Envoyer cet article
Palestine - 27 septembre 2004
Par Genevieve Cora Fraser
"Israël dépeint les enfants de Palestine sous les traits de terroristes, de lanceurs de pierres sans visage, mais en raison des politiques menées par les gouvernements israéliens, c’est toute la matrice extrêmement complexe faite de du contrôle des naissances, de la santé, de l’éducation et du bien-être général de quelque 1 800 000 enfants de Palestine qui court un risque sérieux", a déclaré Adah Kay, professeur à la City University de Londres, lors de conférence sur la Palestine tenue à New York à la mi-septembre.
Coauteur de l’ouvrage Stolen Youth (Jeunesse volée) avec Catherine Cook et Adam Hanieh, anciens volontaires et administrateurs de la branche palestinienne de l’association internationale de défense des enfants [Defense for Children International / Palestine Section].
Publié en 2004 et portant le sous-titre : La politique israélienne de détention d’enfants palestiniens (The Politics of Israël’s Detention of Palestinian Children), Jeunesse volée est le premier ouvrage à explorer l’incarcération par Israël d’enfants palestiniens se fondant sur une information de première main fournie par des associations internationales de défense des droits de l’homme et des ONG travaillant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les enfants représentent 53 % de la population palestinienne.
"A travers des restrictions légales, politiques et économiques, Israël régit la Palestine, imposant des milliers d’ordres militaires qui régissent tous les aspects de la vie des Palestiniens, jusqu’aux plantes qu’ils sont autorisés à cultiver", a expliqué Kay, observant que des châtiments particulièrement durs sont infligés à des enfants palestiniens, en violation de l’article 3 de la déclaration des Droits de l’Enfance.
Les principes stipulés par l’article 3 se sont fait jour, pour la première fois, dans le droit international, en 1924, en même temps que la Déclaration de Genève des Droits de l’Enfant, et il fut ensuite adopté par l’Assemblée générale de l’Onu, le 20 novembre 1959 et reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dans la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques, adoptée en 1989.
L’Article 3 stipule que "l’enfant, en raison de son immaturité physique et mentale, a besoin d’une sauvegarde et de soins particuliers, dont une protection juridique appropriée, tout autant avant qu’après sa naissance."
L’article reconnaît aussi que "la famille, cellule fondamentale du tissu social et environnement naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, en particulier les enfants, doit se voir garantir la protection et l’assistance dont elle a besoin afin de pouvoir assumer pleinement ses responsabilités au sein de la communauté."
"Le recours à l’emprisonnement est la pièce maîtresse de l’occupation", a dit Kay.
"Depuis 1967, Israël a détenu plus de 600 000 Palestiniens. Depuis l’Intifada, jusqu’au 30 juin dernier, 2 650 enfants ont été arrêtés et emprisonnés."
Sous la juridiction israélienne, les enfants palestiniens n’ont pas la possibilité d’être défendus par un avocat, ni ils ne sont autorisés à savoir quelles sont les charges qui pèsent sur eux.
"Des enfants de 16 ou 17 ans sont traités par les militaires comme s’ils étaient adultes, contrairement au droit international", a expliqué le Professeur Kay.
"Les enfants palestiniens, une fois arrêtés, sont soumis à des tortures comportant des coups, l’exposition à des températures extrêmes et la contrainte de maintenir des postures douloureuses. On leur bande les yeux, on leur passe les menottes, et ils sont mis dans des centres de détention situés dans des camps militaires ou dans des avant-postes de colonisation, où les Israéliens les contraignent à signer des aveux et tentent de les recruter comme collaborateurs. Dans la quasi totalité des cas, ils sont envoyés en prison."
Les prisons israéliennes sont surpeuplées et insalubres. Les fournitures et soins médicaux y sont insuffisants. Les enfants sont isolés, esseulés, maltraités, et ils souffrent de symptômes perdurant longtemps après leur incarcération. Les maltraitances sont systématiques et s’assimilent à des tortures.
Beaucoup de tentatives de suicide sont enregistrées, et beaucoup d’enfants prisonniers sont malades.
Une fois emprisonnés, les enfants n’ont plus accès à une éducation en bonne et due forme, laquelle est tenue en haute estime, historiquement, en Palestine, a indiqué le Pr. Kay.
Elle a décrit la manière dont l’éducation palestinienne, d’une manière générale, est menacée, en raison des restrictions de déplacement.
"Des enfants et des enseignants sont bloqués à des check-points, ou à des barrages de terre improvisés en travers des routes. Ils sont bombardés de gaz lacrymogènes, on leur tire dessus et ils sont blessés (ou tués, ndt) sur le chemin de l’école", a-t-elle expliqué.
