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ISM France - Archives 2001-2021

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La fonction crée l’organe ou le cauchemar du réel

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La fonction crée l’organe.
Le médicament invente l’affection ou le trouble à traiter.
Dans Les Armes de la vie, Kafka raconte l’histoire d’une tour de Babel que devait édifier un groupe de personnages. Ils interrompirent leur travail au deuxième étage, pris qu’ils furent à résoudre les problèmes rencontrés lors de cette construction. Des tâches comme assurer le logement du personnel, la fondation de syndicats des travailleurs devinrent la préoccupation principale, faisant oublier l’objectif principal, l’élévation de la Tour.

La fonction crée l’organe ou le cauchemar du réel

Désormais, toute activité humaine ne vise plus sa destination première, elle ne s’exerce plus que pour réaliser le plus de profit, dénaturant sa vocation initiale. Ainsi, depuis quelques décennies le complexe médico-industriel a renoncé au soin.
Pfizer a expérimenté en 1996 une drogue sur des enfants de Kano, État le plus pauvre, le plus peuplé de la fédération du Nigéria, alors que cette région était en proie à une épidémie dramatique de méningite cérébro-spinale. Un protocole expérimental a été mené sur deux cents enfants avec attribution aléatoire de la molécule à tester contre un antibiotique qui a fait la preuve de son efficacité absolue contre cette maladie qui, quand elle n’est pas mortelle immédiatement, laisse des séquelles neurologiques le plus souvent graves et de toutes les façons d’autant plus inacceptables qu’elles ne pourront être appareillées. Mis en accusation plus de dix ans plus tard, Pfizer a tenté de se défendre en invoquant son respect de l’éthique selon les normes locales.

Photo
Des parents, avec leurs enfants devenus aveugles et sourds après des tests médicaux faits par Pfizer, devant la tribunal de Kano (Nigeria), le 29 janvier 2008 - Pius Utomi Ekpei AFP


Des essais dans le cadre de la recherche du traitement du SIDA furent menés à la fin des années 90, ils furent brutalement interrompus en 2002, sur des enfants à majorité hispanique et afro-américaine, dans des centres d’assistanat à l’enfance administrées par la mairie de New-York. Cette expérimentation de cocktails de drogues toxiques n’était pas conduite dans le cadre d’un consentement éclairé et ne pouvait l’être quand l’acquiescement était consenti par une institution qui avait l’autorité parentale déléguée par des parents le plus souvent insuffisamment éduqués et toxicomanes.

Un documentaire, The Ringworm Children (Les enfants de la teigne) fut présenté en 2004 sur la chaîne israélienne Channel Ten. Il enquêtait sur href="http://avocats.fr/space/guy.fitoussi/content/un-peu-d-histoire_02369726-0E2B-4AA1-A4E7-CD64ECBC05D7">l’emploi de radiations sur les crânes d’enfants séfarades pendant l’année 1951 pour traitement d’une prétendue teigne. En réalité, l’octroi de matériel de radio-diagnostic par une firme américaine au ministère de la Santé du gouvernement de Tel-Aviv se faisait en échange d’expérimentation sur du matériel humain à son insu.

Photo
Capture d'écran du documentaire The Ringworm Children


Selon le quotidien allemand Der Tagespiegel, appartenant à une holding de dimension mondiale et qui doit se permettre de dire la vérité sur les petites choses pour mieux mentir sur les grandes, l’Allemagne de l’Est aurait permis entre 1983 et 1989 à une cinquantaine de firmes occidentales de mener 165 essais cliniques contre quelques centaines de milliers de deutsche marks. Dans quelques cas, Bayer, Shering et Hoechst, maintenant Sanofi auraient testé des médicaments sans que les cobayes humains n’en aient été avertis.

