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Palestine - 3 février 2006
Par Khaled Amayreh
Un des principaux facteurs de la victoire électorale retentissante du Hamas sur le Fatah, le 25 janvier dernier, est sans conteste la futilité du processus d'Oslo et son échec manifeste.
De fait, il saute aux yeux que ce processus mal ficelé a échoué lamentablement : il n'a nullement permis aux Palestiniens de recouvrer leurs droits, et il n'a même pas contribué à alléger un tant soit peu sérieusement la répression israélienne à la nazi déchaînée contre eux.
Israël concevait cet accord comme un expédient, comme un arrangement qui permettrait de maintenir plus ou moins inchangée l'occupation militaire israélienne, tout en donnant à des Palestiniens aux forces quasi décimées une autonomie extrêmement limitée, tandis que lui, Israël, conserverait pratiquement tous les avantages et que les Palestiniens se verraient refiler pratiquement toutes les charges [découlant de cette occupation].
Après que le président palestinien disparu Yasser Arafat eut déclaré Ã son peuple que l'accord (qu'il venait de signer) finirait par leur donner un Etat indépendant dont Jérusalem Est serait la capitale, Shimon Peres, cette proverbiale "colombe" israélienne, commenta cette déclaration, avec un mépris non dissimulé, en ces termes : "Il n'y a aucune raison d'être au garde-Ã -vous devant les paroles verbales d'Arafat ; laissons-le rêver. Après tout, rêver ne tombe pas sous le coup de la loi."
Quant à l'OLP, dont les dirigeants excellaient dans une rhétorique futile où il était question de "libération", de "personnalité étatique", du "sha'ab al-Jabbârîn" ["Le peuple des Géants" = le peuple palestinien "invincible" ! (On ne rit pas, et on ne pleure pas !., ndt)], elle n'a cessé de tenter de vendre aux Palestiniens une interprétation mensongère d'Oslo, à savoir : une promesse de libération et un Etat viable ayant pour capitale Jérusalem Est. En réalité, s'il est un point particulièrement scandaleux, dans l'accord d'Oslo, dans toute la splendeur de son "flou constructif", c'est bien la question de la reconnaissance mutuelle !
L'OLP, pressée de s'extirper d'une crise politique et financière aiguë, à la suite de la deuxième guerre du Golfe (c'est-à -dire de l'invasion, par l'Irak, du Koweït, en 1991, suivie de la défaite de l'Irak par une coalition sous houlette américaine), s'est empressée de reconnaître Israël, sans même attendre que les frontières en aient été définies !
En retour, Israël n'a jamais accepté de reconnaître un hypothétique Etat palestinien, et il s'est contenté - plutêt parcimonieusement et de mauvais gré - de reconnaître en l'OLP le seul représentant du peuple palestinien.
Politiquement parlant, la reconnaissance de l'OLP par Israël n'était rien de plus qu'un acte symbolique, dépourvu de toute signification concrète.
De fait, cette reconnaissance n'impliquait aucune reconnaissance des droits des Palestiniens par Israël, ni aucune prise de conscience israélienne que l'occupation de la Cisjordanie , de la bande de Gaza et de Jérusalem Est devaient prendre fin.
L'expansion - absolument déchaînée - (consécutive à la signature d'Oslo) des colonies juives en Cisjordanie , sous le nez de l'OLP et de la communauté internationale, a démontré sans aucun doute possible qu'Israël n'avait en aucun cas reconnu un Etat qui se serait appelé "Palestine", et qu'il ne le ferait jamais, en dépit de l'acceptation (hypocrite) de la "Feuille de route".
En effet, en principe, un pays qui veut réellement la paix avec ses voisins ne construit pas des centaines de colonies haineuses sur les terres volées à ses voisins, et ne transfère pas des centaines de milliers de ses citoyens les plus fanatiques et les plus haineux (les colons talmudiques) dans les territoires qu'il occupe.
Or, à l'évidence, Israël a fait tout cela, et pire encore, tout en continuant à avoir le culot de dire au monde entier qu'il n'a pas de partenaire de paix, du cêté palestinien ! ? !
La semaine dernière, tandis que le peuple palestinien des territoires occupés se voyait octroyer la chance de voter démocratiquement, il a exprimé son extrême désenchantement face à ce scandale ignominieux et il a, finalement, décidé de mettre à la poubelle la clique de menteurs corrompus qui ne lui a rien apporté, si ce n'est douze années de tromperies, de mensonges et un Etat policier sans Etat, dont le modus operandi consistait en : corruption, despotisme, népotisme, copinages et soumission absolue à l'insolence juive et au chantage américain.