Depuis le début de l’Intifada, et jusqu’en février 2003, ce sont 132 écoliers, lycéens et étudiants qui ont ainsi trouvé la mort sur le chemin de leur établissement d’enseignement.
"Des écoles et des universités ont souffert d’incursions armées, ont été bombardées et détruites au bulldozer par l’armée israélienne. En raison des interruptions incessantes, on note une diminution des capacités de concentration. L’absence, les crises de panique et les demandes fréquentes de pauses sont des phénomènes croissants", a indiqué l’enseignante.
Des ordres militaires ont été utilisés afin de contraindre des écoles et des universités à la fermeture. Dans de telles conditions, il est difficile de maintenir des critères d’éducation élevés, et les enseignements artistiques et sportifs souffrent d’un taux d’absentéisme croissant.
L’état général de santé des enfants palestiniens se détériore également, tandis qu’on enregistre une augmentation des morts violentes, des blessures et des handicaps physiques.
Bien qu’autrefois une société relativement aisée, la société palestinienne a connu une augmentation sensible de la pauvreté, allant parfois jusqu’à la malnutrition sévère.
A Gaza, la malnutrition est comparable à celle qui est enregistrée dans les pays d’Afrique sud-saharienne.
La carence en vitamine A connaît une augmentation, et le programme de vaccination qui connaissait un taux de participation d’environ 90 % a connu une chute jusqu’à 50 % en raison des blocus, de l’état de siège et des restrictions de déplacements.
Mme Kay a souligné la manière dont Israël empêche délibérément les fournitures de vaccins de parvenir jusqu’à la population palestinienne qui en a besoin.
"L’électricité est coupée aux cliniques : résultat : les produits pharmaceutiques, dont en particulier les vaccins, sont avariés, et les cliniques mobiles ne peuvent atteindre leur destination. Les Palestiniens ont rarement accès à une eau saine, et ils doivent vivre à côté d’égouts à ciel ouvert", a-t-elle ajouté.
Les sièges et les incursions militaires ont non seulement parfois entraîné des accouchements devant des checkpoints où des dizaines de femmes et de nouveaux nés ont perdu la vie, mais on a constaté un grave déclin des soins néonataux, tant pour les mères que pour leurs bébés.
Le manque d’accès à une eau saine augmente encore les risques auxquels sont confrontés des bébés et des enfants fragilisés par la malnutrition. Le prix de l’eau a augmenté de 80% depuis 2000.
Malgré la violence, constante de la vie quotidienne sous l’occupation brutale d’Israël, les Palestiniens font montre d’une résilience remarquable et de mécanismes de solidarité très solides. Néanmoins, les enfants ont peur pour leur vie et pour leurs proches, le stress maximal étant constaté dans les camps de réfugiés de la bande de Gaza. Parmi ces enfants, la violence augmente. Des jeux funéraires ne sont pas rares, et l’agressivité entre enfants a augmenté.
Avec la mort, la maladie, les bouleversements de la vie quotidienne, beaucoup d’enfants perdant leur toit, les parents ont de plus en plus de difficulté à éduquer leurs enfants, et à s’occuper d’eux correctement. Les distractions et les occasions de se socialiser sont rares, pour ces enfants, qui ont généralement une vision très pessimiste de l’avenir.
"L’avenir même des enfants et de la société de la Palestine étant désormais en danger, combien de temps, encore, le monde va-t-il rester ainsi, les bras croisés ?" s’est interrogée le Professeur Kay.
Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.
L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
9 novembre 2021
Le fait d'être désigné comme "terroristes" par Israël illustre le bon travail des ONG en Palestine9 novembre 2021
L’Art de la guerre - Les nouvelles armes financières de l’Occident5 novembre 2021
Israa Jaabis : De victime à criminelle, du jour au lendemain3 novembre 2021
La normalisation est le dernier projet pour éradiquer la cause palestinienne1 novembre 2021
Kafr Qasem reste une plaie béante tandis que les Palestiniens continuent de résister à l'occupation30 octobre 2021
Voler et tuer en toute impunité ne suffit plus, il faut aussi le silence14 octobre 2021
Tsunami géopolitique à venir : fin de la colonie d’apartheid nommée ’’Israël’’12 octobre 2021
La présentation high-tech d'Israël à l'exposition de Dubaï cache la brutalité de l'occupation9 octobre 2021
Pourquoi le discours d'Abbas fait pâle figure en comparaison du fusil d'Arafat à l'ONU6 octobre 2021
Comment la propagande israélienne s'insinue dans votre divertissement quotidien sur Netflix : La déshumanisation et la désinformation de FaudaPalestine
Enfants
Genevieve Cora Fraser
27 septembre 2004