On pourrait entasser des piles d’histoires comme celles-ci qui viennent quand elles heurtent l’ouïe ou font froncer le sourcil qui surplombe l’œil atteint de xérophtalmie sélective alimenter la moralité post-moderne entièrement enclose dans le magnifique harnachement de l’indignation.
Les portes des jardins de l’Occident se sont fermées.
Parmi les promeneurs retardataires qui en franchissent les grilles, certains soutiendront que c’est le nécessaire prix -modique- à payer pour le ‘progrès’ de la science dont les acquis rejailliront sur tous. Les mêmes rendent grâce à l’armée étasunienne qui a mis au point les communications satellitaires et internet, l’un comme l’autre ont créé l’illusion de liens et de connections entre leurs utilisateurs. Plus sûrement ils sont le moyen de localisation et de surveillance des citoyens et ils créent une sujétion supplémentaire à la propagande implicite ou non, le Trading Haute Fréquence et les suppressions d’emploi peuvent se compter parmi les effets collatéraux de ces technologies faussement libératrices.

Éliminer discrètement quelques pauvres qui de toutes les façons n’ont pas une grande espérance de vie même si condamnable selon la 'morale commune' pourrait être acceptable dans une logique pragmatique même si cynique du bénéfice pour la majorité.

Désormais le complexe médico-industriel module l’environnement scientifique, il l’imprègne, dicte au monde médical ses priorités et ses domaines de recherche.
Cette évolution s’est faite naturellement et de manière corrélée avec la colonisation de l’ultralibéralisme de toute activité humaine.
Moins d’État, donc moins d’impôts et moins de crédits pour la recherche publique souvent fondamentale. Les unités de recherche deviennent dépendantes des subventions des firmes privées. Plus aucun congrès médical, plus aucune recherche clinique d’envergure ne peuvent se faire sans les aides du privé. Les publications dans les revues reconnues comme les plus prestigieuses sont plus facilement acceptées quand elles sont supportées par un fonds d’un laboratoire pharmaceutique. Il en résulte une restriction du champ de l’investigation qui se limite à ce que va agréer l’industrie pharmaceutique.

De nouvelles nosologies ont commencé d’émerger.
Dans le domaine de la psychiatrie a été formalisée par consensus la description de nouveaux troubles de comportement comme celui du "Trouble Hyperkinétique Avec Déficit de l’Attention" devenu pour les besoins de la cause "Trouble Déficitaire de l’Attention avec (ou sans) Hyperactivité".
Les enfants avec des difficultés de concentration, considérés comme inadaptés au régime scolaire standart, deviennent justiciables d’un traitement par amphétaminiques (Ritaline®). Actuellement, plus de deux millions d’enfants prennent régulièrement sur ordonnance cette drogue psychostimulante avec tous les effets secondaires liés à la consommation de ce type de substance, dépendance physique, syndrome de manque en cas de cessation de prise et effets cardio-vasculaires pour obtenir d’eux un comportement normé.

Il a fallu le refus de la Food and Drug Administration, organisme de validation des médicaments aux US(a), d’accorder à la molécule du géant allemand Boehringer Ingelheim, la fibansérine, son statut d’efficacité sur la baisse de la libido féminine pour que s’atténue l’importance d’une nouvelle entité sur le précis de l’American Psychiatry Association, celle du désintérêt de certaines femmes pour le sexe.

L’industrie perdait là le pendant féminin du Viagra (dont l’action n’est que périphérique vasculaire) soit un marché estimé à deux milliards de dollars, le mécanisme d’action de la pilule rose se serait exercé sur le système nerveux central comme un psychotrope.

Les firmes pharmaceutiques consacrent moins de ressources financières pour leur secteur recherche et développement que pour leur département publicité et lobbying qui garantit un meilleur retour sur investissement.
Le premier mondial Pfizer a placé bien plus d’argent dans sa politique agressive de fusion-acquisition ces dix dernières années que dans la recherche, il vient en cinquième position en volume d’investissement derrière de plus petits que lui comme J&J, et sa contribution dans l’innovation est inversement proportionnelle à sa taille.
Les marchands de drogues licites cherchent alors plutôt à élargir l’usage de molécules existantes à de nouvelles applications.

