frère d’un collègue, qui avait un passeport européen ; l’entrée en Cisjordanie par le Pont d’Allenby lui a été refusée, à peu près au même moment que moi.


Et pendant qu’il me conduisait à l’Ambassade américaine à Amman où j’allais chercher mon nouveau passeport US, le chauffeur de taxi, originaire de Cisjordanie , m’a raconté qu’il est venu en Jordanie il y a quelques années pour trouver du travail, laissant derrière lui sa femme afin qu’elle ne soit pas séparée de sa famille.

Comme il a vécu pendant trop longtemps hors de Cisjordanie , les autorités israéliennes ne l’ont pas laissé revenir ; maintenant, sa femme et lui continuent de vivre séparément.


Les restrictions d’accès existent même à l’intérieur de la Cisjordanie , rendant très difficile voire impossible tout déplacement de Jénine ou Naplouse vers Ramallah ou Hébron, ou vice versa. L’armée israélienne contrôle chaque geste palestinien avec ses centaines de modes de restriction de circulation en Cisjordanie et son système restrictif de permis.

La plupart des Palestiniens de Cisjordanie ou de Gaza titulaires de papiers verts ou oranges n’ont pu se rendre depuis dix ans à Jérusalem-Est, considérée pourtant comme faisant partie de la Cisjordanie par la loi internationale, car ils ne peuvent le faire sans une autorisation israélienne rarement accordée.

Et ces jours-ci, même les membres du gouvernement palestinien (à part le Président Mahmoud Abbas) ne peuvent se rendre à Gaza, ni aller de Gaza en Cisjordanie .


Les Palestiniens sont dans l’impossibilité de se rendre dans les lieux de culte, dans les services d’enseignement ou de santé, et même chez les membres d’une même famille, ce qui brise les structures sociales, économiques et culturelles.

Israël dit imposer ces mesures pour des raisons de "sécurité", mais les termes qui décrivent de la façon la plus appropriée cette réalité sont "punition collective" et "oppression".

Ces restrictions de circulation sont de plus en plus formalisées par les terminaux des check-points qui coûtent des millions de dollars, suggérant que l’intention actuelle est de resserrer l’étau israélien sur les Territoires occupés, établir "un état de fait sur le terrain" et anticiper la solution négociée du conflit.


Lorsqu’Israël a commencé la construction du nouveau terminal du « croisement d’Atarot » entre Ramallah et Jérusalem, où se trouvait l’ancien check-point de Qalandiya, des rumeurs ont couru que les milliers de Palestiniens de Jérusalem détenteurs de cartes de résidence permanente devraient obtenir des permis pour aller à Ramallah et dans le nord de la Cisjordanie .

Depuis que le nouveau terminal est en service, ça n’a pas été le cas (bien que depuis le début de ce mois, ils ne peuvent plus passer par un terminal similaire à l’entrée de Bethlehem), mais beaucoup pensent qu’il n’y aura pas d’annonce, lorsque cette réglementation entrera en application.


La permanence de la structure technologique sophistiquée donne du poids à cette spéculation. Pourquoi aurait-on investi autant d’argent dans une mesure de sécurité temporaire ?

La même question peut se poser au sujet du mur israélien en Cisjordanie , dont le tracé annexe dix pour cent de la terre de Cisjordanie , et isole les communautés palestiniennes les unes des autres.



Dangereux silence

Au début de l’année, le Premier Ministre Ehud Olmert a parlé au quotidien israélien Ha’aretz de la nouvelle marge d’impunité dont bénéficie Israël à la suite du désengagement unilatéral de Gaza d’août dernier.

Au sujet des opérations criminelles illégales de l’Etat à Gaza, il s’est vanté qu’ « il n’y a aucune critique, nulle part dans le monde. Et vous savez pourquoi ? Parce que le désengagement nous a donné des degrés de liberté dans l’accomplissement des actions sécuritaires quotidiennes que nous n’avions jamais eu auparavant… Avant-hier, nous avons pratiqué une interception ciblée (sic) à Gaza. Le jour avant, nous avons pratiqué une autre interception ciblée (sic). Pas une remarque critique, par l’ombre d’une remarque critique, ne nous est parvenue, de nulle part. »

Le silence de la communauté internationale est assourdissant pendant qu’Israël bombarde systématiquement Gaza de missiles – l’une des zones à la densité de population la plus importante au monde – pour des assassinats extrajudiciaires illégaux, et est en train de se déployer indéfiniment ici. Bien évidemment, comme on pouvait s’y attendre, les pertes civiles ont été élevées.

