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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Interview de Scott Leckie, directeur exécutif du COHRE

Par

Si la solution à deux états doit être une solution viable, les deux parties doivent posséder un territoire satisfaisant, ils ont besoin d’avoir l’intégrité territoriale, un territoire contigu économiquement viable, où les droits humains et le Droit s’appliquent.
Jusqu’à ce que la question de la restitution des biens des réfugiés palestiniens soit prise en compte, il n’y a aucune raison de mener des conversations à long terme pour arriver à un accord permanent.
Il y a d’abord des mesures préalable à prendre.

"Palestine Report on line" a interviewé Scott Leckie, directeur exécutif du COHRE, le Centre pour le Droit au Logement basé à Genève, à propos des conclusions apportées par les associations des droits de l’homme, après leur récente étude intitulée "La Palestine souveraine : Une histoire des saisies judéo/israéliennes – juridiquement autorisée- des terres et des habitations en Palestine", qui affirme que la solution de deux états n’est plus réalisable.


PR : Il y a déjà eu plusieurs études sur les exigences palestiniennes concernant les droits à leur territoire de Palestine et leur droit au retour. Qu’est-ce qui rend cette nouvelle étude particulière ?

Leckie : Une des choses les plus importantes de cette étude, c’est que pour la première fois toutes les lois inhérentes, celles d'avant Israël et celles d’après 1948, ont été globalement étudiées dans des conditions soigneusement calculées et décidées pour servir, in fine, l’intérêt des Israéliens.

Souvent les gens se fixent sur les lois de la personne, comme la Loi sur les Biens des Absents, mais ne voient pas celles qui font partie d’un tout plus important, et je pense que cette analyse systématique de tout le système juridique israélien - en ce qu’il établit un rapport entre le logement, la terre et le droit à la propriété des Palestiniens - montre très clairement qu’il y a eu volonté délibérée de déposséder les Palestiniens de leurs terres au cours des six décennies passées.

Ce fut une volonté systématique, un résultat parfaitement voulu, quelque chose qui en dernier ressort rend la proposition d’une solution à deux états impossible, physiquement et pratiquement.

Ce lien entre la dépossession des biens des réfugiés, de leur terre, et la question du statut permanent des conversations de paix, est l’un de ceux qui est rarement abordé.

Nous devons regarder franchement le lien direct existant entre la confiscation de terres au cours des soixante dernières années et l’éventuel résultat de tout d’accord.

Si la solution à deux états doit être une solution viable, les deux parties doivent posséder un territoire satisfaisant, ils ont besoin d’avoir l’intégrité territoriale, un territoire contigu économiquement viable, où les droits humains et le Droit s’appliquent.

Jusqu’à ce que la question de la restitution des biens des réfugiés palestiniens soit prise en compte, il n’y a aucune raison de mener des conversations à long terme pour arriver à un accord permanent. Il y a d’abord des mesures préalable à prendre.

On ne peut pas avoir de véritables conversations pour une paix définitive si cette question, qu’ont systématiquement ignorée les gouvernements israéliens successifs, n’est pas traitée comme elle doit l’être.

Les réfugiés du monde entier, d’Afghanistan à la Bosnie-Herzégovine en passant par le Mozambique et le Timor-Est, ainsi que toute une série de pays au cours de ces deux dernières décennies, ont tous pu bénéficier du droit au retour et du droit à retrouver les biens qu’ils avaient perdus à cause des conflits.

Il n’y a aucune raison, particulièrement dans le domaine des droits de l’homme et dans le domaine du Droit, pour que ces droits puissent être conférés aux réfugiés partout, à l’exception des réfugiés palestiniens.



PR : Dans les termes du discours israélien, la solution des deux états n’implique aucune restitution de leurs biens aux réfugiées ni ne confère aucun droit au réfugiées palestiniens.
En fait, au-delà même des opinions politique, la question de ne se pose pas.
Pourquoi est-ce si important d’avoir une solution viable à deux états ?


