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Ramallah - 15 août 2004
Par Genevieve Cora Fraser
Tout(e) Palestinien(ne) qui s’engage dans la lutte nationale pour l’indépendance prend de grands risques, même si son combat ou son action ponctuelle s’inscrivent dans le cadre d’une lutte non-violente contre la brutalité d’une occupation israélienne désormais entrée dans sa quatrième décennie. Le documentaire « Des femmes dans la lutte » retrace les vies de quatre anciennes prisonnières politiques, des femmes qui non seulement furent engagées dans des phases violentes de leur lutte nationale, mais qui en payèrent le prix en passant plusieurs années de leur vie en prison.
Recourant à des techniques filmiques consistant à suivre chacune des quatre héroïnes séparément, le récit retrace non pas seulement la vie des personnages, mais l’évolution de leur vécu personnel en Palestine, notamment durant l’Intifada actuelle. Des documents d’archives (films et photographies en noir et blanc) étayent la réalité de leur engagement. [Produit, dirigé et filmé par Buthaïna Canaan Khoury, le film sera présenté pour la première fois mardi 17 août à 16 heures, au cinéma Al-Kassaba, de Ramallah.]
Aïsha, une Palestinienne divorcée, âgée de cinquante ans, vit seule dans un petit village, près de Ramallah. Au fil des années, les opinions politiques d’Aïsha ont connu une évolution. Elle a été arrêtée au début des années 1970, après qu’elle eut déposé une bombe qui avait tué des Israéliens, en blessant plusieurs autres. Condamnée à la prison à vie, elle y a passé dix années, après quoi elle fut relâchée.
Après sa libération, elle a vécu plusieurs années en exil, et elle n’est retournée en Palestine qu’après la signature des accords d’Oslo. Rasmiyyéh, une amie d’Aïsha, l’avait assistée dans la mise au point de l’attentat.
Elle a été arrêtée et torturée, en même temps qu’Aïsha, et elle a passé comme elle dix années en prison, après quoi elle fut relâchée en même temps qu’elle également, au cours du premier échange de prisonniers entre l’OLP et le gouvernement israélien. Aujourd’hui, elle est avocate.
Rawda est une femme bien en chair, la quarantaine : elle a été déshéritée et abandonnée par sa famille en raison de certains de ses choix dans l’existence. Tandis qu’elle préparait une opération militaire chez elle, une bombe explosa prématurément, la blessant, elle et plusieurs de ses compatriotes. D’autres militantes de son groupe politique furent tuées dans l’explosion. Rawda avait épousé non seulement un ancien détenu, mais de surcroît un musulman, c’est-à-dire un homme d’une autre religion qu’elle, qui est chrétienne !
En raison des tortures physiques subies par tous deux lors de leur emprisonnement, ils ne peuvent avoir d’enfant. Aussi ont-ils en ont-ils adopté un.
Sa vie s’avère très éloignée de ce que l’on a l’habitude de considérer le cheminement traditionnel d’une femme palestinienne…
Terry et Rawda sont des amies très proches. Toutefois, à la différence de Rawda, les multiples incarcérations de Terry ont été de relativement courte durée. Terry a marché dans les brisées de Rawda : elle s’est mariée « en-dehors de sa religion ». Aujourd’hui, elle vit à Jérusalem.
Titulaire d’une carte d’identité propre aux Hyérosolomitains, elle st mariée avec un homme originaire d’Abu Dis, une localité cisjordanienne toute proche de Jérusalem. Hélas, Israël a décidé de construire le mur d’apartheid tout près de leur maison.
En raison des modifications perpétuelles de la législation israélienne, son mari vit sous la menace constante d’être expulsé de sa propre maison, ce qui entraînerait la séparation de la famille. Ce couple a deux filles.
« Des femmes dans la lutte » donne une vision rapprochée et originale d’une réalité rarement étudiée en profondeur : le mouvement des prisonnières palestiniennes. Depuis 1968, ce sont pas moins de 10 000 femmes palestiniennes qui ont été détenues par Israël.
