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Libye - 27 mars 2011
Par Mounir Shafîq
On attendait de la jeune révolution populaire en Libye qu’elle se termine de la même manière que se sont terminées les révolutions en Tunisie et en Égypte : avec le départ du président et la chute de son régime. C’était sans compter quelques difficultés et surtout le caractère de Kadhafi et la nature de son régime. La révolution en Libye est une partie de la révolution qui s’est développée dans la plupart des pays arabes à commencer par la Tunisie et l’Égypte, en passant par le Yémen et le Bahreïn. Cependant, les derniers événements qui ont conduit à l’intervention militaire des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne en Libye, ont changé la donne et nous obligent à revoir notre analyse.
La ville stratégique d'Ajdabiya, dans l'est de la Libye, est tombée samedi matin aux mains des révolutionnaires (photo Al Jazeera)
Avant l’intervention, le peuple faisait face à un tyran qui s’était rallié aux États-Unis depuis 2003. Lui et ses enfants s’emparaient des revenus du pétrole. Environ 30 milliards de dollars furent déposés dans des banques et des sociétés états-uniennes et environ 20 milliards de dollars en Grande-Bretagne. A cela, il faut ajouter son rôle important dans la sécession du sud du Soudan et ses efforts pour poursuivre le démembrement du Soudan en commençant par le Darfour.
L’ingérence étrangère, qui a commencé par le bombardement de sites militaires libyens, continue sous le prétexte de sauver les civils des massacres perpétrés par les forces militaires pro-Kadhafi que ce soit à Benghazi, à Misrata ou dans de nombreuses autres villes.
Menée par l'Amérique, on ne peut pas considérer cette ingérence étrangère comme un soutien aux opprimés contre l’oppresseur car les États-Unis sont les plus grands oppresseurs des peuples du monde. De même, on ne peut pas ignorer les dangers et la portée de cette ingérence dans le futur. Le prix réclamé par les États-Unis à la suite de cette intervention, sera plus important que ne pourra le supporter le peuple libyen. Cette intervention constitue un précédent dangereux pour le futur du monde arabe. Elle a été organisée sous couvert d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, d'une résolution du Conseil de la Ligue arabe et à la suite de l’appel à l’aide d’un peuple dont les corps sont déchiquetés par les bombes de Kadhafi et de ses forces armées.
Toute personne qui croit que les États-Unis défendent les valeurs de la liberté, des droits de l’homme et de la démocratie, se leurre. Toute l’histoire des États-Unis est marquée par une opposition à ces valeurs. Les Étasuniens ont exterminé les Indiens d'Amérique et ont bâti leur pays sur un système esclavagiste puis sur un système de domination raciale qui laissa de nombreuses traces. Aujourd’hui, la discrimination s’est déplacée en direction des habitants d’origine hispanique ou arabe et cette dernière décennie sur les musulmans.
Concernant leurs relations avec les autres peuples, les États-Unis se sont toujours distingués, au cours de leur histoire, par leur politique impérialiste qui s'appuie sur des systèmes autoritaires corrompus. Ces systèmes n’ont aucun rapport avec la liberté, les droits de l’homme et la démocratie. Pour preuves de cette politique impérialiste, leur histoire négative en Amérique du sud, leur soutien illimité à l’Entité sioniste et les guerres qu’ils ont menées contre l’Afghanistan et l’Iraq au cours de la dernière décennie.
Même si l'on considère que les États-Unis ont sauvé l’Europe des nazis, ils en ont profité pour la contrôler politiquement, économiquement et culturellement – contrôle qui s'exerce encore. De même, les Étasuniens ont combattu les Serbes sous prétexte de sauver de l’extermination les musulmans victimes du régime de Slobodan Milosevic en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. En réalité, cette intervention n’était pas fondée sur une volonté de secourir les musulmans menacés d’anéantissement. Actuellement, les espoirs d’indépendance et de souveraineté de ces pays se sont transformés en cauchemars.
L'actuelle intervention états-unienne en Libye ne peut pas être considérée comme une aide apportée à un peuple contre les massacres pratiqués par un tyran fou qui, hier encore, avait parié sur les États-Unis pour protéger son régime. Ce tyran répondait favorablement à toutes leurs demandes en échange de la protection accordée à son régime. En raison de cette intervention, la révolution en Libye risque d'être étouffée. De plus, cela menace directement les révolutions tunisienne et égyptienne.
Les principaux responsables de l’intervention américano-européenne sont Mouammar Kadhafi, ses enfants et les piliers du régime car ils ont refusé de se soumettre à la volonté du peuple. Ils ont lancé une guerre criminelle contre les villes qui se sont soulevées et qui se sont libérées de leur autorité. Ils ont profité de leur supériorité dans le domaine de l'aviation et de l’artillerie et de soutiens extérieurs suspects leur permettant le recrutement de soldats et de pilotes pour massacrer les civils. Ainsi, ils ont entraîné, consciemment ou pas, l’ingérence extérieure.
Hugo Chavez et Fidèle Castro se trompent en ne percevant pas de la même manière la révolution libyenne et les révolutions tunisienne et égyptienne. Ils se tromperont bien plus encore, s'ils soutiennent, en réponse à l’ingérence états-unienne, Kadhafi contre son peuple.
Les États-Unis qui furent surpris par la rapidité avec laquelle Hosni Moubarak et Zine el-Abidine Ben Ali furent renversés, sont maintenant contraints de flatter les révolutions tunisienne et égyptienne. Il n’est pas permis de douter de la nature de ces révolutions bien qu’elles se soient tournées, par nécessité, vers les États-Unis qui soutenaient, pourtant, Zine el-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak en raison de leur alignement politique sur Washington.
Ainsi, la position correcte exige de s'opposer fermement à l’intervention militaire états-unienne et contre Mouammar Kadhafi, ses crimes et son régime et de rester aux côtés du peuple et de la révolution en Libye.
Prendre position aux côtés de la révolution et du peuple impose de ne pas se disperser. C'est la seule garantie pour se débarrasser de l’ingérence militaire états-unienne et de ses desseins odieux. De même, il faut veiller à ne pas soutenir Kadhafi et son régime qui, en raison des événements, s’est transformé en adversaire de l’ennemi extérieur. Kadhafi est pourtant responsable de cette intervention en ayant refusé de partir et en persévérant dans le massacre son peuple.
Prendre position contre Mouammar Kadhafi et son régime exige de ne pas être ébranlé par l’intervention militaire américaine. Kadhafi est l'un des premiers alliés des États-Unis. Il s’est soumis aux États-Unis après l’invasion de l’Iraq et il dépensa des dizaines de milliards de dollars pour les satisfaire. De même, il œuvra de manière directe ou indirecte à la partition du Soudan, à soutenir la rébellion au Darfour et à soutenir la politique africaine des États-Unis.
Aujourd’hui, Kadhafi est le plus à même de négocier avec les États-Unis sa protection, celle de ses enfants et de son régime. On ne peut pas oublier cela en s’alignant sur ses positions sous prétexte de résister à l’ingérence militaire états-unienne.
L’alignement doit se faire sur la révolution et le peuple libyen en s'opposant fermement à l’intervention militaire américano-européenne et en demandant la chute de Kadhafi et de son régime.
La Libye doit sortir de cette épreuve libre et indépendante. Sa révolution est une partie de la révolution arabe qui a triomphé en Tunisie et en Égypte. Cette révolution a ouvert le chemin tant attendu et peu importe les difficultés qu'elle aura à affronter.
Source : As-Sabeel.net
Traduction : Souad Khaldi
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Mounir Shafîq
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