Leckie : le COHRE a énormément travaillé sur cette question dans plus d’une dizaine de pays dans le monde et nous avons découvert très clairement que sur un plan purement politique, et mis à part les droits légitimes, à moins que vous ne trouviez un accord sans ambiguïté, transparent et juste sur la question des restitutions, il n’y a pas de possibilité pour une paix viable à long terme.

C’est pourquoi les Israéliens, en fin de compte, vont devoir s’occuper de ce problème.

La triste ironie des choses, c’est que de tous les peuples du monde qui ont justement bénéficié des procédures de restitution, aucun n’en a plus bénéficié que le peuple juif en tant que victime de l’Holocauste et des discriminations de l’Europe de l’Est, après l’Holocauste et pour ce qui concerne les confiscations des biens.

Israël connaît bien le concept de restitution. Certaines des associations les plus puissantes du monde sont israéliennes, et elles savent à quel point les restitutions sont importantes pour les réconciliations.

Plus de 20.000 m2 de terre ont été confisquées. Nous avons plus de 100.000 maisons palestiniennes occupées par des familles juives avec le plus entier soutien de l’état israélien.

Il y a cinq ou six millions de réfugiés prêts à tout pour retrouver leurs biens, et pas un réfugié n’est autorisé à revenir chez lui ni à rentrer dans ses biens.

Pourtant la situation aujourd’hui c’est que des pans immenses de cette terre sont vides, et que le retour est possible.

Nous vivons dans un monde où le droit à la terre et à la propriété est universellement reconnu.

Le droit à la propriété est un droit abondamment invoqué par les Etats-Unis et leurs alliés quand il s’agit d’Israël, mais qui n’est appliqué qu’à une seule partie de l’équation.

Les Palestiniens ont des revendications écrasantes sur leurs droits de propriété à faire valoir auprès de l’état israélien qui doit régler le problème une fois pour toutes.
Comme l’a montré la situation des réfugiés à travers le monde au cours des dernières années, le droit au retour des réfugiés n’est pas que le droit de rentrer dans leur propre pays, mais un droit à récupérer leurs maisons et leurs terres d’avant.

Ce même scénario doit jouer pour l’ensemble de réfugiés les plus importants au monde, les Palestiniens.

Sans cela, comment les Palestiniens pourraient-ils espérer négocier d’égal à égal avec les Israéliens ?



PR : Mais la notion d’un état pour le peuple Juif est central dans tout ça. Comment peut-on s’en tirer ?

Leckie : C’est évident. Beaucoup des membres du COHRE vivent et travaillent en Israël et nous connaissons bien les principaux sentiments qu’expriment Israël et les Israéliens.

Mais ce dont on a absolument besoin à long terme, c’est d’une nouvelle approche de toute la question, où les questions que nous avons toujours posées et les cadres dans lesquels on y a constamment répondu, seraient abandonnés.

La simple affirmation du voeu du gouvernement israélien, qui est distinct de celui de nombre d’Israéliens, d’avoir et de continuer l’idée d’un état juif, ne doit pas nécessairement prendre la forme qu’il prend aujourd’hui dans l’Israël contemporain.

On peut développer bien des formules pour ceux qui pensent que l’état du peuple juif est un aboutissement nécessaire, mais dans un contexte différent ou dans un cadre territorial différent qui permette le retour des réfugiés et permette peut-être à un état fédéral d’émerger. Il y a un certain nombre de possibilités à mettre sur la table.

Le monde s’est maintenant trop enlisé en mettant sur la table des options simplistes et à trop courte-vue et, comme nous le voyons ici, il y a eu des discussions, des discussions et des discussions et sans jamais aucun résultat positif pour l’une ou l’autre partie.


Nous devons repenser les choses, les gens ont besoin d’être imaginatifs et les gens devraient venir avec des options qui pourraient se montrer très différentes de celles que nous avons maintenant et qui offriraient aux deux parties une solution qui leur permettrait de vivre avec. Jusqu’à présent, on en est loin.