Durant des années, ces prisonnières politiques ont été enfermées avec des criminels de droit commun. Afin d’améliorer leurs conditions de détention, ces femmes ont organisé des grèves de la faim et d’autres moyens de pression sur l’administration carcérale israélienne afin d’obtenir une négociation sur les droits et les besoins des femmes détenues. Une consultation fut organisée clandestinement, et c’est un véritable mouvement politique qui naquit derrière les barreaux.
Pour briser les femmes et les humilier, dans le but de les faire « avouer », a expliqué Mme Khoury, plusieurs d’entre elles ont été soumises à diverses formes de torture, dont des menaces et des tentatives de viol, ainsi que des tortures physiques et psychologiques, en vue de les terroriser. « Les tortures comportaient l’interdiction de voir la famille, les privations de nourriture, de sommeil, l’isolement total et même de très longues stations debout.
Ce type de torture était sadiquement perfectionné par des cagoules sales mises sur leur tête et sur leur visage, ainsi que par les menottes aux mains et aux chevilles », a-t-elle précisé. « Bien que ces mauvais traitement ne laissent aucune trace physique, ils causent une humiliation très douloureuse et diverses affections sur le long terme, comme des rhumatismes, des hernies discales, des ulcères, l’hypertension…
De plus, il était fait un usage intensif de musiques assourdissantes, de cris enregistrés, de l’obligation d’entendre les autres détenues hurlant sous la torture ou sous les coups », a expliqué la réalisatrice.
Après la signature des accords de paix d’Oslo, en 1996, beaucoup des femmes détenues adoptèrent une position désormais entrée dans la légende.
Proclamant le mot d’ordre « Pas de paix tant que tous les prisonniers et toutes les prisonnières n’auront pas été relâché(e)s », elles ont refusé d’être libérées par petits groupes. En conséquence de quoi leur libération fut retardée de quatre mois supplémentaires. Toutefois, seules les femmes conquirent effectivement leur libération totale.
En raison de l’échec du processus de paix, la dernière page du livre de la lutte des femmes prisonnières n’est pas encore écrite, a reconnu Mme Khoury.
Des femmes palestiniennes continuent à souffrir dans les geôles israéliennes, mais elles agissent, afin de défendre leur dignité et de s’intégrer dans les différents aspects, sociaux et politiques, de la vie palestinienne. « Bien que ces quatre femmes soient sorties de la prison israélienne concrète, elles se retrouvent dans une plus grande prison, une « prison » qu’elles ont l’impression de transporter sur leur dos, dans tous les aspects de leur existence », a estimé Mme Khoury.
Buthaïna Canaan Khoury a créé la société de production Majd [ce mot arabe signifie ~ « dignité dans l’honneur », ndt], en Palestine, en l’an 2000. En tant que cinéaste indépendante, son objectif est de produire des documentaires sur différents sujets cruciaux pour les Palestiniens.
Elle a plus de quinze ans d’expérience dans le domaine de la réalisation et elle a été la première camerawoman, productrice et coordinatrice à avoir couvert les événements au Moyen-Orient pour l’Union Européenne de Radiodiffusion [EBU – European Broadcasting Union], ainsi que plusieurs chaînes européennes de télévision bien connues. Elle est titulaire d’un doctorat ès réalisation cinématographique et photographie de l’université de Boston (Massachusetts). « Des femmes dans la lutte » est son premier documentaire long-métrage (d’une durée d’une heure).
[« Des femmes dans la lutte » a été coproduit par Lichtpunt Belgique. Le film a été édité par Sa’ed Andoni, la musique étant écrite par Wasim Kassis. C’est Medea Espagne qui a financé le projet.
Pour plus d’information, contacter :
Majd Production Co., Taybeh – Ramallah / Palestine.
Telefax : 972 2 289 80 22 /289 88 68
Email - buthinack@hotmail.com]
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