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Israël - 8 novembre 2007
Par Jeff Halper
Jeff Halper est le Coordinateur du Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons (ICAHD).
Tout en acceptant la Feuille de Route, Olmert a à l'esprit un document très différent de celui de l'ONU, des Européens, des Russes et des Palestiniens.
Israël a intégré à sa version du document ses "14 réserves", ce qui a pour effet d'annuler la Feuille de Route en tant que véritable chemin vers la paix.
Carte de la dépossession des Palestiniens
Comme lors ses déclarations en août dernier à Jéricho où le Premier ministre Ehud Olmert avait indiqué sa volonté de se retirer d'une surface équivalent à 100% des territoires occupés, ses dernières déclarations au Saban Forum, en présence de Condoleezza Rice et Tony Blair, ont semblé prometteuses et même excitantes : "Annapolis est une étape sur le chemin des négociations et un authentique effort pour parvenir à l'accomplissement de la vision de deux nations : l'État d'Israël - la nation du peuple juif et l'État palestinien, la nation du peuple palestinien. "
De plus, il a exprimé son espoir de voir l'accomplissement de la solution à deux Etats avant la fin du mandat du président américain George W. Bush en janvier 2009.
Ce discours semblait sincère, même passionné. Olmert a donné l'impression qu'il était prêt à affronter toutes les difficultés, y compris la nécessité pour Israël de respecter ses engagements dans le cadre de la Feuille de Route. Il a déclaré de façon claire et ferme qu'Israël avait maintenant des "partenaires pour la paix" parmi la direction palestinienne. Toutes les conditions semblent avoir été remplies ; l'engagement du gouvernement israélien envers la Feuille de Route et la solution à deux Etats.
DONC, QUEL est le problème?
La pièce manquante, le document crucial qui subvertit toute viabilité d'une solution à deux États, un facteur dans les préoccupations stratégiques israéliennes qu'Olmert a mentionnée il y a seulement quelques jours comme étant à part, c'est la lettre que Bush a adressée en avril 2004 au Premier Ministre de l'époque, Ariel Sharon.
Ce document peu remarqué a fondamentalement changé les paramètres de ce qui doit être discuté dans tout "processus de paix" et les obligations d'Israël en vertu de la Feuille de Route. Il est considéré par le gouvernement israélien comme peut-être l'élément le plus essentiel dans ses efforts pour conserver les grands blocs de colonisation et de cette manière empêcher la possibilité d'un État palestinien viable.
L'essence de la lettre de Bush, qui a ensuite été ratifiée par la Chambre des Représentants dans un vote de 407 contre 9, et par le Sénat dans un vote de 95 contre 1, est le passage suivant : " En fonction de la nouvelle réalité sur le terrain, entre autre la présence de centres de population israélienne importants, il serait irréaliste de s’attendre à ce que les pourparlers se terminent par un retour absolu aux lignes d’armistice de 1949."
En une phrase en apparence anodine, le Président Bush a causé sciemment un tort irréparable à la résolution 242 de l'ONU, la base même de la solution à deux États depuis 1967 et à sa propre initiative qu'est la Feuille de Route, en annulant l'exigence imposée à Israël de revenir sur la Ligne Verte (avec quelques ajustements), de sorte qu'un Etat palestinien viable puisse émerger.
Israël considère la position américaine - rejetée par les trois autres membres du Quartet de la Feuille de Route, l'ONU, l'Europe et la Russie, et alors? - comme son accord pour conserver ses grands blocs de colonisation. Ils sont au nombre de six ou sept : la Vallée du Jourdain, le bloc de Ariel, le bloc de Modi'in, les trois blocs qui composent le "Grand Jérusalem" (Givat Ze'ev, Ma'aleh Adumim et le bloc de Etzion/Efrat), Et peut-être une colonie dans Hébron.
Et quand Olmert parle de "conformité avec la Feuille de Route", il parle du retrait de tous les territoires occupés en dehors de ces blocs de colonisation, depuis que la lettre de Bush les annexe de facto à Israël. Par conséquent, les énormes constructions de colonies et de routes à l'intérieur de ces blocs de colonisation ne constituent pas une violation de la responsabilité d'Israël à mettre fin à la colonisation dans le cadre de la première phase de la Feuille de Route, car ils ne font plus partie du territoire occupé.
La surface des blocs de colonisation qu'Israël souhaite conserver peut sembler peu importante : entre 10 et 20% de la Cisjordanie , y compris le "Grand Jérusalem". Mais ils sont d'une importance cruciale pour un Etat palestinien viable et "viabilité" est un terme de référence dans la Feuille de Route.
Les blocs de colonisation dans un "Grand Jérusalem" israélien usurpent aux Palestiniens le coeur économique de leur futur Etat, puisque, selon la Banque Mondiale, le tourisme autour de Jérusalem représente près de 40% de l'économie palestinienne.
Les autres blocs de colonisation morcellent la Cisjordanie en trois "cantons"(un terme de Sharon, puisque le Plan de Convergence d'Olmert, qu'il n'a jamais abandonné, est basé sur le Plan de Cantonisation de Sharon).
Le bloc de la Vallée du Jourdain garantit un contrôle israélien sur la frontière et l'eau du Jourdain.
En effet, tout en acceptant la Feuille de Route, Olmert a à l'esprit un document très différent de celui de l'ONU, des Européens, des Russes et des Palestiniens. Israël a intégré à sa version du document ses "14 réserves", ce qui a pour effet d'annuler la Feuille de Route en tant que véritable chemin vers la paix.
Par exemple, la réserve n° 5 déclare : "L’Etat provisoire aura des frontières provisoires et certains aspects de souveraineté, il sera complètement démilitarisé sans forces militaires, mais seulement avec une police et des forces de sécurité interne d’envergure et d’armements limités, il sera sans autorité pour engager des alliances de défense et de coopération militaire. Israël controlera toutes les entrées et sorties des personnes et des marchandises, tout comme son espace aérien et son spectre électromagnétique."
Pour finir, les Palestiniens obtiendront peut-être 80 à 90% de la Cisjordanie , mais ils n'auront pas un État viable. Ils auront des bandes de territoire stériles tandis qu'Israël conservera le contrôle sur les frontières, sur la circulation des personnes et des marchandises tant au sein de l'État palestinien qu'entre celui-ci et les pays voisins, sur une grande partie des terres arables du pays, sur presque toute l'eau, sur l'espace aérien des Palestiniens et même le contrôle de leurs communications.
L'Etat de Palestine sera privé d'une économie viable.
Étant donné que 60% des Palestiniens ont moins de 18 ans et que le mini État devra absorber des centaines de milliers de réfugiés, ses perspectives d'un État palestinien viable, stable et véritablement indépendant sont nulles compte-tenu des paramètres non-dits définis dans la lettre de Bush.
Il y aura un Etat palestinien. Israël a un besoin démographique urgent de se débarrasser des près de quatre millions de Palestiniens des territoires occupés. Il pourrait même essayer "d'échanger" deux cent mille citoyens israéliens arabes du Triangle de Galilée sous le prétexte de donner plus de terres aux Palestiniens.
La question cruciale est : sera-t-il un État viable?
S'il est vrai qu'Olmert entend conserver en permanence les blocs de colonies, un "grand" Jérusalem Israélien et un réel contrôle sur l'ensemble du pays jusqu'à la rivière du Jourdain, alors nous substituerons une forme sophistiquée d'apartheid à l'occupation.
Le piège se trouve dans les détails.
Source : http://www.jpost.com/
Traduction : MG pour ISM
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Jeff Halper
8 novembre 2007