Résultat : la situation que les Palestiniens doivent affronter – n’avoir accès qu’à moins de 10% du territoire de la Palestine mandataire, vivre derrière un mur de 8 mètres de haut - bien plus long et bien plus haut que le mur de Berlin ne l’a jamais été - être soumis à une législation ouvertement discriminatoire, être économiquement étranglés dans leurs secteurs qui ressemblent de plus en plus à des enclaves – n’est pas un chemin valable pour créer une paix durable entre deux nations.

Nous avons besoin d’avoir des hommes et des femmes d’état capables, des deux côtés, de travailler ensemble et de comprendre que les similitudes entre ces deux peuples sont plus importantes que le monde ne le perçoit ou même que les gouvernements des deux parties n’en ont conscience. Les possibilités d’un futur commun sont plus grandes que les gens n’ont l’habitude d’en créditer les deux parties.

C’est notre espoir, particulièrement pour la société israélienne.

Bien que nous n’entendions pas couramment la question des restitutions aux réfugiés se poser en Israël, il y a un nombre croissant d’Israéliens qui reconnaissent ce qui est arrivé, qui veulent demander qu’on les excuse pour ces faits et veulent vraiment trouver un nouveau un système dans lequel tout le monde dans ce pays pourra vivre en bonne entente, exactement comme les gens de toutes opinions vivent ensemble, sans histoire, dans toutes les démocraties du monde guidées par les principes fondamentaux des droits de l‘homme et du Droit .

Quand vous visez une situation d’exclusion, comme c’est le cas maintenant avec la construction du mur, c’est un billet pour le désastre.

Vous ne pouvez pas avoir un état qui exclut dans le monde globalisé d’aujourd’hui, et je pense que l’Israël contemporain, en 2005, ressemble à l’Afrique du Sud des années 80 quand s’y mettaient en place une série d’actes désespérés pour maintenir un système raciste moribond.



PR : Rien de ce que vous dites n’est étranger aux oreilles palestiniennes, et en fait, c’est consacré par les résolutions des Nations Unies. Alors, où est la communauté internationale ?

Leckie : en termes de loi, de résolutions et de déclarations, elle a tout appuyé ; la communauté internationale est très présente ; les centaines de résolutions depuis 1948 ont universellement soutenu le droit au retour des réfugiés palestiniens ; ont universellement condamné les confiscations illégales de terre et les constructions illégales de colonies.

Le mur de sécurité a été déclaré illégal.
La liste est sans fin et elle est communiquée par le conseil de Sécurité des Nations Unies aux associations des droits de l’homme.
Pourtant, en pratique, c’est une autre histoire.

Le soutien constant des Etats-Unis à Israël sur tous les fronts a rendu très difficiles aux états favorables à une solution du problème respectueuse des Droits de l’Homme, d’avancer et de persévérer.

Les réalités historiques de l’Europe rendent encore plus présente l’intégration de cette difficulté par les Européens, et le monde arabe a été très fort du point de vue rhétorique mais moins créatif du point de vue diplomatique.

Beaucoup de forces sont au travail, mais nous croyons que la communauté internationale doit se montrer plus engagée et plus imaginative et suggérer des moyens possibles pour aller de l’avant..

Il n’est tout simplement pas défendable d’imaginer qu'une solution à deux-Etats soit quelque chose de réalisable maintenant.



PR : Etes-vous partisan de mettre la question des réfugiés au centre du processus de paix plutôt que de la laisser de côté comme on l’a fait depuis Oslo ?

Leckie : Absolument. Et pas seulement à Oslo, mais presque toutes les initiatives qui ont été prises depuis. C’est une chose de dire que la partie israélienne s’oppose fermement à ce que les Palestiniens obtiennent le droit au retour, mais les Palestiniens doivent parler d’une seule voix sur cette question.

Quand on parle aux réfugiés, il y a une certaine unanimité sur ce qu’ils aimeraient voir et que ne reflètent pas toujours les hauts responsables supposés représenter ces populations. Nous espérons que les deux parties entendront les vœux et les revendications des réfugiés.

Source : http://www.palestinereport.org

Traduction : CS pour ISM

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