Interrogé à ce sujet, Israël a justifié de telles opérations par la nécessité de mettre fin au lancement des roquettes artisanales Qassam sur Israël.

Mais de telles mesures n’ont rien à voir avec le principe légal de proportionnalité et les bombardements quotidiens sur Gaza sont bel et bien une autre forme de punition collective sur la population civile palestinienne.

Pendant ce temps, Olmert a rencontré des chefs d’Etat pour s’assurer de leur soutien pour son "Plan de Convergence", dernier euphémisme israélien pour désigner les négociations unilatérales de détermination du statut final.

Mais les bases de ces projets unilatéraux ont déjà été posées. Avec le Mur et les nouveaux check-points permanents en place ou en construction, l’architecture des frontières déterminées par Israël est visible.

Bien qu’elle n’accepte pas la totalité du système, la communauté internationale accueille ce dernier plan unilatéral comme "la seule solution en rayon", en dépit des affirmations passées que la seule façon de résoudre le conflit était une résolution négociée par les deux parties.

Avec le boycott par la communauté internationale du gouvernement palestinien démocratiquement élu, dont la moitié est maintenant en détention en Israël, les Palestiniens se retrouvent plus que jamais empêchés faire valoir leurs droits.

Et maintenant qu’il devient de plus en plus difficile aux observateurs internationaux de se rendre en Cisjordanie ou dans la Bande de Gaza, les institutions civiles palestiniennes vont perdre les canaux inestimables qui leur servaient d’avocats sur le monde extérieur.

La communauté internationale sera totalement sourde et muette sur les violations des Droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens occupés.

Pendant qu’Olmert continuera à bénéficier de la compagnie chaleureuse de ces copains chefs d’Etat, les Palestiniens seront de plus en plus isolés sous occupation israélienne.

Quels seront les effets, sur la société palestinienne, si les internationaux travaillant avec la société civile palestinienne ne peuvent plus faire leur travail, et si les Palestiniens qui reviennent pour participer au développement de leur pays sont obligés de partir ?

Sans les voix palestiniennes largement absentes de la couverture du conflit par les médias, qui sera là pour parler de la dévastation quotidienne de l’occupation et de l’unilatéralisme israéliens au reste du monde ?

Avec une communauté internationale impuissante, y compris les consulats à Jérusalem qui privilégient les réglementations israéliennes plutôt que les droits et les intérêts des citoyens qu’ils sont censés protéger, les perspectives sont sinistres.


Lorsque j’ai demandé son avis à l’Ambassade US en Jordanie après avoir été refoulée au Pont Allenby, on m’a dit que puisque Israël avait le droit de contrôler ses frontières, d’une certaine manière, le refoulement de citoyens américains (alors que les citoyens israéliens peuvent entrer aux Etats-Unis) devenait “une question bilatérale”.

En dépit de ceci, après que j’ai été expulsée de l’aéroport, la réponse du Consulat US à Jérusalem a été que ces restrictions à l’entrée des étrangers en Cisjordanie étaient compréhensibles, étant donné les tensions croissantes entre le Hamas et le Fateh. D’autres américains qui ont pris contact avec le Consulat se sont vus raconter les mêmes histoires.

Pourtant, qui peut encore croire que ces interdictions d’entrée à des détenteurs de passeports internationaux soient prises pour des raisons de sécurité ?

C’est bien plutôt pour éliminer les personnes les plus crédibles et les plus aptes – en ce qui concerne les auditeurs internationaux des informations - à témoigner et à protester contre les desseins d’Israël sur la Cisjordanie .

Source : Electronic Intifada

Traduction : MR pour ISM

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