Le précis de DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) sert de référence pour les bonnes pratiques médicales pour la corporation des psychiatres étasuniens et leur est opposable par les sociétés d’assurance et la justice.
L’American Psychiatric Association qui le rédige vient de supprimer la situation psychique des personnes en deuil d’un parent proche de la liste des troubles de l’humeur à ne pas assimiler à la dépression. Cette possibilité de cataloguer le deuil dans les syndromes dépressifs ouvre la voie à la prescription d’antidépresseurs chez les personnes tout à fait normalement atteintes de tristesse. Soit un marché de 10 milliards de dollars.
Huit membres sur les onze qui ont mené l’étude conduisant à la modification de la définition de la dépression et la manière de la traiter ont reconnu leurs conflits d’intérêts avec les firmes pharmaceutiques et six parmi eux recevaient des indemnités pendant la période où fut conduit le travail. Exclure des études les chercheurs ayant partie liée avec les fabricants de médicaments reviendrait à se priver de la grosse majorité des plus renommés.

C’est vrai pour la psychiatrie comme pour tous les domaines médicaux.

Le rôle de la médecine et des médecins est totalement dévoyé, au mieux ces derniers sont en train de se transformer en porte-plumes, pour ordonner au cours de consultations qui durent moins de sept minutes en moyenne des molécules dont on leur a enseigné au cours d’études laborieuses et difficiles d’accès l’infaillibilité et la nécessité.

La machinerie capitaliste réinvente le principe lamarckien de la fonction qui crée l’organe.
Puisque la molécule existe ou est en voie de l’être, il faut lui trouver la pathologie qu’elle va traiter.

Dans ce théâtre de l’absurde sont créés des problèmes car se profile la possibilité de vendre leur solution. La firme israélienne Mer Group, présidée par Chaim Mer, veut vendre de la sécurité à Madagascar, plus précisément au disc-jockey devenu président grâce à Total Elf Fina, Andry Rajoelina. Le jeune homme de 35 ans est allé rendre visite au régime de Tel-Aviv en pèlerinage. Les voleurs de zébus seront, nul n’en doute, les prochains terroristes malgaches.

La démocratie installée en Afghanistan occupé depuis 2001, près de douze années maintenant, va exiger de la part de la puissance qui a dressé une coalition de plusieurs dizaines de pays pour aller en chasse contre un prédicateur qui s’est échappé à motocyclette, de rester au-delà de la date prescrite. Karzaï va plaider auprès d’Obama lors de son séjour à Washington de conserver plusieurs milliers de soldats après 2014, au-delà de 2024. L’occupation a créé nombre d’emplois, toute la domesticité et la sécurisation de l’armée. En cas de départ, le manque à gagner risque de produire un mécontentement de la population et son soulèvement. Dixit le faisant fonction de ministre des Affaires Étrangères afghan, Zalmaï Rassoul, sans rire mais retenons nos larmes.

La dépense du Pentagone en fournitures pharmaceutiques en 2012 a excédé celle consacrée aux hélicoptères Black Hawk, tanks Abrams, cargos Hercule C-130 et missiles Patriot réunis. L’accroissement de cette dépense de 126% depuis 2002 est le double de celui de la population en général.

Pfizer va-t-il devenir le prescripteur de nouvelles guerres, juste pour continuer à traiter de plus en plus les syndromes post-traumatiques des soldats qui exterminent Afghans, Yéménites, Pakistanais et Somaliens depuis leur cockpit ou leur poste de commande au Texas ?

Lors d’un entretien accordé à la revue des Cahiers Libres de la jeunesse, Ionesco répondait en 1960 à la question de la réalité susceptible de se transformer en cauchemar :
« Concernant mon avis sur le ‘cauchemar réel’, j’ai le sentiment que la vie est cauchemardesque, qu’elle est pénible, insupportable comme un mauvais rêve. Regardez autour de vous : guerres, catastrophes et désastres, haines et persécutions, confusion, la mort qui nous guette, on parle et on ne se comprend pas, nous nous débattons comme nous pouvons dans un monde qui semble atteint d’une grande fièvre. N’avons-nous pas l’impression que le réel est faux, qu’il ne nous convient pas ? Que ce monde n’est pas notre vrai monde ? Nous sommes faits pour tout comprendre et nous ne comprenons que très peu, nous ne nous comprenons pas. Nous sommes faits pour vivre ensemble et nous nous entre-déchirons. »



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