Si le peuple palestinien a élu le Hamas, c'est parce qu'il a été trompé par l'OLP, couillonné par les pays arabes voisins (qui pour la plupart ne sont rien d'autre que des marionnettes obséquieuses prêtes à répondre au premier coup de sifflet de l'Amérique), berné par la communauté internationale, tout autant qu'il a été torturé et quasi décimé par un Israël insolent dont les cercles juifs [qui le représentent] en Amérique contrêlent quasi totalement la politique et les forces de répression américaines.
A propos de la paix, le peuple palestinien est sincère. Mais le peuple palestinien n'est ni idiot, ni crédule. Il sait facilement reconnaître un authentique processus de paix d'un authentique processus de tromperie.
Les Palestiniens se sont laissé avoir une fois.
Mais ils sont échaudés, et ils ne se laisseront ni duper, ni escroquer une deuxième fois.
Nous avons accordé le bénéfice du doute à ce que nous pensions être un processus de paix, mais nous n'accorderons pas le bénéfice du doute à ce qui est manifestement une entourloupe.
Il est bien vrai que le Hamas n'a pas de miracle à proposer, pour le moment, étant donné que le peuple palestinien, y compris le Hamas, sont toujours soumis à une occupation militaire scélérate et déshumanisante, qui n'est pas sans évoquer l'occupation nazie en Europe.
Le Hamas sera honnête avec le peuple palestinien ; il ne cherchera pas à lui promettre des châteaux en Espagne, il ne lui fera pas des promesses fantasmagoriques basées sur un mensonge américain archi-connu et sur la fausseté sioniste classique.
De plus, le Hamas ne cèdera pas à des exigences occidentales hypocrites, qui non seulement ignorent le viol juif permanent de la Palestine et la réduction en esclavage de sa population, mais se piquent du culot d'exiger que les victimes de ce viol déploient des efforts surhumains pour complaire au violeur - Israël - et fassent montre de déférence envers ses sentiments.
Le Hamas n'évoquera pas la destruction d'Israël. Le Hamas n'est pas en capacité de détruire Israël. Et, de fait, il ne veut pas de détruire la puissance nucléaire qu'est Israël.
Mais le Hamas n'accordera pas à Israël une reconnaissance gratis, et il ne lui remettra pas, en y renonçant, son droit intrinsèque à résister à ces vils occupants étrangers. Tout a un prix, parce qu'une paix authentique ne peut être que le fruit de la justice.
Le Hamas ne sera prêt à accorder volontiers à Israël une reconnaissance de facto et une paix sine die que lorsque celui-ci acceptera de reconnaître un Etat palestinien souverain établi sur 100 % de la Cisjordanie , de la bande de Gaza et de Jérusalem Est et de laisser les réfugiés palestiniens retourner dans leurs maisons, d'où ils ont été chassés manu militari au moment de la création d'Israël, en 1948.
Le Hamas n'acceptera jamais de céder, fût-ce un centimètre carré des territoires conquis par Israël en 1967.
Inutile de préciser que les frontières du 4 juin 1967 ont une énorme valeur symbolique, en sus de leur signification politique. Il faut être Palestinien pour comprendre cette valeur symbolique, et nous ne trahirons pas nos propres âmes.
Le Hamas est par ailleurs désireux de mettre un terme à toutes les formes de résistance violente, et il est prêt à le faire, si Israël veut réellement faire montre de réciprocité en mettant un terme à son agression quotidienne délibérée, à ses assassinats, à ses démolitions de maisons et à sa terreur d'Etat organisée et institutionnalisée à l'encontre de notre peuple.
En bref ; le Hamas veut être un partenaire de paix sincère, et non un vaincu inférieur, suppliant et mendiant tout et rien auprès d'Israël et de l'Amérique : des laissez-passer jusqu'Ã la faveur insigne de rencontrer un jeune responsable américain prometteur.
Il existe désormais une nouvelle variété de dirigeants palestiniens avec lequel il faudra bien que le monde prenne l'habitude de discuter et de travailler.
Ces hommes et femmes, fiers et dignes, ne rentreront pas la tête dans les épaules sous les coups de bâton.
Ils ne seront pas non plus attirés par de simples carottes.
Ils ne se laisseront pas intimider par le chantage de la suppression des aides étrangères, comme l'a indiqué récemment le dirigeant du Hamas, Khâlid Mish'al.
La balle est dans le camp israélien et dans le camp américain. S'ils veulent une paix historique, fondée sur les résolutions de l'Onu et le principe de l'échange de terres contre la paix, le temps est venu.
S'ils disaient "non", en raison de leur nature insolente et de l'arrogance que confère le pouvoir, ils ne feraient que confirmer l'idéologie de longue date du Hamas, pour qui les mots "Israël" et "paix", mis ensemble, constituent un oxymore intrinsèque :
"Quand il y a Israël, il n'y a pas de paix. Quand il y a la paix, il n'y a pas d'Israël. On ne peut avoir les deux à la fois."
*Traduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (transtlaxcala@yahoo.com).
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